Cardiologie
Séances scientifiques de l’American Heart Association (AHA)
Étude DECLARE-TIMI 58 : La dernière étude sur les effets cardiovasculaires des inhibiteurs du SGLT2 révèle des bienfaits
Chicago – Un agent hypoglycémiant s’est révélé efficace pour protéger des patients atteints de diabète de type 2 (DT2) contre l’insuffisance cardiaque, quels que soient leurs antécédents de maladie cardiovasculaire (CV). L’étude phare, dont les résultats ont été présentés dans un résumé de dernière minute à l’occasion de la dernière assemblée annuelle de l’AHA, est la plus récente des études réalisées à la demande de la Food and Drug Administration (FDA) pour évaluer l’innocuité CV des inhibiteurs du cotransporteur du sodium-glucose de type 2 (SGLT2). Elle se distingue des études antérieures par le fait qu’elle portait sur une vaste cohorte de prévention primaire. Les données obtenues confirment l’innocuité CV observée au cours des deux études multinationales précédentes portant sur les effets CV des inhibiteurs du SGLT2. Elles démontrent en outre que ces inhibiteurs ont un effet protecteur notable contre l’insuffisance cardiaque, un facteur de morbidité important dans le DT2, ce qui justifie encore davantage leur emploi dans le traitement de première intention.
Dans le cadre de cette troisième étude, la plus récente, visant à évaluer l’effet protecteur des inhibiteurs du SGLT2 contre les maladies CV, près de 60 % des 17 160 patients présentaient des facteurs de risque CV, mais aucune maladie CV au moment du recrutement. Appelée DECLARE-TIMI 58, l’étude sur les issues CV a associé la dapagliflozine, un inhibiteur du SGLT2, à une réduction de 17 % (p = 0,005) du risque de décès d’origine CV ou d’insuffisance cardiaque sur une période de suivi médian de 4,2 ans. Les résultats, qui ont été publiés simultanément dans le New England Journal of Medicine (Wiviott SD, et al. 2018; 10 novembre [mis en ligne avant l’impression]), sont considérés comme étant immédiatement pertinents pour la prise en charge du risque chez les patients atteints de DT2.
« L’insuffisance cardiaque a toujours été l’une des complications du diabète les plus courantes, sinon la plus courante. »
« L’insuffisance cardiaque a toujours été l’une des complications du diabète les plus courantes, sinon la plus courante », a souligné le Dr Jared Butler, directeur du département de médecine de l’Université du Mississippi à Jackson, que l’AHA a invité à mettre en perspective les résultats de l’étude DECLARE. Il a expliqué que dans le contexte des études antérieures sur l’innocuité CV des inhibiteurs du SGLT2, les résultats de l’étude DECLARE-TIMI 58 font ressortir le rôle de la dapagliflozine et possiblement d’autres inhibiteurs dans la réduction du risque de survenue des complications du DT2 les plus pertinentes pour les patients ne présentant pas de maladie CV athérosclérotique (MCVAS) établie.
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La plus importante étude sur les inhibiteurs du SGLT2 menée à ce jour
Au cours de l’étude DECLARE-TIMI 58, la plus importante des études sur l’innocuité CV d’un inhibiteur du SGLT menées à ce jour, 10 186 (59,4 %) des quelque 17 000 patients admis présentaient seulement des facteurs de risque de MCVAS, tandis que la présence d’une MCVAS constituait un critère d’admission pour les 7020 participants à l’étude EMPA-REG OUTCOME. Des 10 142 patients de l’étude CANVAS, qui portait sur la canagliflozine, près des deux tiers (64,2 %) présentaient une MCVAS établie (Tableau 1).
Le recrutement de patients atteints d’une maladie CV préexistante pour participer à l’étude EMPA-REG OUTCOME, la première de la série, visait à confirmer que les agents en question n’augmentaient pas le risque d’événements CV au sein d’une population vulnérable. Toutefois, compte tenu des nombreuses données à l’appui de l’innocuité CV produites par ces deux études sur les issues cardiovasculaires, les chercheurs se sont intéressés aux propriétés de protection CV des agents examinés.
« Les patients diabétiques qui présentent plusieurs facteurs de risque, mais aucune maladie CV connue, représentent la plus grande proportion de l’ensemble des patients atteints de diabète », a souligné le Dr Butler, en insistant sur l’importance des données de l’étude DECLARE-TIMI 58 pour l’évaluation de l’influence des inhibiteurs du SGLT2 sur la prévention CV primaire.
Au cours de l’étude DECLARE-TIMI 58, les patients présentant plusieurs facteurs de risque de maladie CV ou une maladie CV préexistante ont été répartis aléatoirement pour recevoir une fois par jour 10 mg de dapagliflozine ou un placebo, en plus des antidiabétiques nécessaires pour maintenir leur équilibre glycémique. Comme les deux études sur l’innocuité CV antérieures, l’étude DECLARE-TIMI 58 visait d’abord répondre à une exigence réglementaire en démontrant la non-infériorité du médicament par rapport au placebo selon le critère d’évaluation relatif aux événements CV majeurs (ECVM). Elle a ensuite été conçue pour évaluer l’efficacité selon deux critères, l’un regroupant trois ECVM (décès d’origine CV, infarctus du myocarde et accident vasculaire cérébral [AVC]), et l’autre regroupant le décès d’origine CV et l’hospitalisation pour insuffisance cardiaque (Fig. 1). Les événements indésirables survenus dans les deux groupes ont aussi été comparés.
Réduction systématique des ECVM au titre de la prévention secondaire
Dans l’ensemble de la population de l’étude DECLARE-TIMI 58, la réduction des ECVM (8,8 % vs 9,4 %) n’a pas atteint le seuil de signification statistique, mais le Dr Butler a expliqué que les données issues de l’étude sont cohérentes avec les bienfaits sur le plan des ECVM observés au cours des deux études antérieures. Dans le sous-groupe de patients de l’étude DECLARE-TIMI 58 évalués en prévention secondaire, la réduction du risque d’ECVM était comparable à celle qui a été rapportée à l’issue des études EMPA-REG OUTCOME et CANVAS, a déclaré le Dr Butler, citant une méta-analyse publiée en même temps que les données de l’étude DECLARE-TIMI 58 (Zelniker TA, et al. Lancet 2018; 10 novembre [mis en ligne avant l’impression]).
Dans le cadre de cette méta-analyse, les cohortes de prévention primaire et secondaire ont été évaluées séparément, puis ensemble. Dans le cas de la cohorte de prévention secondaire de l’étude DECLARE-TIMI 58, le rapport des risques instantanés (RRI) relatif aux ECVM subis par les patients qui ont reçu la dapagliflozine par rapport à ceux qui ont reçu le placebo s’établissait à 0,90, un résultat qui, selon le Dr Butler, se compare à ceux obtenus pour les deux autres inhibiteurs du SGLT2 étudiés antérieurement. Par exemple, le RRI relatif aux ECVM associés à l’inhibiteur du SGLT2 par rapport au placebo au cours de l’étude EMPA-REG OUTCOME a été de 0,86. Les intervalles de confiance issus des études EMPA-REG OUTCOME et DECLARE-TIMI 58 se chevauchaient. En revanche, aucune réduction significative du risque d’ECVM n’a été observée dans les cohortes de prévention primaire des études DECLARE-TIMI 58 et CANVAS, que les ensembles de données soient évalués séparément ou ensemble (Fig. 2).
« La réduction observée au titre du deuxième critère d’évaluation regroupant le décès d’origine CV et l’hospitalisation pour insuffisance cardiaque a été systématique dans plusieurs sous-groupes. »
« La réduction des ECVM [obtenue avec les inhibiteurs du SGLT2] semble être limitée aux patients présentant une MCVAS établie », a expliqué le Dr Butler, qui rapportait la conclusion des auteurs de la méta-analyse. Ces derniers ont qualifié la réduction des ECVM de « modérée », même chez les patients présentant une maladie CV préexistante.
Protection contre l’insuffisance cardiaque observée dans tous les sous-groupes
En revanche, la réduction observée au titre du deuxième critère d’évaluation regroupant le décès d’origine CV et l’hospitalisation pour insuffisance cardiaque de l’étude DECLARE-TIMI 58 « a été systématique dans plusieurs sous-groupes, tant chez les patients qui présentaient uniquement des facteurs de risque que chez ceux qui présentaient une MCVAS », a déclaré le Dr Stephen D. Wiviott, rattaché au Brigham and Women’s Hospital et à la Harvard Medical School, à Boston, et investigateur principal de l’étude. Un effet protecteur a aussi été observé chez tous les patients, avec ou sans antécédents d’insuffisance cardiaque ou rénale.
Une analyse approfondie des composantes de ce critère d’évaluation, soit les réductions des décès d’origine CV, par exemple la diminution de 0,4 % du risque absolu de décès toutes causes confondues (6,2 % vs 6,6 %; RRI de 0,93), n’a pas révélé de différence statistiquement significative, mais la réduction de 27 % des hospitalisations pour insuffisance cardiaque était tout de même associée à des intervalles de confiance à 95 % se trouvant bien à l’intérieur des limites de signification statistique (RRI de 0,73, IC à 95 % : 0,61, 0,88).
La méta-analyse a révélé un phénomène semblable. Chez les patients en prévention secondaire, la réduction du critère d’évaluation regroupant le décès d’origine CV et l’hospitalisation pour insuffisance cardiaque s’établissait à 24 % (RRI de 0,76; IC à 95 % : 0,69, 0,85) pour l’ensemble des trois études, et était comparable lorsque les données de chacune des études ont été évaluées séparément. Chez les patients présentant seulement des facteurs de risque, la réduction globale du risque s’établissait à 16 % (RH de 0,84; IC à 95 % : 0,68, 1,01); les réductions étaient comparables à l’issue des deux études sur des inhibiteurs du SGLT2 comprenant des cohortes de prévention primaire. Les auteurs de la méta-analyse ont qualifié ces réductions de « robustes ».
Évaluation de la prise en charge du risque d’insuffisance rénale ou cardiaque
En outre, une analyse exploratoire des données de l’étude DECLARE-TIMI 58 a permis d’associer la dapagliflozine à une réduction de 24 % (IC à 95 % : 0,68, 0,87) du risque d’atteinte rénale en vertu d’un critère d’évaluation regroupant la néphropathie évolutive, l’insuffisance rénale terminale et le décès d’origine rénale. Cette importante réduction des manifestations rénales a été observée en dépit du fait que les patients qui ont participé à l’étude DECLARE-TIMI 58 présentaient relativement peu d’atteintes rénales au départ. La proportion de patients présentant un débit de filtration glomérulaire estimé inférieur à 60 mL/min pour 1,73 m2 s’établissait tout juste à 7,4 % dans l’étude DECLARE-TIMI 58, tandis qu’elle atteignait 20,1 % dans l’étude CANVAS et 25,9 % dans l’étude EMPA-REG OUTCOME. Le Dr Butler a précisé que l’effet protecteur contre la néphropathie évolutive observé dans l’étude DECLARE-TIMI 58 sur une période de suivi médiane de seulement 4 ans constitue un résultat important pour une étude dont près de 60 % des participants présentaient uniquement des facteurs de risque CV au départ.
« Toute initiative d’amélioration de la prise en charge des patients atteints de diabète qui n’inclut pas [la protection contre] l’insuffisance cardiaque risque de ne pas être à la hauteur. »
« Pour prendre en charge le risque CV chez les patients atteints de DT2, il devient impératif de tenir compte aussi du risque d’insuffisance cardiaque et de maladie rénale chronique », a déclaré le Dr Butler, mettant ainsi en perspective les constatations des études. Il a également souligné que la néphropathie évolutive et l’insuffisance cardiaque constituent des complications importantes, fréquentes et connexes du DT2. Ces deux affections relèvent d’une physiopathologie qui mène à des ECVM terminaux et qui prédit de tels événements. La protection contre l’insuffisance cardiaque et les atteintes rénales constitue donc un objectif critique de la prise en charge du DT2, que le patient présente ou non des antécédents de maladie CV.
« Toute initiative d’amélioration de la prise en charge des patients atteints de diabète qui n’inclut pas [la protection contre] l’insuffisance cardiaque risque de ne pas être à la hauteur », a déclaré le Dr Butler.
En réitérant que la dapagliflozine a prévenu les événements CV « chez un grand éventail de patients atteints de DT2 », le Dr Wiviott a rappelé que cette protection s’accompagne d’un profil d’innocuité très favorable. La fréquence des événements indésirables graves était significativement plus faible dans le groupe dapagliflozine que dans le groupe placebo (34,1 % vs 36,2 %; p < 0,001), principalement en raison du moins grand nombre d’atteintes rénales et d’épisodes d’hypoglycémie.
Fréquence d’effets indésirables inférieure par rapport au placebo
Contrairement à ce qui fut le cas dans les essais antérieurs portant sur des inhibiteurs du SGLT2, y compris l’étude CANVAS, aucune différence n’a été constatée quant au risque d’amputation (1,4 % vs 1,3 %; p = 0,02), de fracture (5,3 % vs 5,1 %; p = 0,59) ou de cancer quel qu’il soit (5,6 % vs 5,7 %; p = 0,83) observé dans les groupes dapagliflozine et placebo de l’étude DECLARE-TIMI 58. Les seuls événements indésirables significativement plus fréquents chez les patients recevant l’inhibiteur du SGLT2 ont été les infections génitales (0,9 % vs 0,1 %; p < 0,001) et l’acidocétose diabétique (0,3 % vs 0,1 %; p = 0,02), mais de tels événements sont survenus chez moins de 1 % des patients dans l’un et l’autre des groupes (Tableau 2).
« Il y a eu des rapports contradictoires quant à l’innocuité de ce type de médicament, notamment en ce qui concerne le risque d’amputation, mais nous n’avons constaté aucun signe de tels problèmes, même en recueillant des données ciblées », a souligné le Dr Wiviott, qui a qualifié de « très rassurantes » les données sur l’innocuité obtenues dans le cadre de l’étude DECLARE-TIMI 58.
Les études sur l’innocuité CV des inhibiteurs du SGLT2 et d’autres antidiabétiques ont été réalisées à la demande de la FDA, en raison de l’importance critique d’éviter toute exacerbation du risque CV chez les patients atteints de DT2. Bien que les ECVM aient été considérés comme étant le meilleur critère d’évaluation pour démontrer l’innocuité CV, le Dr Butler a précisé qu’il ne s’agit pas du critère le plus pertinent pour évaluer les bienfaits chez les patients atteints de DT2, particulièrement aux premiers stades de la maladie.
L’insuffisance cardiaque, un risque hautement pertinent pour les patients atteints de DT2
« Quel que soit le critère d’évaluation choisi dans le cadre de ces études pour répondre aux exigences des organismes de réglementation, toutes les complications CV sont importantes pour le patient », a déclaré le Dr Butler. Il a souligné que même si l’hospitalisation pour insuffisance cardiaque ne fait pas toujours partie des critères d’évaluation de l’incidence des stratégies de réduction des risques sur les manifestations CV, il s’agit d’un critère hautement pertinent en présence de DT2, notamment parce que les patients atteints de DT2 en insuffisance cardiaque « présentent un risque terriblement accru de mortalité ». Même si la diminution des lipides et le maintien de la tension artérielle ont peu ou pas d’effet sur la prévention de l’insuffisance cardiaque, le Dr Butler estime que l’effet protecteur associé à la dapagliflozine même en l’absence d’une maladie CV représente un changement de paradigme.
« Dans des cas comme ceux des patients admis dans ces études, les inhibiteurs du SGLT2 devraient être employés pour leur effet de réduction du risque d’insuffisance cardiaque, quel que soit leur effet sur les ECVM. »
Il a aussi affirmé que « dans des cas comme ceux des patients admis dans ces études, les inhibiteurs du SGLT2 devraient être employés pour leur effet de réduction du risque d’insuffisance cardiaque, quel que soit leur effet sur les ECVM ». Le Dr Butler fait partie des experts de l’AHA qui sont d’avis que les inhibiteurs du SGLT2 devraient être envisagés dans le traitement de première intention pour le maintien de l’équilibre glycémique, en raison des données probantes à l’appui de leur bienfait sur le plan CV.
Conclusion
Les résultats de la troisième et plus importante étude évaluant l’innocuité CV d’un inhibiteur du SGLT2 révèlent que la dapagliflozine réduit de façon notable les décès d’origine CV et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque à la fois chez les patients atteints de DT2 ayant des antécédents de maladie CV athérosclérotique ou présentant seulement des facteurs de risque CV. Cette étude, appelée DECLARE-TIMI 58 et portant sur une cohorte de prévention primaire de plus de 10 000 patients, est la plus vaste étude sur l’innocuité des inhibiteurs du SGLT2 menée à ce jour. L’effet protecteur contre l’insuffisance cardiaque, qui est l’une des complications les plus fréquentes du DT2, permet de croire que les inhibiteurs du SGLT2 jouent un rôle important qui va au-delà du maintien de l’équilibre glycémique dans le traitement du DT2.