Gastroentérologie
Semaine canadienne des maladies digestives (SCMD) 2011
La commodité et la communication : des stratégies pour améliorer la fidélité au traitement dans les cas de colite ulcéreuse
Vancouver – Même si la preuve des bienfaits du traitement prolongé de la colite ulcéreuse n’est plus à faire, chose certaine, dans la « vraie vie », la fidélité au traitement d’entretien des patients qui sont atteints de cette maladie a nettement besoin d’être améliorée. Les travaux de recherche présentés ci-après, où l’accent a été mis sur la fidélité aux traitements à base d’5-AAS et la persévérance des patients à leur égard, ont servi à étudier l’utilité et l’efficacité d’une posologie monoquotidienne d’un point de vue pratique, de même que l’importance de l’information et de la formation à la fois globales et personnalisées des patients sur la maladie et sa prise en charge.
La colite ulcéreuse est une maladie inflammatoire intestinale chronique, parfois évolutive, ponctuée de périodes de rechute et de rémission des symptômes tels qu’une évacuation fréquente des selles et des saignements rectaux. Cette maladie peut avoir un profond retentissement sur le bien-être physique et la qualité de vie des personnes qui en sont atteintes. Au Canada, environ 90 % des patients sont aux prises avec une forme légère ou modérée de cette affection si l’on se fie à l’intensité des symptômes durant les poussées évolutives et aux signes de la maladie révélés par endoscopie. Le traitement médical utilisé en première intention est l’administration d’acide 5?aminosalicylique (5-AAS) par voie orale, rectale ou les deux. Plusieurs études ont démontré qu’au terme d’une poussée évolutive de colite ulcéreuse, lorsque la muqueuse commence à guérir, la poursuite du traitement par le 5-AAS permet de réduire le risque de rechute et favorise la quiescence de la maladie. À l’inverse, la guérison incomplète de la muqueuse enflammée semble accroître le risque de poussées évolutives. Or la succession des poussées évolutives se traduit par la multiplication des hospitalisations et des coûts générés par les traitements, par une issue plus sombre de la maladie (par ex., le recours à la chirurgie) et par une piètre qualité de vie.
La commodité du schéma posologique pourrait avoir son importance
La simplification ou une plus grande commodité des schémas thérapeutiques dirigés contre la colite ulcéreuse pourraient favoriser la fidélité à long terme des patients envers leur traitement.
Même si les bienfaits du traitement prolongé ne font plus de doute, dans la « vraie vie », la fidélité au traitement d’entretien déçoit. En effet, on ne compte plus les études qui ont révélé que moins de la moitié des patients prennent leurs médicaments conformément à la prescription de leur médecin. Certaines études donnent à penser que les patients voient comme un désagrément le grand nombre de comprimés à prendre et la fréquence des prises de la plupart des traitements à base de 5-AAS. Une étude menée récemment chez 208 patients aux États-Unis (Can J Gastroenterol, vol. 25, n° A130-1 [suppl. A], 2011, p. 134-135) est venue appuyer la théorie selon laquelle la simplification ou une plus grande commodité des schémas thérapeutiques dirigés contre la colite ulcéreuse pourraient favoriser la fidélité à long terme des patients envers leur traitement et raréfier les rechutes de la maladie.
Cet essai multicentrique de phase IV, réalisé en mode ouvert et intitulé Strategies in Maintenance for Patients Receiving Long-term Therapy (SIMPLE), a servi à étudier la relation entre les rechutes cliniques et la fidélité des patients à l’égard de leur traitement. Ce dernier, qui visait à maintenir la colite ulcéreuse à l’état de quiescence, reposait sur l’administration monoquotidienne de comprimés multimatriciels de mésalamine (MMX) à prise orale. Deux doses ont été évaluées : 2,4 et 4,8 g/jour. Ont participé à cet essai des adultes atteints d’une forme légère ou modérée de colite ulcéreuse, dont la maladie était quiescente ou qui l’était devenue au terme d’un traitement ponctuel de 8 semaines. On entendait par « quiescence » l’absence de saignements rectaux et pas plus d’une selle de plus que la normale par jour. De 25 à 35 % des patients ayant reçu un traitement ponctuel par la mésalamine MMX ont vu leurs saignements rectaux ou leurs symptômes intestinaux se résorber dans les sept jours qui ont suivi l’amorce de ce traitement. Le délai médian écoulé avant la résolution des symptômes combinés a été de 25 jours (voir la Figure 1) (Fig. 1). Parmi les 138 patients qui ont suivi le traitement d’entretien jusqu’à la fin de l’essai, 79,2 % et 77,3 % d’entre eux avaient été fidèles à leur traitement au moins 80 % du temps selon les évaluations effectuées à 6 mois et à 12 mois, respectivement.
Comme on peut le voir à la Figure 2 (Fig. 2), on a fait le rapprochement entre un degré élevé de fidélité au traitement et des taux de rechute significativement plus faibles sur une période de 1 an (31 % vs 53 % chez les patients peu fidèles à leur traitement; p = 0,012).
Dans l’ensemble, 77 % des patients n’avaient fait aucune rechute au bout de 6 mois de traitement par la mésalamine MMX et près des deux tiers (64,4 %) n’en ont fait aucune au cours des 12 mois qu’a duré l’essai.
Les études canadiennes sur la fidélité aux traitements et la persévérance des patients à leur endroit
Les résultats de deux études effectuées chez des patients canadiens portent également à croire que la fidélité des patients à leur traitement monoquotidien et leur persévérance à son endroit sont supérieures à celles observées avec les traitements par le 5-AAS qui doivent être administrés plus fréquemment.
Une analyse rétrospective des réclamations relatives aux ordonnances, versées sur une période de 5 ans dans la base de données de la Régie de l’assurance maladie du Québec [RAMQ], a permis d’étudier la fidélité au traitement de 1827 adultes qui venaient de se faire prescrire une des préparations à base de mésalamine (Can J Gastroenterol, vol. 25 [suppl. A], 2011, p. A72). Les chercheurs ont établi que le pourcentage de patients qui étaient fidèles à leur traitement par la mésalamine MMX au moins 80 % du temps correspondait à peu près au double de celui enregistré pour toutes les autres préparations (46,3 % vs de 23,5 à 26,3 %; p < 0,001). De même, comme l’illustre la Figure 3 (Fig. 3), la persévérance des patients sur une période de un an était meilleure chez ceux qui étaient traités par la mésalamine MMX (70,2 % vs de 35,0 % à 43,4 %; p < 0,001).
Les données québécoises sur la fidélité au traitement et la persévérance des patients concordent avec celles recueillies chez 15 545 patients de tout le pays, traités par le 5-AAS en vertu de régimes privés d’assurance-médicaments et suivis pendant 6 mois (Can J Gastroenterol, vol. 25 [suppl. A], 2011, p. A142). Soixante-dix pour cent des patients qui prenaient la préparation de mésalamine MMX administrée une fois par jour ont poursuivi leur traitement au-delà de la durée de leur première ordonnance comparativement à de 45 à 52 % des patients recevant d’autres préparations (p < 0,0001). Au bout de deux à trois mois, la persévérance thérapeutique correspondait à 62 % chez les patients traités par la mésalamine MMX et allait de 39 à 45 % chez ceux qui recevaient d’autres préparations. Après six mois, ces pourcentages se chiffraient à 44 % et à moins de 30 %, respectivement.
« Les schémas posologiques monoquotidiens sont un très bon moyen d’assurer la fidélité au traitement et constituent probablement le plus grand et le plus élémentaire des progrès réalisés sur le terrain pour aider les patients à surmonter leurs problèmes de fidélité à l’égard de leur traitement », a fait observer le Dr Remo Panaccione, Directeur de la Clinique des maladies inflammatoires intestinales et Professeur agréé de médecine à l’Université de Calgary.
Les facteurs entrant possiblement en jeu dans les cas d’infidélité au traitement
Certaines études ont révélé que les patients jeunes risquent davantage de ne pas respecter leur traitement que leurs aînés. « Nous avons surtout affaire à des patients jeunes qui refusent de prendre leurs médicaments quand ils se sentent bien. Ils sont pris par leurs occupations et ils donnent la priorité aux autres aspects de leur vie », a précisé de Dr Panaccione. Plusieurs facteurs pourraient expliquer cette observation : la maladie est plus récente, son évolution est moins intense, les complications sont moins fréquentes chez les patients plus jeunes et ces derniers tiennent à éviter la stigmatisation qui accompagne la maladie. L’apparition réelle ou simplement appréhendée des effets indésirables provoqués par les médicaments pourrait aussi nuire à la fidélité au traitement.
Selon des chercheurs de Toronto et de Baltimore, beaucoup de patients atteints d’une maladie inflammatoire intestinale font des tentatives du côté des médecines douces ou parallèles en plus du traitement qui leur était prescrit en médecine officielle. Dans le cadre de leur petite étude (55 patients), ces chercheurs ont constaté que les utilisateurs de médecines douces ou parallèles avaient tendance à oublier de prendre leurs médicaments délivrés sur ordonnance, quoique cette tendance n’ait pas altéré la fidélité globale au traitement de manière significative (Can J Gastroenterol, vol. 25 [suppl. A], 2011, p. A207).
Selon des chercheurs de l’Université d’Ottawa, à une époque où la majorité des gens se servent d’Internet pour s’informer sur les questions entourant la santé, les médecins doivent prendre conscience du pouvoir éventuel de la désinformation, celle-ci pouvant ultimement se solder par une prise en charge sousoptimale des patients. Parmi les 89 patients qu’ils ont interrogés, 56 % ont affirmé qu’Internet était leur principale source de renseignements sur les maladies inflammatoires intestinales. Cela dit, seulement 29 % consultaient un site Web reconnu pour la grande qualité des renseignements qu’on y trouve (Can J Gastroenterol, vol. 25 [suppl. A], 2011, p. A218).
La communication et l’information
« Les patients doivent comprendre les notions d’induction et d’entretien de la rémission, de même que les embûches ou conséquences possibles consécutivement à l’abandon du traitement. »
Ces études illustrent à quel point il est essentiel que les médecins et leurs patients discutent franchement de la colite ulcéreuse et de sa prise en charge, et que les renseignements fournis soient adaptés à la situation de chaque patient. « L’information est l’une des pierres angulaires de la fidélité au traitement. Une fois armés de cette information, les patients comprennent mieux pourquoi il est important qu’ils continuent de prendre leurs médicaments quand ils se sentent bien. Ils saisissent mieux les notions d’induction et d’entretien de la rémission, de même que les embûches ou conséquences possibles consécutivement à l’abandon du traitement telles qu’une hausse du risque de poussées évolutives, d’hospitalisation, voire du recours à la chirurgie… Il faut également faire savoir aux patients que nous sommes conscients qu’il est tentant de ne pas respecter son traitement, que nous comprenons que ça peut arriver et qu’il est important qu’ils se rendent compte que leur manque de fidélité au traitement peut avoir des répercussions sur les décisions médicales qui seront prises ultérieurement », a fait noter le Dr Panaccione. Au moment de choisir un schéma thérapeutique convenant à chaque patient, il convient de tenir compte des facteurs susceptibles d’améliorer la fidélité au traitement, tels que la commodité du schéma posologique.