pneumologie
Réunion annuelle CHEST de 2015
Le traitement universel n’existe pas dans les cas d’asthme
Montréal – De nombreux articles publiés récemment ont fait état de l’hétérogénéité de l’asthme ainsi que de la complexité et de la variété de ses phénotypes. Si l’on se fie à certaines présentations données lors de la réunion annuelle CHEST de 2015, l’avenir de la prise en charge de l’asthme sera dicté par ces divers phénotypes et par la notion de traitement « ciblé » ou « personnalisé », puisque le traitement universel n’existe tout simplement pas contre cette maladie. Cette même notion devra aussi être appliquée à l’information des patients asthmatiques pour qu’ils comprennent bien leur traitement et qu’ils en retirent de meilleurs résultats.
C’est un fait reconnu depuis longtemps que l’asthme est une maladie très hétérogène même si la définition officielle qui en est donnée dans les lignes directrices n’en tient pas compte. Comme l’a souligné le Dr Nicola Hanania, du Collège de médecine Baylor de Houston, au Texas, pendant sa présentation lors de la réunion, il faudra actualiser les lignes directrices parce que les effets de l’asthme continuent de se faire sentir dans le monde entier. Il a évoqué la récente mise à jour des lignes directrices du groupe GINA (Global Initiative for Asthma), qui renferment une nouvelle définition de l’asthme témoignant de son hétérogénéité : « L’asthme est une maladie hétérogène, qui se caractérise généralement par une inflammation chronique des voies respiratoires. Elle se manifeste par des symptômes respiratoires comme une sibilance, de l’essoufflement, une oppression thoracique et de la toux qui peuvent varier en intensité et dans le temps, le tout accompagné d’un débit expiratoire restreint et variable. »
« Notre vision de la maladie a changé. Il n’y a pas de traitement universel. Nous devons aborder le problème de façon personnalisée et selon le positionnement des nouveaux traitements ciblés. » Dr Nicola Hanania
Prise en charge personnalisée de l’asthme : études de cas sur certains phénotypes
L’hétérogénéité de l’asthme a fait l’objet de discussions dans le cadre d’une séance consacrée à l’étude de cas. Des médecins ont présenté un cas chacun et guidé l’auditoire au fil des discussions. Le Dr Justin Weis, de l’Université de Rochester, dans l’état de New York, a parlé du cas d’un patient présentant un phénotype allergique. Il a informé l’auditoire que l’un des meilleurs outils diagnostiques dans de tels cas est le dosage sérique des IgE spécifiques. Il a conclu en disant que l’omalizumab est un bon choix pour le traitement de ce type d’asthme. Cet agent a en effet permis d’obtenir des résultats positifs, notamment une raréfaction des exacerbations, des symptômes, des hospitalisations et des visites aux urgences, comme en fait foi un rapport de l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS) publié en mars 2015.
« En cernant mieux les mécanismes immunologiques sous-tendant la prolifération, la différenciation, la maturation et la migration des éosinophiles, nous pourrons peut-être trouver de nouvelles cibles thérapeutiques contre l’asthme éosinophilique » Dre Frances Eun-Hyung Lee
La Dre Frances Eun-Hyung Lee, de l’université Emory, d’Atlanta, en Géorgie, a quant à elle décrit le cas d’un patient atteint d’asthme éosinophilique. Un mois après avoir commencé à prendre divers médicaments, le patient s’est rendu à l’hôpital en raison d’une aggravation de ses symptômes. Un certain nombre d’options thérapeutiques ont ensuite été essayées, mais soit que le patient était incapable de les tolérer soit il n’y réagissait pas de façon satisfaisante. La Dre Lee a questionné l’auditoire sur les autres options possibles dans un cas comme celui-ci. Elle a souligné que la recherche a permis de découvrir que l’interleukine-5 (IL-5) est un médiateur important de l’inflammation éosinophilique des voies respiratoires, ce qui a entraîné la mise au point d’agents biologiques dirigés contre la voie de l’IL-5. Parallèlement, d’autres agents ont été conçus pour cibler diverses voies de l’inflammation associées à des phénotypes différents (Tableau 1). La Dre Lee a conclu en insistant sur l’importance de déterminer le phénotype dans les cas d’asthme grave et persistant si un traitement biologique est envisagé, surtout dans les cas de phénotype éosinophilique.
Évolutions des soins prodigués aux patients : la notion d’« humano-économie »
L’inexistence d’un traitement universel a également trouvé écho dans la présentation du Dr Mark Fitzgerald, de l’Université de Colombie-Britannique, à Vancouver, en C.-B., qui a parlé d’humano-économie dans la prise en charge des maladies chroniques, une expression qui englobe des notions d’économie, d’adhésion et de littératie. Le Dr Fitzgerald a fait remarquer que même si les médecins disposent aujourd’hui de traitements ciblés, ils ne peuvent être efficaces que si les patients y adhèrent. Il a cité en exemple les résultats d’une étude d’envergure menée à partir d’une volumineuse base de données administrative de Colombie-Britannique. Il en ressort que 40 % environ des patients atteints d’asthme modéré ou grave utilisaient leur médicament antiasthmatique périodiquement. Cela dit, lorsque des patients prennent leurs médicaments efficaces religieusement, ils en retirent de meilleurs résultats. Pour illustrer son propos, le Dr Fitzgerald a présenté des données issues de cette même base de données selon lesquelles le recours aux associations médicamenteuses avait grimpé de 300 % de 2002 à 2007, d’où une baisse de 44 % des hospitalisations (Fig. 1). Il est important que les professionnels de la santé s’efforcent d’améliorer la littératie de leurs patients en matière de santé, car plus elle est élevée, meilleure est l’issue des traitements. Pour ce faire, les médecins doivent mettre sur pied des interventions didactiques appropriées et individualiser les traitements qu’ils prescrivent. Selon le Dr Fitzgerald, la qualité des communications entre les médecins et les patients est importante, et ces professionnels doivent adapter leurs interventions en fonction du contexte culturel et du milieu dans lequel ils vivent. Dans les cas d’asthme mal maîtrisé, il a été démontré que les patients qui ont leur mot à dire dans le choix de leur traitement y sont plus fidèles et en retirent de meilleurs résultats.
Conclusion
Les présentateurs de la réunion CHEST de cette année sont unanimes : il est impératif de mettre à jour les lignes directrices actuelles et de prendre acte de l’hétérogénéité de l’asthme. Il est à prévoir que des pas de géant seront faits dans les prochaines années dans le traitement de cette maladie grâce aux nouveaux agents biologiques prometteurs qui permettront de mieux traiter chacun des phénotypes et d’améliorer l’économie humaine.