Pneumologie
Congrès international de 2017 de l’European Respiratory Society (ERS)
Intensification du traitement de la MPOC : les nouvelles leçons tirées d’essais de grande envergure
Milan – Les lignes directrices sur le traitement des maladies pulmonaires obstructives chroniques (MPOC), qui ont été modifiées récemment à la lumière de données probantes, ont été corroborées par les données présentées lors du congrès international de 2017 de l’ERS. Il y est stipulé que l’utilisation d’un antagoniste muscarinique à longue durée d’action (AMLA) allié à un bêta2 agoniste à longue durée d’action (BALA) est le traitement à privilégier dans les cas de MPOC avancée, supplantant ainsi l’étape classique : un BALA jumelé à un corticostéroïde pour inhalation (CSI). Des essais ont permis d’établir un parallèle entre les associations AMLA-BALA et une baisse du risque d’exacerbations et d’effets indésirables, dont la pneumonie et la candidose buccale, ce qu’ont confirmé de nombreuses séries de données présentées lors du congrès de cette année.
Des données complémentaires corroborent les modifications apportées aux lignes directrices
Il y a plus d’un an, les résultats de l’essai FLAME, un essai déterminant qui a servi à comparer des stratégies de traitement opposées aux MPOC, démontraient de manière convaincante qu’une association AMLA-BALA permet de réduire davantage le risque d’exacerbation qu’une association CSI-BALA (Wedzicha et al. N Engl J Med, vol. 374, 2016, p. 2222-2234). Se fondant en grande partie sur cet essai, les rédacteurs des lignes directrices GOLD (Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease) ont révisé ces dernières plus tôt cette année. Leur objectif : ralentir l’évolution des MPOC par la prévention ou la raréfaction des exacerbations. Une sous-étude réalisée en marge de l’étude FLAME a confirmé que les exacerbations favorisent l’évolution de la maladie en révélant que cette relation était indépendante du traitement employé. La chercheure principale de cette sous-étude, la Dre Jadwiga A. Wedzicha, de l’Institut national de cardiologie et de pneumologie du Collège impérial, de Londres, au R.-U., a déclaré lors du congrès de l’ERS avoir constaté une réduction de 38 % du taux annualisé des exacerbations modérées ou graves subséquentes chez les patients qui avaient été protégés contre ces manifestations au cours des 12 premières semaines de traitement comparativement à ceux qui ne l’avaient pas été.
Ces données appuient le principe voulant que « toute exacerbation antérieure soit un facteur prévisionnel puissant de prochaines exacerbations modérées ou graves ».
Ces données sont parfaitement en phase avec l’idée de départ des lignes directrices GOLD. La maîtrise des exacerbations dès le début de la maladie permet d’en prévenir de nouvelles, un facteur prévisionnel de l’évolution des MPOC. Comme l’a affirmé la Dre Wedzicha, ces données appuient le principe voulant que « toute exacerbation antérieure soit un facteur prévisionnel puissant de prochaines exacerbations modérées ou graves » et elles expliquent pourquoi les lignes directrices ont été modifiées.
Des données tirées d’essais entraînent des modifications aux lignes directrices sur les MPOC
Lors de l’étude FLAME, l’association AMLA-BALA (glycopyrronium et indacatérol) a été reliée à une réduction de 17 % (p < 0,001) de l’incidence annuelle des exacerbations modérées ou graves comparativement à l’association CSI-BALA (fluticasone et salmétérol). Or elle s’est aussi révélée supérieure pour plusieurs paramètres d’évaluation secondaires. Elle a notamment permis de prolonger le délai écoulé avant une première exacerbation modérée ou grave, d’où une baisse du risque de 22 % (p < 0,001) et a provoqué moins d’effets indésirables tels que la pneumonie (3,2 % vs 4,8 %; p = 0,02). Lors de la sous-étude, les 1369 patients qui n’ont connu aucune exacerbation pendant les 12 premières semaines ont été comparés aux 1697 autres qui en avaient subi au moins une. Le taux annualisé des exacerbations subséquentes se chiffrait à 0,70 chez les premiers comparativement à 1,12 chez les seconds, soit une baisse de 38 % (p < 0,001) chez ceux ayant été bien protégés dès le début. La prévention des exacerbations cadre avec les lignes directrices GOLD. Chaque exacerbation accroît le risque que d’autres ne surviennent (Fig. 1). Une analyse réalisée a posteriori à partir des données recueillies pendant l’essai FLAME sur la détérioration d’importance clinique a produit des résultats similaires. Lors de cet essai, on entendait par « détérioration d’importance clinique » une exacerbation modérée ou grave ou une augmentation d’au moins 4 points du score obtenu au questionnaire SGRQ (St. George’s Respiratory Questionnaire). Comparativement au groupe traité par l’association fluticasone-salmétérol et d’après l’évaluation fondée sur le rapport des risques instantanés (RRI), l’association glycopyrronium-indacatérol a prolongé 28 % (RRI : 0,72; p < 0,0001) le temps écoulé avant l’apparition d’une première détérioration d’importance clinique, selon le Dr Antonio Anzueto, du Département de pneumologie et de médecine intensive, de l’Université du Texas, à San Antonio (Fig. 2).
La détérioration d’importance clinique : une protection relative
Après comparaison des deux associations pour ce qui est de la détérioration d’importance clinique soutenue, qui était définie comme une baisse d’au moins 100 mL du VEMS ou une hausse de 4 points au minimum du score enregistré au questionnaire SGRQ lors de deux visites consécutives, les chercheurs ont constaté que la protection relative obtenue avec l’association AMLA-BALA était similaire, le risque étant réduit de 30 % (RRI : 0,70; p < 0,0001). La protection observée était uniforme d’un sous-groupe à l’autre, qu’ils aient été formés en fonction du sexe, de la gravité de la MPOC, de l’âge, de l’usage du tabac ou non ou du nombre d’éosinophiles.
Après comparaison des associations AMLA-BALA et CSI-BALA pour ce qui est de la détérioration d’importance clinique soutenue, qui était définie comme une baisse d’au moins 100 mL du VEMS ou une hausse de 4 points au minimum du score enregistré au questionnaire SGRQ lors de deux visites consécutives, les chercheurs ont constaté que la première avait abaissé le risque de 30 % par rapport à la seconde.
Une autre analyse réalisée dans le cadre de l’essai FLAME a permis de démontrer l’effet protecteur relatif de l’association AMLA-BALA par rapport à l’association CSI-BALA pendant l’automne et l’hiver, les taux annualisés ayant alors été de 1,11 et de 1,35, respectivement (p < 0,001). Bien que les taux aient été plus faibles au printemps et en été, l’association AMLA-BALA conservait son avantage du côté de l’efficacité (0,79 vs 0,95; p = 0,01) (Fig. 3). L’auteur principal, le Dr Kenneth R. Chapman, Directeur du Centre de traitement de l’asthme et des voies respiratoires, du Réseau universitaire de la santé, à Toronto, a laissé entendre qu’il ne s’agit là que d’une série de données de plus justifiant la révision des lignes directrices.
L’association AMLA-BALA « devrait être vue comme l’option de traitement à privilégier en première intention chez les patients atteints de MPOC très exposés aux exacerbations ».
L’association AMLA-BALA « devrait être vue comme l’option de traitement à privilégier en première intention chez les patients atteints de MPOC très exposés aux exacerbations », a affirmé le Dr Chapman.
Les changements apportés à la classification selon la gravité dans les lignes directrices GOLD
Le traitement pharmacologique des MPOC ne vise pas uniquement à diminuer la fréquence et l’intensité des exacerbations, mais aussi à atténuer les symptômes, à augmenter la tolérance à l’effort et à améliorer l’état de santé. Selon les lignes directrices GOLD, les patients du groupe B devraient amorcer une bithérapie bronchodilatatrice lorsqu’un seul agent bronchodilatateur ne suffit pas pour maîtriser leurs symptômes. Ce groupe de patients connaît toutefois certains changements dans la nouvelle version des lignes directrices GOLD. Pour la première fois, les résultats des épreuves spirométriques ne servent pas à classer les patients en fonction de la gravité de la maladie. Ils le sont maintenant au moyen d’instruments d’évaluation des symptômes validés comme le questionnaire CAT (COPD Assessment Test).
Maintenant que les critères régissant la fonction respiratoire sont éliminés, plus de patients sont classés dans les groupes GOLD A/B d’après les critères de classification de la gravité modifiés GOLD.
Sur la seule base des symptômes et des antécédents d’exacerbations, et sans épreuves de la fonction respiratoire, « plus de patients sont classés dans les groupes GOLD A/B », a expliqué le Dr Gary Ferguson, Directeur de la recherche pour le Système de soins de santé St. John Providence, Pneumologie et soins intensifs, à Farmington Hills, au Michigan. Ce constat est important pour les soins des patients et pour la détermination du moment où il conviendra d’avoir recours à une association AMLA-BALA. Cela dit, le Dr Ferguson s’est aussi servi de ces nouveaux critères pour réévaluer les résultats des essais d’homologation TORNADO réalisés sur l’association formée de tiotropium (un AMLA) et d’olodatérol (BALA). Au cours de cet essai ayant réuni plus de 5000 patients, l’association tiotropium-olodatérol a été reliée à une amélioration plus marquée de la fonction respiratoire et de la maîtrise des symptômes que l’un ou l’autre de ses deux composantes utilisées seule (Buhl, et al. Eur Respir J, vol. 45, 2015, p. 969-979).
Réévaluation des essais à la suite de la révision des lignes directrices GOLD
« Après avoir classé les sujets des essais TONADO au moyen des critères GOLD de 2017, nous avons constaté que l’effet obtenu pour les deux paramètres d’évaluation principaux, soit l’indice transitionnel de dyspnée (ITD) et le score au questionnaire SGRQ, était encore plus important », a déclaré le Dr Ferguson lors du congrès de l’ERS de cette année. L’efficacité supérieure de cette association AMLA-BALA par rapport à celle des deux composantes prises séparément, quoique pas foncièrement différente de celle qui avait été rapportée au départ, s’inscrit dans la logique des nouvelles lignes directrices GOLD. Notons que l’essai TONADO, qui a été réalisé avant que les changements ne soient apportés aux lignes directrices, ne comportait pas de groupe de sujets traités par un CSI. L’avantage qu’il y a à remplacer une association CSI-BALA par une autre formée d’un AMLA et d’un BALA a été évalué lors d’une étude ayant pris fin récemment, l’étude CRYSTAL, qui a aussi été présentée dans le cadre du congrès de l’ERS. Au cours de cette étude prospective multicentrique, menée en mode ouvert et avec répartition aléatoire de 2159 patients atteints d’une forme modérée de MPOC, les chercheurs ont comparé la détérioration d’importance clinique survenue chez les 1622 patients étant passés à une association AMLA-BALA et chez les 537 autres qui avaient continué à suivre le même traitement qu’au moment de leur recrutement et qui pouvait comprendre une association CSI-BALA. Environ la moitié de l’ensemble des patients prenait une association CSI-BALA au début de l’étude. Pour que les chercheurs considèrent qu’il y avait détérioration d’importance clinique, les patients devaient subir une exacerbation modérée ou grave, présenter une baisse d’au moins 100 mL de leur VEMS minimal, obtenir une diminution de 1 point ou plus de leur ITD ou une hausse de 0,4 point au moins au score enregistré au questionnaire sur la MPOC (CCQ). Les comparaisons ont été effectuées au bout de 12 semaines. « Après qu’ils aient délaissé leur association CSI-BALA, leur BALA ou leur AMLA employés en monothérapie au profit de l’association glycopyrronium-indacatérol, nous avons constaté une diminution significative du risque de détérioration d’importance clinique chez ces patients atteints d’une MPOC modérée », a rapporté le Dr Timm Greulich, de la Division de pneumologie et des soins intensifs de l’Hôpital universitaire de Marbourg, en Allemagne.
L’essai CRYSTAL : des données recueillies sur le terrain
Lors de cette comparaison réalisée « sur le terrain », le risque relatif approché (RRA) de détérioration d’importance clinique calculé pour l’association AMLA-BALA était de 60 % inférieur à celui obtenu pour l’AMLA ou le BALA utilisé en monothérapie (RRA : 0,39; IC à 95 % : de 0,29 à 0,52), et le taux de détérioration d’importance clinique, de 33 % inférieur à celui calculé pour l’association CSI-BALA (RRA : 0,67; IC à 95 % : de 0,51 à 0,89) (Fig. 4). L’avantage relatif observé s’est perpétué d’une définition de la détérioration d’importance clinique à l’autre, notamment pour le paramètre relatif à la fonction respiratoire, mais sans la mesure de l’état de santé au moyen du questionnaire CCQ. Les résultats de l’analyse des sous-groupes formés en fonction des diverses caractéristiques initiales des patients cadraient aussi avec les résultats d’ensemble.
« L’association AMLA-BALA a provoqué un moins grand nombre d’effets indésirables de nature respiratoire, dont une baisse du risque de pneumonie ».
Selon une autre analyse des données issues de l’essai FLAME, en plus d’offrir une protection plus fiable contre la détérioration d’importance clinique que celle obtenue avec une association CSI-BALA, une stratégie reposant sur l’utilisation d’une bithérapie bronchodilatatrice à l’aide d’une association AMLA-BALA serait plus sûre. Cette analyse visait à comparer les effets indésirables de nature respiratoire, un ensemble composé entre autres, des infections des voies respiratoires, de la pneumonie et de la bronchite attribuables à différentes stratégies. Selon la Dre Wedzicha, qui a présenté ces données au congrès, l’incidence de tels effets indésirables s’est chiffrée à 3,3 % pour l’association glycopyrronium/indacatérol comparativement à 5,1 % pour l’association fluticasone-salmétérol (p = 0,013). De plus, l’association AMLA-BALA a été reliée à un délai plus long avant le premier signalement d’un cas de pneumonie (RRI : 0,64; p = 0,009). « L’association AMLA-BALA a provoqué un moins grand nombre d’effets indésirables de nature respiratoire, dont une baisse du risque de pneumonie précédemment rapporté », a affirmé la Dre Wedzicha.
La trithérapie comprenant un CSI : définition de son rôle
Les nouvelles lignes directrices GOLD donnent à penser que l’ajout d’un CSI pourrait permettre d’améliorer la fonction respiratoire et l’issue de la maladie chez les patients dont l’état se détériore malgré l’utilisation d’une association AMLA-BALA. Il y est toutefois précisé que les résultats de certains essais, comme l’essai TRILOGY (Singh, D. et al. Lancet, vol. 388, 2016, p. 963-973), sont positifs à ce chapitre alors que d’autres sont négatifs (Aaron, S. D., et al. Ann Intern Med, vol. 146, 2007, p. 545-555), ce qui met en relief l’importance de recueillir plus de données probantes. Même s’il est probable que les cliniciens envisagent d’eux-mêmes une telle mesure pour leurs patients atteints de MPOC avancée au vu des recommandations GOLD sur la personnalisation du traitement, notons que les nouvelles données tirées de l’essai TRILOGY présentées dans le cadre du congrès de l’ERS appuient l’utilisation de la trithérapie dans les cas avancés. Plus précisément, une analyse récente de l’essai TRILOGY réalisée a posteriori a servi à comparer la trithérapie composée de glycopyrronium (un AMLA), de formotérol (un BALA) et de béclométhasone (un CSI) à une association formée du BALA et du CSI pour ce qui est de la détérioration d’importance clinique, celle-ci ayant été définie comme la survenue d’une exacerbation modérée ou grave, d’une baisse de 100 mL ou plus du VEMS minimal, d’une réduction d’au moins 1 point de l’ITD et d’une aggravation d’au moins 4 points au questionnaire SGRQ. Comparativement à l’association CSI-BALA, la trithérapie a prolongé de près de 40 % (RRI : 0,62; p < 0,001) le délai écoulé avant l’apparition d’une des manifestations témoignant d’une détérioration d’importance clinique, a déclaré le Dr David Singh, Professeur de pharmacologie clinique et de pneumologie, à l’Université de Manchester, au R.-U. Il a ajouté que la trithérapie avait également permis de protéger les patients de façon significative contre les diverses manifestations trahissant une telle détérioration, notamment la diminution de l’ITD (Fig. 5). Bien que le Dr Singh ait conclu que ces données « consolident le rôle de cette nouvelle trithérapie dans la prise en charge de la MPOC », une des critiques qui pourrait être soulevée veut que cette comparaison ait eu lieu avant que les changements ne soient apportés aux lignes directrices GOLD et qu’elle ait porté sur une association CSI-BALA, une méthode de traitement qui n’est plus considérée comme celle à privilégier. Il faudra donc recueillir de nouvelles données en comparant la trithérapie à l’association AMLA-BALA qui est maintenant la norme en matière de traitement.
Conclusion
Les lignes directrices GOLD de 2017 préconisent désormais le recours à une association AMLA-BALA comme traitement à privilégier chez les patients atteints de MPOC qui ne parviennent plus à maîtriser leurs symptômes avec un seul agent bronchodilatateur. Les résultats de nouvelles analyses de sous-groupes, d’analyses réalisées a posteriori à partir des données de l’essai FLAME et d’autres études sont venus étayer ces recommandations. Les gains que permet d’obtenir une association AMLA-BALA au chapitre de la réduction du risque d’exacerbations, un facteur prévisionnel de l’évolution des MPOC, s’accompagnent d’une plus grande innocuité que les associations CSI-BALA. Ces données devraient favoriser l’adoption plus rapide de la nouvelle norme thérapeutique dans les cas de MPOC légère ou modérée.