Cardiologie
Séances scientifiques de l’American Heart Association (AHA)
Un essai récent montre que le rétablissement d’une insuffisance cardiaque est une rémission et non une guérison
Chicago – Le traitement pour une cardiomyopathie dilatée doit être poursuivi indéfiniment même chez les patients qui semblent totalement rétablis, d’après les résultats d’un essai à répartition aléatoire. Les résultats de dernière minute présentés aux séances scientifiques 2018 de l’American Heart Association (AHA) indiquent que seulement 44 % des patients ont pu cesser complètement leur traitement de l’insuffisance cardiaque pendant une période de 6 mois sans détérioration de la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) ni apparition d’autres signes de récidive.
La possibilité d’arrêter le traitement chez les patients totalement rétablis n’avait encore jamais fait l’objet d’une étude à répartition aléatoire, mais cet essai, appelé TRED-HF, fournit des données qui vont à l’encontre d’une telle stratégie, selon le Dr Brian Halliday, chercheur principal et chargé de cours-clinicien en cardiologie à l’Imperial College, à Londres, au Royaume-Uni. Ces données tendent à démontrer qu’une « amélioration du fonctionnement constitue une rémission plutôt qu’une guérison durable pour de nombreux patients. »
Même s’il s’agissait d’un essai pilote mené dans un seul centre, des patients ayant des antécédents de cardiomyopathie dilatée (FEVG < 40 % au moment du diagnostic) recrutés pour TRED-HF n’y étaient admissibles que s’ils semblaient avoir obtenu un rétablissement complet. Les critères d’admission étaient une FEVG > 50 %, un indice de volume télédiastolique du ventricule gauche (iVTDVG) normal et un taux de peptide natriurétique de type B N-terminal (NT-proBNP) < 250 ng/L. Les patients devaient aussi être asymptomatiques (classe I de la NYHA).
Parmi les 51 patients inscrits, 25 ont été affectés au hasard à un programme de retrait graduel et 26, à la poursuite du traitement. À des intervalles de trois semaines, sous surveillance, les patients recevant un traitement standard ont cessé successivement de prendre leurs diurétiques, leurs antagonistes des récepteurs des minéralocorticoïdes, leurs bêtabloquants puis leurs inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA) ou leurs antagonistes des récepteurs de l’angiotensine. Une évaluation clinique était effectuée après chaque retrait.
Le paramètre d’évaluation principal était l’atteinte de l’un des signes de récidive, définis comme une réduction de la FEVG de plus de 10 %, une augmentation de l’iVTDVG de plus de 10 %, un taux de NT-pro-BNP qui doublait ou dépassait 400 ng/L et des signes cliniques d’insuffisance cardiaque. La comparaison des deux groupes le 6e mois a révélé que les patients ayant continué leur traitement pouvaient passer au protocole de retrait graduel au terme de cette période (Fig. 1).
Après 6 mois, 11 (44 %) des 25 patients ayant cessé leur traitement avaient présenté un signe de récidive défini comme paramètre d’évaluation principal, contre aucun dans le groupe ayant continué le traitement. Des 26 patients affectés initialement à la poursuite du traitement, 25 ont opté pour une tentative de retrait. Dans les 6 mois suivants, 9 (36 %) d’entre eux ont connu une récidive.
Dans les deux groupes, « un suivi plus long se serait probablement traduit par des taux encore plus élevés de récidive », dit le Dr Halliday. Il souligne que l’effet moyen estimatif du retrait sur certaines mesures de l’insuffisance cardiaque, dont la FEVG (−9,5 %; p = 0,0001), par rapport aux valeurs initiales a été très statistiquement significatif. Bien qu’il n’y ait pas eu d’hospitalisations imprévues pour une insuffisance cardiaque, de manifestations cardiaques indésirables majeures ni d’arythmies ventriculaires pendant le suivi, 3 patients ont présenté une fibrillation auriculaire après l’arrêt du traitement.
Beaucoup de patients qui se sentent bien et ont une fonction de pompage normale après une cardiomyopathie dilatée demandent d’arrêter leur traitement, ajoute le Dr Halliday. Toutefois, avant cet essai, il n’existait pas de données prospectives pour déterminer si l’arrêt du traitement était ou non une stratégie sûre. Le Dr Halliday en conclut qu’il faut déconseiller à tous ces patients de cesser leur traitement à ce moment-là. Chez ceux qui insistent, « un solide plan de surveillance doit être mis en place » à la lumière de ces données montrant qu’une récidive est fréquente.
Une experte invitée par l’AHA à discuter des résultats abonde dans le même sens. Selon la Dre Jane E. Wilcox, cardiologue à la Northwestern Feinberg School of Medicine à Chicago, en Illinois, les résultats de cette étude relativement de petite envergure ne peuvent être considérés comme étant définitifs, mais sont certainement des arguments « à l’appui du maintien sans interruption d’un traitement pour l’insuffisance cardiaque » même chez les patients qui se portent bien.
Conclusion
« En 2018, nous sommes incapables de reconnaître une guérison réelle, si tel est le cas. Rémission est un terme approprié pour les patients assez chanceux pour avoir une fonction ventriculaire améliorée en réponse au traitement », dit la Dre Wilcox. À l’instar du Dr Halliday, elle avance qu’il pourrait y avoir un sous-groupe qui peut abandonner le traitement sans risque, mais ce sous-groupe n’est pas précisé.