pneumologie
Conférence internationale de 2012 de l’American Thoracic Society (ATS)
MPOC : le traitement des voies respiratoires. Maîtriser la dyspnée nuisant à la réadaptation respiratoire et à la qualité de vie
San Francisco – La maîtrise de la dyspnée, partie intégrante de la prise en charge globale de la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC), a un retentissement sur la prolongation de la survie. Selon de nouvelles données recueillies au cours d’une période de suivi de plus de 10 ans et qui ont été présentées dans le cadre de la Conférence internationale de 2012 de l’American Thoracic Society (ATS), elle serait reliée à une augmentation de la tolérance à l’effort et à une réduction très importante du risque de décès. Facteur incontournable pour qui veut prolonger la survie grâce à l’exercice, la maîtrise de la dyspnée fait partie des éléments essentiels des plans de prise en charge s’écartant radicalement des modèles de référence et qui délaissent la simple maîtrise des symptômes pour privilégier la prévention des exacerbations et une issue plus favorable à long terme. Les options de traitement améliorées lancées récemment semblent très efficaces contre la dyspnée. Or l’augmentation de la capacité inspiratoire qui en découle peut jouer un rôle prépondérant dans l’atténuation du déclin fonctionnel responsable d’une vraisemblable multiplication des exacerbations. Ce constat a servi de tremplin pour la réorientation des objectifs thérapeutiques dans les cas de MPOC les faisant passer de la maîtrise des symptômes à la prolongation de la survie. Première pièce de l’effet domino aboutissant aux exacerbations et à la phase terminale de la maladie, la dyspnée est une cible importante, mais pas la seule, des efforts déployés pour lutter contre la MPOC.
Les sept objectifs du traitement de la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) énumérés dans l’important rapport GOLD (Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease) ne sont pas seulement intriqués; ils sont indissociables. L’atteinte du septième objectif, soit la réduction de la mortalité, passe obligatoirement par celle de la prévention et du traitement des exacerbations ainsi que par l’amélioration de la tolérance à l’effort. Les interventions qui réussissent à freiner ou à ralentir l’évolution de la MPOC reposent sur la maîtrise de la dyspnée, une manifestation majeure de la maladie. « La MPOC est une maladie évolutive qui se caractérise par une respiration difficile accompagnée de dyspnée progressive et chronique, » a déclaré le Dr Stephen I. Rennard, Professeur de médecine et titulaire de la chaire Larson, au Centre médical de l’Université du Nebraska, à Omaha. S’il ne fait pas de doute que la dyspnée est un « trait de la maladie qui entraîne une altération de la qualité de vie liée à la santé », elle joue également un rôle déterminant dans la perte de capacité fonctionnelle qui ouvre la voie aux exacerbations et à l’évolution de la MPOC. Des chercheurs ont réalisé une étude d’observation auprès de 1615 sujets en partant de l’hypothèse qu’un programme de réadaptation respiratoire mené à terme constituait un facteur de prédiction de la survie des patients. Ils ont ainsi pu recueillir des données probantes démontrant que la réadaptation respiratoire a effectivement des répercussions positives sur la mortalité. La comparaison des données colligées chez les sujets ayant suivi ce programme jusqu’à la fin et chez ceux qui avaient abandonné en cours de route a révélé que les courbes de la survie se séparaient au bout de deux ans et que l’écart continuait de se creuser durant les 10 années de suivi. Au terme de cette décennie, l’avantage absolu observé pour la survie se chiffrait à 15 % environ (40 % vs 25 %; p < 0,001) et l’avantage relatif pour la survie, à plus de 50 % (Fig. 1).
Chez les patients qui en sont capables, « l’exercice peut être littéralement une question de vie ou de mort. »
Chez les patients qui en sont capables, « l’exercice peut être littéralement une question de vie ou de mort », a précisé l’auteure principale de cette étude, la Dre Johanna Williams, du Département de pneumologie de l’Hôpital universitaire de Leicester, au Royaume-Uni. Elle a ajouté que ces données viennent souligner l’importance de maîtriser les symptômes qui constituent un frein à l’activité physique pour permettre la réadaptation respiratoire.
Options de traitement dirigées contre la dyspnée
Les options de traitement visant à maîtriser la dyspnée, principal symptôme de la MPOC constituant un frein à l’activité physique, ne cessent de s’améliorer. Par le passé, les bronchodilatateurs utilisés dans les cas de MPOC appartenaient à trois classes de médicaments : les ß2-agonistes, les anticholinergiques et les méthylxanthines. Aujourd’hui, les nouvelles stratégies reposent sur l’inhibition de la phosphodiestérase-4 (PDE4) et sur des agents alliant divers modes d’action comme l’inhibition de la PDE4 et l’agonisme des récepteurs ß2-adrénergiques (BALA). En outre, certains des agents les plus récents font preuve d’un effet bronchodilatateur et anti-inflammatoire. Les exacerbations ont toujours été le critère servant à évaluer l’efficacité des traitements dirigés contre la MPOC parce qu’elles peuvent menacer le pronostic vital et commander l’hospitalisation du patient. L’intérêt grandissant pour l’effet exercé sur la dyspnée vient du fait que les pneumologues cherchent de plus en plus à prévenir l’évolution de la maladie grâce à l’optimisation de la capacité physique de leurs patients. Par exemple, un des médicaments les plus récents, le roflumilast, a été homologué pour le traitement de la MPOC au Canada et aux États-Unis à la lumière des résultats d’une série d’essais multicentriques de Phase III menés par comparaison avec un placebo ayant mis au jour des réductions extrêmement significatives du risque d’exacerbation. Au cours de la conférence de 2012 de l’ATS, le Dr Rennard a regroupé les données issues de ces essais pour démontrer les bienfaits exercés par ce médicament sur la dyspnée. Après application d’un critère relativement rigoureux, soit une variation d’au moins une unité de l’index de transition de la dyspnée (Transition Dyspnea Index [TDI]), la proportion de patients ayant connu une diminution marquée de leur dyspnée sur le plan clinique a augmenté de plus de 15 % (p = 0,0001) chez les patients traités par le roflumilast, un inhibiteur de la PDE4, comparativement à ceux qui avaient reçu le placebo (Fig. 2). « Les résultats obtenus chez les patients atteints de bronchite chronique ou de bronchite chronique assortie d’antécédents d’exacerbations ont été similaires », a rapporté le Dr Rennard, dont l’analyse en intention de traiter a porté sur 5777 sujets répartis aléatoirement. Si l’activité des nouveaux agents, dont le roflumilast, contre la dyspnée attire autant l’attention, c’est en raison du retentissement qu’elle peut avoir sur l’issue du traitement. Une maîtrise plus musclée de la dyspnée est également le dénominateur commun de diverses études portant sur des associations médicamenteuses formées d’agents dotés de modes d’action différents, qui théoriquement, devrait procurer des bienfaits plus prononcés. Une de ces études, décrite également par le Dr Rennard, a servi à évaluer une association composée de roflumilast et de tiotropium, un antagoniste muscarinique, chez des patients n’ayant pas réagi favorablement au tiotropium utilisé en monothérapie. Après une période initiale de quatre semaines au cours de laquelle les sujets ont pris du tiotropium et un placebo, ils ont été répartis au hasard de manière à continuer à poursuivre leur traitement avec le placebo ou à passer au roflumilast à 500 µg une fois par jour. Selon la définition du TDI utilisée dans l’analyse des données regroupées, « un nombre significativement plus élevé de patients traités par le roflumilast et le tiotropium ont obtenu une réduction importante sur le plan clinique de leur dyspnée comparativement à ceux qui étaient traités par le tiotropium et le placebo », a affirmé le Dr Rennard. Pendant cette étude de 24 semaines menée chez 728 sujets, l’avantage absolu se chiffrait à 13,07 % (54,46 % vs 41,39 %; p = 0,0009), soit un gain relatif de plus de 30 % (Fig. 3). Fait important à noter aussi, seulement 6,69 % des sujets traités par l’association à base de roflumilast ont connu un recul considérable de leur score TDI sur le plan clinique comparativement à 15,41 % des sujets ayant pris le tiotropium et le placebo (p = 0,004). L’association des modes d’action dans le traitement de la MPOC est une idée attrayante. Alors que la bronchodilatation générée par le tiotropium est attribuable au blocage des récepteurs muscariniques, l’amélioration graduelle de la fonction respiratoire produite par le roflumilast est obtenue par inhibition de la PDE4. De plus, selon les données présentées par le Dr Javier Milara, de l’Institut de santé Charles III, de Valence, en Espagne, le roflumilast exercerait un certain effet anti-inflammatoire direct, ce qui pourrait avoir un rapport avec la dyspnée et les exacerbations en raison du rôle que joue l’inflammation dans l’activation de la production de sécrétions, la sensibilité aux infections et l’intensification des symptômes. Au cours d’une étude durant laquelle des polynucléaires neutrophiles prélevés chez des patients atteints de la MPOC ont été mis en culture, le roflumilast a été associé à l’inhibition de la libération de l’interleukine 8 (IL-8) et de la métalloprotéase matricielle 9 (MMP‑9). Cet effet a été moins prononcé avec la dexaméthasone. « L’effet anti-inflammatoire des glucocorticoïdes s’émousse dans des conditions de stress oxydatif, ce qui se produit souvent dans les cas de MPOC. Le fait que nous ayons pu documenter l’effet anti-inflammatoire du roflumilast sur les polynucléaires neutrophiles aussi bien chez des patients atteints de MPOC que chez des témoins en santé est probablement important sur le plan clinique », a affirmé le Dr Milara. Même si les bienfaits du roflumilast dans la maîtrise de la MPOC sont partiellement attribuables aux effets directs qu’il exerce sur l’AMPc des pneumocytes et d’autres cellules pulmonaires, on croit que son effet anti-inflammatoire est le mode d’action responsable de la réduction annuelle de 17 % de l’incidence des exacerbations qui a été observée dans le cadre des essais de Phase III (Lancet, vol. 374, 2009, p. 685-694). La création d’un éventail d’agents dont l’effet pourrait s’additionner ou agir en synergie pour maîtriser la dyspnée et les exacerbations dans les cas de MPOC a de grandes implications pour l’issue de la maladie. C’est ce qui explique que ces nouvelles options attirent autant l’attention en recherche clinique. Les résultats de l’essai GLOW2, un essai de Phase III sur le NVA237, aussi connu sous le nom de glycopyrrolate, ont été exposés lors de la conférence de 2012 de l’ATS. Au cours de cet essai, 1066 patients aux prises avec la MPOC ont été répartis au hasard de manière à recevoir 50 µg de NVA237, un placebo ou 18 µg de tiotropium, et ont été suivis pendant 52 semaines. Pour ce qui est du principal critère d’évaluation de cet essai, c’est-à-dire l’amélioration de la fonction respiratoire mesurée d’après le volume expiratoire maximale par seconde (VEMS), le NVA237 a eu un avantage significatif sur le placebo au 1er jour, puis à la 26e et à la 52e semaine. Le NVA237 s’est révélé supérieur au tiotropium numériquement parlant, mais l’écart entre les deux produits n’était pas significatif sur le plan statistique (Fig. 4). « En plus de l’amélioration de la fonction respiratoire, les chercheurs ont constaté que le NVA237 s’était continuellement montré supérieur au placebo pour tous les paramètres principaux rendant compte d’une meilleure maîtrise de la MPOC », a déclaré le Dr Phillip E. Korenblat, Professeur, Division de l’allergologie et de l’immunologie, à l’École de médecine de l’Université Washington, à Saint-Louis, au Missouri. En plus d’une diminution significative de l’incidence des exacerbations (p = 0,001) et d’une amélioration des scores attribués à la qualité de vie (p < 0,001), ces indicateurs ont également révélé une atténuation de la dyspnée, comme en témoignait le score TDI (p = 0,002) (Tableau 1). Les chercheurs ont aussi fait le rapprochement entre l’utilisation du NVA237 et une prolongation du délai écoulé avant la première exacerbation (p = 0,001), une réduction du recours aux médicaments de secours (p = 0,039) et une augmentation du nombre de journées (exprimé en pourcentage) exemptes de symptômes (p < 0,05) par rapport au placebo. Même si le NVA237 s’est de nouveau montré supérieur au tiotropium sur le plan numérique pour certains des effets exercés, l’écart observé entre les deux médicaments n’a pas franchi le seuil de la signification statistique. L’incidence des effets indésirables graves observés avec le NVA237 était plus faible (12,6 %) que celle enregistrée pour le placebo (15,4 %) et le tiotropium (15,0 %), ce qui démontre surtout que ce bronchodilatateur, comme les autres médicaments du même type, est bien toléré. Bien que sa mise au point soit moins avancée, le GS-5759, un inhibiteur de la PDE4 et un BALA, n’en demeure pas moins intéressant en raison de son double mode d’action bronchodilatateur et de son effet anti-inflammatoire possible. Dans le cadre d’une étude expressément conçue pour évaluer son activité anti-inflammatoire, des cellules mononucléées de sang périphérique humain (PBMC) et des polynucléaires neutrophiles ont été stimulés de manière à libérer des cytokines en l’absence et en présence de cet agent, de roflumilast, d’un autre inhibiteur de la PDE4 connu sous le sigle GSK-256066, et de dexaméthasone. Or les concentrations inhibitrices à 50 % (CI50) mesurées avec ce double mode d’action se sont constamment révélées supérieures à celles obtenues avec les agents de comparaison. Les chercheurs ont d’ailleurs affirmé : « Nous sommes convaincus que nos résultats montrent que l’activité anti-inflammatoire que le GS-5759 exerce sur les cellules PBMC humaines et les polynucléaires neutrophiles s’explique par l’association de son action inhibitrice sur la PDE4 et de son effet sur les récepteurs ß2-adrénergiques ». La série d’études résumées, entre autres, par Stacey L. Tannheimer, Ph. D., avait aussi démontré que le GS-5759 amplifie l’effet anti-inflammatoire de la dexaméthasone lorsque ces deux agents sont employés ensemble dans les modèles expérimentaux. Les médicaments qui peuvent agir sur les manifestations physiopathologiques sous-jacentes de la MPOC, dont l’élément moteur est l’inflammation, sont appelés à jouer un rôle prépondérant dans cette phase de transition qui fera passer la prise en charge de la MPOC de la simple maîtrise des symptômes à la maîtrise de la maladie elle-même. Les patients atteints de MPOC ont besoin d’une stratégie de prise en charge globale parce que les contraintes imposées par la maladie, et qui sont souvent exacerbées par d’autres affections concomitantes, s’allient pour favoriser la sédentarité des patients, ce qui gruge encore plus leur tolérance à l’effort. Le fardeau psychologique que représente la dyspnée n’est pas la moindre des influences négatives qui entrent en jeu dans l’évolution de la maladie. « La dyspnée à l’effort peut restreindre les activités des patients au quotidien et accroître le risque de mal-être, d’isolement social et de dépression », a signalé le Dr Ejvind Frausing Hansen, Médecin-chef à l’Hôpital de Hvidovre, au Danemark. Pendant son exposé sur l’effet de la dyspnée sur l’activité sexuelle, le Dr Hansen a affirmé que la maîtrise de ce symptôme est essentielle non seulement pour améliorer la qualité de vie des patients, mais aussi pour favoriser un degré d’activité permettant de préserver une bonne santé. L’étude décrite par le Dr Hansen a porté sur 61 patients, dont 39 étaient atteints de MPOC et 22 présentaient une insuffisance cardiaque. Ils devaient répondre à un questionnaire destiné à recueillir de l’information sur l’apparition d’une dyspnée incommodante durant les rapports sexuels. Seulement 5 % des patients atteints d’insuffisance cardiaque ont signalé que la dyspnée était un problème durant leurs rapports sexuels comparativement à 44 % des patients aux prises avec la MPOC (p = 0,001). Parmi tous les patients qui ont affirmé souffrir de dyspnée durant leurs rapports sexuels, 56 % des patients atteints de MPOC et 27 % de ceux qui présentaient une insuffisance cardiaque (p = 0,04) ont déclaré qu’elle constituait un frein à ce chapitre. Les patients atteints de MPOC ont été plus nombreux que ceux aux prises avec une insuffisance cardiaque à qualifier leur vie sexuelle d’insatisfaisante (38 % vs 32 %), mais l’écart entre les deux groupes n’était pas significatif (Fig. 5). « Les personnes âgées aussi ont besoin d’une vie sexuelle satisfaisante, car elle joue un rôle majeur dans le sentiment de bien-être », a fait remarquer le Dr Hansen. Il a avancé que la maîtrise de la dyspnée dans le but d’améliorer la fonction sexuelle mérite effectivement qu’on s’y attarde davantage, mais qu’elle doit également s’intégrer dans une démarche globale visant à faire en sorte que les patients atteints de MPOC continuent de participer à l’ensemble des activités qui définissent une bonne qualité de vie.
Conclusion
Il va de soi que le traitement des symptômes de la MPOC s’impose pour préserver la qualité de vie des personnes atteintes de cette maladie évolutive. Cela dit, l’importance qu’il pourrait avoir pour la préservation de la fonction respiratoire et de la capacité physique suscite un intérêt grandissant. Le frein que constituent les symptômes de la MPOC pour l’activité physique peut être à l’origine d’un cercle vicieux en vertu duquel le déclin de la capacité physique augmente le risque d’exacerbations et accélère la détérioration des diverses fonctions. Les agents permettant de maîtriser la dyspnée sont en mesure d’améliorer la capacité fonctionnelle, d’où le ralentissement ou la prévention de l’érosion du bien-être physique qui se traduit par une plus grande vulnérabilité aux exacerbations, aux hospitalisations et au décès. En ayant recours aux agents qui atténuent la dyspnée grâce à leurs effets bronchodilatateurs, anti-inflammatoires ou autres, il est possible d’améliorer l’issue de la maladie tout en préservant la qualité de vie des patients.