cardiologie
Séances scientifiques de 2012 de l’American Heart Association (AHA)
Interdépendance des troubles de la biotransformation des lipides et du glucose
Los Angeles – Selon de nouvelles données, l’ajout d’un chélateur des acides biliaires au cocktail de médicaments pris par les patients atteints d’une dyslipidémie et d’une anomalie de la glycémie à jeun permettrait de traiter ces deux troubles métaboliques en même temps. Les résultats d’un essai à répartition aléatoire réalisé par comparaison avec un placebo, qui ont été présentés lors des séances scientifiques de 2012 de l’AHA, viennent de donner un nouveau souffle à la prise en charge du risque de maladie cardiovasculaire, l’hyperlipidémie et l’altération de la biotransformation du glucose étant très souvent des troubles concomitants. Le nombre croissant de Canadiens qui doivent être traités en raison de l’importance du risque de maladie cardiovasculaire auquel ils sont exposés — l’épidémie de syndrome métabolique qui accompagne la hausse de l’incidence d’obésité en étant la meilleure illustration —a compliqué les schémas de prise en charge des risques. Or il serait possible de les simplifier en ayant recours à des traitements dont les effets favorables s’exercent sur plusieurs plans à la fois. L’ajout d’un chélateur des acides biliaires a été bien toléré et accepté par les sujets de cet essai.
La prise en charge du risque de maladie cardiovasculaire devient de plus en plus difficile en raison de la complexité des troubles métaboliques consécutifs à l’augmentation de la charge pondérale. Aujourd’hui, des facteurs de risque tels que l’hyperlipidémie, l’hypertension et l’altération de la biotransformation du glucose se côtoient généralement chez un même patient, les habitudes de vie ayant conduit à une plus grande sédentarité et à une consommation importante d’aliments riches en matières grasses, d’où l’augmentation de la graisse viscérale. Les rapports ayant récemment fait état de l’efficacité des chélateurs des acides biliaires dans le traitement des troubles de la lipidémie et des anomalies de la biotransformation du glucose viennent confirmer l’interdépendance de ces facteurs de risque. Selon le Dr Michael H. Davidson, Directeur du Département de cardiologie préventive, de l’Université de Chicago, en Illinois, et auteur principal de cet essai qui a porté sur le colésévélam, un chélateur des acides biliaires, la comparaison d’un traitement par cet agent allié à la niacine et d’un autre par la niacine utilisée seule « a permis de constater des améliorations significatives sur le plan clinique de la concentration de cholestérol des lipoprotéines de basse densité (C-LDL) ET de la glycémie ». Citant d’autres études réalisées antérieurement et ayant permis d’établir un parallèle entre l’utilisation du colésévélam et des améliorations significatives de la maîtrise de la glycémie, certaines ayant été effectuées chez des patients atteints de diabète de type 2, le Dr Davidson a suggéré que le protocole de l’étude pourrait s’appliquer systématiquement aux soins prodigués aux patients qui présentent une concentration de C-LDL élevée et une glycémie à jeun anormale, une combinaison fréquente. Au cours de cette étude, 140 patients dont la concentration de cholestérol non lié aux lipoprotéines de haute densité (C-HDL) et la glycémie à jeun (GAJ) se chiffraient respectivement à 2,5 mmol/L et à au moins 2,3 mmol/L, ont été répartis aléatoirement de manière à recevoir du colésévélam (doses types de 3750 mg/jour) ou un placebo, les deux étant alliés à des doses de niacine augmentées graduellement. Les sujets recevaient une dose initiale de niacine de 500 mg/jour qui était augmentée progressivement jusqu’à concurrence de 2000 mg/jour selon leur tolérance. Tous les sujets prenaient aussi un comprimé d’AAS gastrorésistant par jour. Le principal paramètre évalué au bout de 12 semaines de traitement était la variation de la lipidémie et de la glycémie. L’innocuité du traitement a également été surveillée. Au terme de cette étude, les concentrations de C-LDL avaient chuté de 20,7 % en moyenne chez les sujets ayant reçu du colésévélam et de la niacine comparativement à 12,9 % chez les témoins (niacine et placebo; p < 0,009). En outre, alors que la GAJ a augmenté de 0,17 mmol/L en moyenne dans le groupe témoin, elle n’a augmenté que de 0,05 mmol/L en moyenne chez les sujets ayant reçu du colésévélam (p < 0,005). De même, les chercheurs ont constaté une hausse du taux d’hémoglobine A1c (HbA1c) de 0,06 % seulement chez les sujets traités par le colésévélam par rapport à 0,18 % (p = 0,005) dans le groupe témoin. Comparativement à l’élévation moyenne de 0,18 % du taux d’HbA1c observée dans le groupe témoin, l’augmentation moyenne de 0,06 % (p = 0,005) observée chez les sujets traités par le colésévélam était négligeable (Fig. 1) (3 parties).
« Ce qu’il faut retenir de cette étude, c’est que les cliniciens devraient envisager d’adjoindre du colésévélam aux traitements par la niacine lorsqu’une diminution encore plus marquée des concentrations de C-LDL s’impose et à plus forte raison si la glycémie est élevée. »
Le Dr Davidson a déclaré : « Cette étude a démontré que l’ajout du colésévélam a permis d’atténuer les effets indésirables de la niacine sur la glycémie, tout en amplifiant la réduction des concentrations de C-LDL. Ce qu’il faut retenir de cette étude, c’est que les cliniciens devraient envisager d’adjoindre du colésévélam aux traitements par la niacine lorsqu’une diminution encore plus marquée des concentrations de C-LDL s’impose et à plus forte raison si la glycémie est élevée. » Les chélateurs des acides biliaires ont été la première classe d’hypolipémiants homologuée aux fins de réduction des accidents cardiovasculaires, un bienfait démontré dans le cadre de l’essai phare intitulé Lipid Research Clinics Coronary Primary Prevention (LRC-CPPT). Cet essai a servi à comparer la cholestyramine, un chélateur des acides biliaires, à un placebo. Comparativement au placebo, le chélateur des acides biliaires a permis d’obtenir une diminution moyenne de 20,3 % des concentrations de C-LDL et une réduction de 19 % du risque d’infarctus du myocarde fatal ou non. L’arrivée sur le marché des statines a par la suite relégué la cholestyramine au rang de traitement adjuvant pour abaisser les concentrations de C-LDL parce qu’elles permettaient d’obtenir une baisse plus prononcée de la lipidémie sans provoquer les effets indésirables d’ordre digestif associés à la cholestyramine.
Bilan de tolérabilité et d’innocuité
Le colésévélam, un chélateur des acides biliaires de nouvelle génération qui est beaucoup mieux toléré, est venu raviver l’intérêt des chercheurs pour cette classe de médicaments. Plusieurs raisons expliquent que les projecteurs soient maintenant pointés vers le colésévélam, entre autres, la proportion croissante de patients traités par des statines, qui ont besoin d’un traitement hypolipémiant d’appoint pour espérer atteindre les concentrations cibles de C‑LDL de plus en plus ambitieuses dictées par les lignes directrices actuelles. Les chélateurs des acides biliaires font preuve d’une grande efficacité pour réduire ces concentrations chez les sujets qui tolèrent mal les statines et sont les seuls agents, hormis les statines, qui se sont montrés capables de raréfier les accidents cardiovasculaires au cours d’essais comparatifs. Le colésévélam attire également l’attention parce qu’il a été associé à des améliorations significatives sur le plan clinique de la biotransformation du glucose, d’où l’intérêt qu’il peut susciter pour les patients ayant aussi une GAJ anormale ou un diabète sucré. D’après le Dr Davidson, ces bienfaits viendraient de la capacité des chélateurs des acides biliaires de stimuler les récepteurs des oxystérols (liver X receptor [LXR]) qui interviennent dans l’équilibre glycémique. Au cours des essais comparatifs, y compris ceux menés chez des patients atteints de diabète de type 2, le colésévélam a été relié à des améliorations considérables des taux d’HbA1c et d’autres paramètres rendant compte de la biotransformation du glucose lorsqu’il était associé à un large éventail d’agents antidiabétiques comme les sulfonylurées, la metformine et l’insuline. Bien que d’autres chélateurs des acides biliaires semblent également exercer un effet favorable sur la biotransformation du glucose, ils n’ont jamais fait l’objet d’études aussi poussées dans de tels cas parce que leurs effets indésirables en limitaient déjà l’utilité. Le colésévélam, qui a été associé à des taux de fidélité au traitement de plus de 90 % dans le cadre d’essais cliniques comparatifs, a été tout aussi bien toléré durant l’essai qui nous occupe. S’appuyant sur les analyses de l’innocuité réalisées à partir des effets indésirables rapportés par les patients, mais aussi d’épreuves fonctionnelles hépatiques, d’analyses d’urine et d’analyses hématologiques, le Dr Davidson a qualifié cet agent de « généralement bien toléré » et a précisé que son bilan d’innocuité constitue une « amélioration importante par rapport à celui de la cholestyramine ». L’analyse de la biotransformation du glucose est un passage obligé dans toute évaluation du risque de maladie cardiovasculaire. Elle revêt une importance toute particulière chez les patients qui présentent une adiposité viscérale ou un syndrome métabolique. Bien souvent, ces patients ont des concentrations de C-LDL élevées, des concentrations de C-HDL anormales et une GAJ anormale et font en plus de l’hypertriglycéridémie. Pour ce qui est de l’objectif recherché, soit l’obtention d’effets favorables sur cet éventail de troubles métaboliques, y compris l’atteinte des concentrations de C-LDL prescrites, les résultats de cette étude à répartition aléatoire rejoignent les bienfaits observés antérieurement au chapitre des concentrations de C-LDL et des anomalies de la GAJ. En ce qui concerne le traitement par la niacine, qui exerce un effet négatif sur la biotransformation du glucose, le Dr Davidson juge que l’utilisation du colésévélam comme médicament adjuvant est une stratégie tout à fait applicable dans la prise en charge systématique des patients.
Conclusion
L’interdépendance des facteurs de risque de maladie cardiovasculaire fait naître des stratégies de traitement globales qui décloisonnent les divers objectifs thérapeutiques axés sur ces facteurs de risque plutôt que de s’y attaquer individuellement. Cela est important parce que bon nombre de ces facteurs de risque, y compris les dyslipidémies et les altérations de la biotransformation du glucose, se côtoient souvent chez un même patient. L’efficacité dont fait preuve le colésévélam, un chélateur des acides biliaires, pour produire des réductions relativement marquées des concentrations de C-LDL accompagnées d’effets favorables sur la biotransformation du glucose prend toute son importance vue l’incidence croissante des cas de syndrome métabolique se caractérisant souvent par la présence simultanée de ces deux anomalies métaboliques.