Gastroentérologie
PiBD 2014
Complexité de la prise en charge des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin chez l’enfant
Rotterdam – Au Canada comme ailleurs, l’incidence des maladies inflammatoires de l’intestin (MICI) monte en flèche tant chez les enfants que chez les adolescents, notamment chez les enfants âgés de moins de 10 ans (Fondation canadienne des maladies inflammatoires de l’intestin, 2012). Chez les enfants et les adolescents, ces maladies sont plus étendues et plus graves, nécessitent la réalisation d’un bilan sanguin plus complet et commandent un traitement plus musclé que chez les adultes. En outre, elles peuvent entraîner des problèmes de croissance et un retard pubertaire. Les données présentées lors de la conférence de cette année sur les MICI chez l’enfant révèlent que les traitements anti-TNF permettent d’obtenir une amélioration de la croissance ainsi que des taux de réponse et de rémission similaires indépendamment de l’utilisation ou non d’une immunothérapie au départ. La surveillance étroite des taux de calprotectine fécale comme moyen de prédiction des rechutes et la possibilité d’avoir recours au traitement anti-TNF plus tôt afin d’obtenir une rémission marquent d’importants progrès dans les soins prodigués aux patients atteints de MICI.
De 20 à 25 % des patients atteints d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI) dans le monde sont des enfants et l’incidence de ces maladies ne cesse d’augmenter dans cette population tout comme chez les adultes. L’utilisation des traitements anti-TNF en première intention fait actuellement l’objet d’un plus grand nombre d’études.
Recommandation : les traitements anti-TNF dans les cas de maladie de Crohn chez les enfants
Dans les nouvelles lignes directrices qu’elles ont émises conjointement, la European Crohn’s and Colitis Organisation et la European Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology and Nutrition (ECCO/ESPGHAN) recommandent aussi les traitements anti-TNF pour amener et préserver la rémission chez les enfants atteints de la maladie de Crohn luminale en évolution chronique en dépit d’un traitement immunomodulateur optimisé et pour amener la rémission chez les enfants aux prises avec une maladie évolutive réfractaire à la corticothérapie (Ruemmele, F. M. et al. J Crohns Colitis, diffusé en ligne avant impression, le 5 juin 2014).
« Nous savons qu’il s’agit d’un très bon médicament et je crois que c’est l’une des raisons pour lesquelles nos collègues nord-américains se tournent de plus en plus vers les anti-TNF comme traitements de première intention. »
Ces recommandations reposent sur les résultats des études REACH et IMAgINE 1 qui ont porté respectivement sur l’infliximab (Hyams, J. et al. Gastroenterology, 2007;132:863-73) et l’adalimumab (Ruemmele, F. M. et al. Inflamm Bowel Dis, 2009;15:388-94). « Nous savons qu’il s’agit d’un très bon médicament et je crois que c’est l’une des raisons pour lesquelles nos collègues nord-américains se tournent de plus en plus vers les anti-TNF comme traitements de première intention », a fait remarquer le Pr Frank Ruemmele, de l’Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris, France.
La possibilité d’éliminer le retard de croissance
Au cours de l’essai clinique IMAgINE 1, les chercheurs ont constaté, par rapport au début de l’étude, une amélioration significative des scores z témoignant de la vitesse de croissance chez tous les sujets traités par l’adalimumab. Selon le Dr Thomas Walters, de l’Hôpital pour enfants malades de Toronto, Ontario, cette amélioration a également été associée à une accélération de la croissance chez les sujets qui accusaient un retard à ce chapitre au début de l’essai (score z de ≤1). La variation du score z médian a été significative du début à la fin de la période de traitement passant de -2,88 à 2,43 à la 26e semaine, puis à 3,31 à la 52e (p < 0,001 pour les deux valeurs). La croissance a eu tendance à s’accélérer davantage chez les patients qui suivaient une corticothérapie au début de l’étude, chez ceux atteints d’une forme grave de la maladie de Crohn et chez ceux qui n’avaient jamais reçu d’infliximab (Fig. 1).
« Le potentiel d’amélioration de la croissance dans ces sous-groupes est probablement encore plus grand », a suggéré le Dr Walters. « Il faudra toutefois examiner cet effet plus en profondeur dans le cadre d’études prospectives », a-t-il ajouté.
Taux de réponse obtenus avec l’emploi concomitant d’immunomodulateurs
Une autre analyse des données issues de l’essai IMAgINE 1 a révélé que l’utilisation concomitante d’immunomodulateurs n’avait aucune incidence sur les taux de réponse clinique et de rémission obtenus avec l’adalimumab. Comme l’a signalé le Dr Jeffrey Hyams, du Connecticut Children’s Medical Center, Hartford, les taux enregistrés à la 26e semaine étaient comparables que les sujets aient reçu des immunomodulateurs ou non au début de l’étude (Fig. 2). De plus, les proportions de patients ayant éprouvé des effets indésirables graves, de nature infectieuse ou autre, étaient également similaires.
Indice d’évolution de la maladie et taux de calprotectine fécale
Une étude rétrospective multicentrique présentée par le Dr Javier Martín-de-Carpi et ses collègues, de l’Hôpital Sant Joan de Déu, Barcelone, Espagne, a permis de recueillir d’autres données probantes confirmant l’innocuité et l’efficacité de l’adalimumab quand il s’agit d’amener et de préserver la rémission chez les enfants atteints de la maladie de Crohn, qui n’ont jamais reçu d’anti-TNF. Sur les 40 patients traités pendant 16 mois à l’aide d’adalimumab comme premier anti-TNF, 36 étaient en rémission clinique au bout de 24 mois de suivi comme en faisait foi leur indice PCDAI <10 (Pediatric Crohn’s Disease Activity Index). Les taux de calprotectine fécale (CF) ont accusé une baisse significative passant d’une moyenne de 747 µg/g à 131 µg/g à la 12e semaine et à 255 µg/g à la 52e semaine (p = 0,001). Les chercheurs n’ont rapporté aucun effet indésirable grave, ni aucune infection ou affection maligne.
Répercussions du dosage de la CF sur la prise en charge des MICI chez les enfants
Selon les premières observations recueillies dans une étude en cours, le dosage des taux de CF pourrait bien être un moyen plus fiable pour prédire les rechutes dans les cas de maladie de Crohn que la vitesse de sédimentation (VS) ou le dosage de la protéine C-réactive, en plus d’être non effractif. Le Dr Kevan Jacobson et ses collègues de l’Hôpital pour enfants de Colombie-Britannique, Vancouver, ont décrit le cas de 44 enfants en rémission clinique recevant de l’infliximab comme traitement d’entretien et qui ont été suivis pendant 6 mois. Cinq de ces patients ont fait une rechute pendant cette période. Or 72 jours en moyenne auparavant, les chercheurs avaient noté chez eux une hausse de leur taux de CF (extrêmes : 232 et 2023 µg/g). La VS était également élevée chez ces 5 patients; en revanche, le taux de protéine C-réactive et l’indice PCDAI avaient augmenté chez seulement 2 patients pour chacun de ces paramètres. Ce même groupe de chercheurs se penche actuellement sur les répercussions du dosage de la CF sur la prise en charge des MICI chez les enfants.
« Il faudrait que les cliniciens délaissent les dosages uniques de la calprotectine, qui n’ont pas de valeur prédictive plausible de toute façon, et se tournent plutôt vers des dosages périodiques pour orienter leur prise en charge des MICI. »
Il est ressorti d’une analyse rétrospective des dossiers de 55 patients que 38 des 42 patients dont les taux de CF excédaient 200 µg/g ont été soumis à une intensification de leur traitement ou à des examens supplémentaires. « Il faudrait que les cliniciens délaissent les dosages uniques de la calprotectine, qui n’ont pas de valeur prédictive plausible de toute façon, et se tournent plutôt vers des dosages périodiques pour orienter leur prise en charge des MICI », a noté le Dr Patrick F. van Rheenen, du Centre médical universitaire de Groningen, Pays-Bas. « Si cette surveillance étroite se révèle utile pour les participants d’un essai clinique à répartition aléatoire, elle constituera un progrès important pour les soins prodigués aux patients aux prises avec une MICI », a-t-il précisé.
Conclusion
Comme c’est le cas chez les adultes, la prise en charge des MICI chez les enfants se perfectionne grâce aux traitements anti-TNF sans compter que le recours à ces stratégies est envisagé plus tôt dans le cadre de l’algorithme de traitement. En outre, il est possible qu’une surveillance plus étroite reposant sur des dosages de la CF permette de prédire les risques de rechute clinique après rémission plus rapidement et avec une plus grande exactitude.