Hématologie
Le 66e congrès annuel de la Fondation nationale de l'hémophilie
La prévention primaire, la nouvelle norme dans les soins prodigués aux patients hémophiles
Washington, D.C. – Les études ont démontré que l’administration systématique de concentrés de facteurs VIII et IX réduit énormément l’incidence d’hémorragie comparativement à des traitements à la demande. Cela dit, ces concentrés ayant une demi-vie brève, des perfusions fréquentes s’imposent. Or la fixation de protéines de fusion Fc à des facteurs de coagulation recombinants prolonge considérablement leur demi-vie. Des essais ont révélé que ces nouveaux agents permettent de raréfier les hémorragies et de réduire le nombre de perfusions hebdomadaires tout en utilisant une quantité moindre ou comparable de facteurs de coagulation, d’où la possibilité d’améliorer l’issue et le respect du traitement.
Selon le Dr Steven Pipe, de l’Université du Michigan, à Ann Arbor, la prévention primaire à l’aide de facteurs de coagulation est un aspect crucial de la prise en charge. Il souligne que « Si on retarde le traitement préventif ne serait-ce que de 2 ou 3 ans, après que le tout-petit a déjà fait une hémorragie, il s’agit alors de prévention secondaire, moins efficace que la prévention primaire. »
Un terrain propice à la prévention systématique
L’essai SPINART (J Thromb Haemost 2013;11:1119-27) a fait ressortir, au terme d’une période de suivi médiane de 1,7 an, une baisse de 94 % du taux d’hémorragies annuel (THA) moyen chez les adolescents et les adultes atteints d’hémophilie A grave ayant reçu un traitement prophylactique par le facteur VIII recombinant préparé avec du sucrose (rFVIII-FS) par rapport à ceux ayant subi des traitements à la demande. Une baisse de 93 % du nombre moyen d’hémarthroses a aussi été notée dans le premier groupe comparativement au second. D’ailleurs, 62 % des sujets ayant reçu le traitement préventif n’ont fait aucune hémorragie.
« Si on retarde le traitement préventif ne serait-ce que de 2 ou 3 ans, après que le tout-petit a déjà fait une hémorragie, il s’agit alors de prévention secondaire, moins efficace que la prévention primaire. »
Chez les enfants âgés de ≤ 16 ans atteints d’hémophilie A, mais d’aucune lésion articulaire au moment du recrutement, 9 enfants systématiquement traités par le rFVIII-FS sur 10 n’ont présenté aucune lésion articulaire pendant une période pouvant aller jusqu’à 5,5 ans comparativement à 55 % de ceux traités à la demande. La prévention systématique s’est aussi traduite par une baisse de 87 % de l’incidence annuelle d’hémarthroses par rapport au traitement à la demande. Dans l’ensemble, 12,5 % des sujets (8 sur 64) ont fabriqué des inhibiteurs, mais aucune hémorragie potentiellement mortelle n’est survenue dans le groupe de prévention systématique contre 3 dans le groupe de traitement à la demande.
Leur demi-vie moyenne allant de 8 à 12 heures, les agents à base de facteur VIII exigent 3 ou 4 perfusions hebdomadaires. Or la liaison de ce facteur à la protéine de fusion Fc de l’immunoglobuline G1 prolonge sa demi-vie.
Mahlangu et ses collègues ont constaté que l’administration hebdomadaire ou bihebdomadaire de facteur VIII recombinant lié à la protéine de fusion Fc (rFVIIIFc) doté d’une demi-vie prolongée s’était traduite par une faible incidence d’hémorragie chez des sujets masculins âgés de ≥ 12 ans déjà traités contre une forme grave d’hémophilie A (Blood 2014;123:317-25).
Cet essai a fait ressortir la supériorité des traitements préventifs individualisés ou hebdomadaires sur ceux à la demande. Les THA médians obtenus chez les sujets traités par le rFVIIIFc au cours de traitements préventifs individualisés ou hebdomadaires (tous les 3 à 5 jours) se chiffraient à 1,6 et 3,6 par rapport à 33,6 pour les traitements à la demande.
De plus, 30 % des sujets du groupe de prévention individualisée ont eu besoin d’un traitement tous les 5 jours seulement pendant les 3 derniers mois de l’essai. Aucun sujet n’a fabriqué d’inhibiteurs et aucun effet indésirable grave lié au médicament n’a été rapporté.
Mise à jour de l’essai clinique Kids A-Long
Cet essai a révélé que la demi-vie du rFVIIIFc à action prolongée était environ 50 % plus longue que celle du rFVIII classique. Dans la mise à jour de cet essai, le Dr Guy Young, Directeur de l’Hemostasis and Thrombosis Center du Children’s Hospital de Los Angeles, en Californie, rapporte que l’intervalle entre les perfusions de rFVIIIFc peut être réduit à 2 fois par semaine chez la plupart des enfants. À preuve, 67 enfants 50 jours n’a produit d’inhibiteurs », a affirmé le Dr Young. Il a ajouté qu’en outre, aucun des sujets n’a produit d’anticorps non neutralisants dirigés contre le rFVIIIFc et susceptibles d’avoir de l’importance sur le plan clinique. Des effets indésirables soupçonnés d’avoir un lien avec le rFVIIIFc ont été notés chez 2 sujets, mais ils ont tous les deux poursuivi le traitement. Aucun cas d’anaphylaxie ou de thrombose vasculaire ni aucun décès n’ont été signalés.
Les analyses pharmacocinétiques réalisées à partir des données recueillies dans un sous-groupe de sujets ont confirmé que la demi-vie du rFVIIIFc était de 1,5 à 1,6 fois plus longue que celle du facteur VIII classique. « Il faut savoir que 90 % des sujets ont poursuivi leur traitement à raison de 2 perfusions par semaine, que leur THA était très bas et que le médicament s’est montré efficace si une hémorragie survenait », a déclaré le Dr Young (Tableau 1).
Une analyse a posteriori de l’étude A-LONG menée par K. Schafer et ses collègues a démontré que le nombre de traitements préventifs hebdomadaires a baissé chez tous les sujets chez lesquels le facteur VIII classique avait été remplacé par le rFVIIIFc, sauf un 1. Le THA médian est passé de 6 qu’il était au début de l’étude à 0 au cours des 3 derniers mois. Le patient dont la fréquence de traitement a dû être augmentée avec le rFVIIIFc avait un THA de 42 avant l’étude et de 0 pendant les 3 derniers mois. Diapositive supplémentaire (Fig. 1A).
Réduction de l’utilisation des facteurs
Pour ce qui est de l’hémophilie B, l’essai clinique B-LONG a révélé que le facteur IX recombinant lié à la protéine de fusion Fc (rFIXFc) était doté d’une demi-vie moyenne de 82,1 heures. La fréquence de traitement chez les deux tiers des sujets avant leur participation à cet essai était de 2 fois par semaine.
Les traitements préventifs par le rFIXFc ont été évalués selon qu’ils étaient administrés 1 fois par semaine ou d’après un mode individualisé. Qu’ils aient suivi l’un ou l’autre schéma thérapeutique, les sujets qui recevaient des traitements préventifs par le facteur IX avant leur participation à l’essai ont vu leur utilisation de ce facteur diminuer, leurs perfusions s’espacer et leur taux d’hémorragie baisser (Fig. 1).
Selon Powell et ses collègues (Br J Haematol, publication en ligne le 11 septembre 2014 avant impression), l’analyse a posteriori des données de l’étude B-LONG confirme que les patients recevant du rFIXFc comme traitement préventif peuvent réduire considérablement la fréquence de leurs perfusions et leur consommation de facteur IX. En outre, le facteur IX administré de cette façon est plus susceptible d’agir durablement et les hémorragies sont moins fréquentes. Nous disposons de peu de données sur la posologie et l’utilisation du rFIXFc en réalité, mais la base de données de Specialty Pharmacy Providers porte à croire que plus des trois quarts des patients atteints d’hémophilie B reçoivent leur traitement préventif une fois par semaine, tandis que les autres reçoivent leurs perfusions à intervalles de plus de 7 jours (affiche CR17). Diapositive supplémentaire (Fig. 1B).
Conclusion
L’accès à des facteurs de coagulation recombinants dotés de demi-vies prolongées et partant, à des perfusions préventives systématiques moins fréquentes, pourrait se traduire par une meilleure fidélité au traitement de la part des patients. La baisse du THA observée avec ces nouveaux agents peut améliorer considérablement la qualité de vie des patients atteints de l’une ou l’autre forme d’hémophilie.