Pneumologie
Conférence internationale de l’American Thoracic Society (ATS) de 2016
Dans les cas de MPOC, un regard nouveau sur la maîtrise des symptômes ouvre la voie aux traitements personnalisés
San Francisco – Lors de la Conférence internationale de l’ATS de 2016, certaines préoccupations ont été soulevées pendant un débat sur l’intérêt d’amorcer un traitement d’association chez les patients atteints d’une maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC), certains s’inquiétant en effet que les grands objectifs thérapeutiques soient occultés. Comme il est stipulé dans de nombreuses lignes directrices, y compris celles de la Société canadienne de thoracologie, la maîtrise de la dyspnée et des autres symptômes majeurs de la MPOC reste l’objectif premier du traitement. Selon un des participants au débat, il est important de ne pas confondre les objectifs établis du traitement et les gains que l’on peut théoriquement en tirer.
Débat sur le traitement personnalisé
Soulignant ce clivage, le Dr Bartolome R. Celli, de l’Hôpital Brigham and Women’s, de l’École de médecine de Harvard, à Boston, a affirmé : « Nous savons que la MPOC est une maladie qui se caractérise par une obstruction irréversible des bronches et pourtant nous prescrivons des bronchodilatateurs pour voir à quel point ils la font rétrocéder ». Ce faisant, il remettait en question la suggestion émise par son opposant selon laquelle il conviendrait d’avoir recours d’emblée à deux bronchodilatateurs, soit un b2-agoniste à longuedurée d’action (BALA) et un antagoniste muscarinique à longue durée d’action (AMLA) chez les patients exposés aux exacerbations. Le Dr Celli a fait remarquer que cette méthode fait abstraction de la nécessité de personnaliser les traitements aux fins de maîtrise des symptômes. Même si plusieurs séries de données ont justifié l’utilisation de traitements reposant sur deux bronchodilatateurs chez les patients exposés aux exacerbations, l’opposant du Dr Celli, la Dre Jadwiga A. Wedzicha, de l’Imperial College, de Londres au R.-U., s’est plutôt attardée sur une étude publiée récemment, l’étude FLAME dont elle était la chercheuse principale. Au bout des 52 semaines qu’a duré cette étude, les chercheurs ont pu établir un parallèle entre l’administration uniquotidienne d’une association BALA-AMLA et un risque d’exacerbation plus faible que celui observé avec l’administration biquotidienne d’un BALA jumelé à un corticostéroïde pour inhalation (CSI). Ce constat a fourni à la Dre Wedzicha l’argument décisif qui l’a amenée à privilégier une association BALA-AMLA plutôt qu’une association BALA-CSI. À cela, le Dr Celli a répondu que d’un côté, on ne saurait prôner un traitement personnalisé, dont le caractère essentiel fait pratiquement consensus dans le traitement de la MPOC, et de l’autre, « prescrire la même chose à tout le monde ». Selon lui, il ne faut pas croire que les conclusions de l’étude FLAME, une étude multinationale réalisée chez plus de 3000 patients, fournissent une solution universelle. Par exemple, les patients présentant une concentration de polynucléaires éosinophiles supérieure à 600 cellules/μL en ont été écartés, ce qui, du coup, éliminait certains des patients qui auraient pu bénéficier le plus des effets anti-inflammatoires des CSI.
« Les patients qui, au moment du recrutement, présentaient un taux sanguin de polynucléaires éosinophiles ≥ 4 % ou ≥ 300 cellules/μL ont obtenu de meilleurs résultats pour ce qui est des exacerbations en continuant de prendre un CSI. »
Plusieurs études ont démontré ce lien entre l’éosinophilie et les avantages des CSI, y compris une analyse réalisée a posteriori dans le cadre de l’essai WISDOM qui a été présentée lors de la Conférence internationale de l’ATS de 2016. Tout comme l’étude FLAME, cet essai de 12 mois a été mené à double insu auprès de patients ayant des antécédents d’exacerbations. Selon cette nouvelle analyse, le taux des incidences des exacerbations était systématiquement plus élevé dans les groupes de sujets affichant un taux de polynucléaires éosinophiles élevé, mais le maintien du CSI, comparativement au retrait de ce médicament, a eu chez eux un effet protecteur. « Plus le taux de polynucléaires éosinophiles augmentait, plus la protection relative contre les exacerbations conférée par l’emploi continu d’un CSI était grande, au point de frôler la signification statistique à un taux égal ou supérieur à 300 polynucléaires éosinophiles/μL et de l’atteindre à un taux égal ou supérieur à 400 polynucléaires éosinophiles/μL », a déclaré le Dr Henrik Watz, du Centre de recherche sur le poumon, de Grosshansdorf, en Allemagne, venant ainsi soutenir la théorie selon laquelle le traitement de la MPOC devrait être personnalisé (Fig. 1). En termes clairs pour les cliniciens, le meilleur moyen de personnaliser le traitement consiste à se laisser guider par l’effet produit sur les symptômes, ce qui est d’ailleurs préconisé dans les lignes directrices pour améliorer la qualité de vie. Certaines lignes directrices émettent des recommandations en fonction de différents groupes cliniques, tels que ceux formés à l’aide de la classification GOLD (A, B, C, D), mais le Dr Celli a avancé que ces classifications comportent une certaine variabilité et que les cliniciens devraient continuer d’adapter les traitements en fonction des symptômes.
Surveillance des symptômes dans le traitement des patients atteints de MPOC
Parmi les symptômes de la MPOC, la dyspnée est certes celui que les patients jugent le plus incommodant, mais deux mesures permettant d’examiner l’issue du traitement sous un angle plus large ont été étudiées dans le cadre d’essais de phase III menés avec une association de deux bronchodilatateurs, soit de l’aclidinium (AMLA) et du formotérol (BALA; BA-FF). L’analyse des données des essais ACLIFORM et AUGMENT réunis a porté essentiellement sur un critère d’évaluation appelé détérioration clinique importante (DCI). Ce critère regroupe des paramètres d’évaluation ayant une portée clinique, tels qu’un indice de dyspnée, un instrument de mesure de la qualité de vie, la somme des exacerbations et la variation de la fonction respiratoire.
« L’association AB-FF a amplifié la bronchodilatation comparativement au placebo tant chez des patients symptomatiques qu’asymptomatiques, indépendamment de la définition donnée à symptomatique. »
Selon le Dr Dave Singh, professeur de pneumologie à l’Université de Manchester, au R.-U. et auteur principal, la comparaison de l’association BA-FF, ou du BA et du FF pris individuellement, avec le placebo à partir des données groupées étudiées sous l’angle de la DCI a fait ressortir un avantage extrêmement significatif sur le plan statistique pour tous les traitements actifs comparativement au placebo au chapitre de la protection contre une DCI (p < 0,001) et une DCI soutenue (p < 0,001) (Tableau 1). Le Dr Singh a tenu à ajouter : « Par rapport au placebo, des réductions ont aussi été observées avec l’association BALA-AMLA pour chacun des éléments de ce critère composé ». Pour ce qui est de la deuxième analyse, qui, à l’instar de la première, a porté sur les 3394 patients des deux essais réunis, les paramètres d’évaluation de la bronchodilatation ont servi à cerner les gains obtenus après stratification des patients jugés comme symptomatiques ou asymptomatiques selon diverses définitions. Au cours de cette étude dirigée par le Dr Marc Miravitlles, de l’Hôpital universitaire Vall d’Hebron, de Barcelone, en Espagne, l’association BA-FF a atténué la dyspnée comparativement au placebo d’après un indice validé, et ce même chez des patients affichant un faible score de dyspnée au début de l’étude. Le Dr Miravitlles a toutefois insisté sur l’amélioration extrêmement significative de la fonction respiratoire confirmée par plusieurs mesures, telles que le VEMS enregistré le matin après l’administration de la dose (p < 0,001). « Comparativement à un placebo, l’association BA-FF a amélioré la bronchodilatation chez des patients symptomatiques et asymptomatiques, peu importait la définition donnée au terme symptomatique », a affirmé le Dr Miravitlles.
Conclusion
Cet intérêt pour les bienfaits observés sur les symptômes va dans le même sens que la remarque du Dr Celli qui a fait valoir que le traitement doit être adapté à chaque patient afin de réduire le fardeau imposé par la MPOC. Cela n’exclut pas l’utilisation de deux bronchodilatateurs, mais il ne faudrait pas négliger les autres outils éprouvés, y compris les CSI, qui se sont montrés efficaces pour maîtriser les symptômes.