PNEUMOLOGIE
Congrès international de 2016 de l’European Respiratory Society (ERS)
De nouvelles données témoignent de l’intérêt thérapeutique des agents biologiques dans la maîtrise de l’asthme éosinophilique grave
Londres – Des données présentées lors du congrès de 2016 de l’ERS ont confirmé que les agents biologiques ont bel et bien un rôle déterminant à jouer dans la maîtrise de l’asthme éosinophilique grave. Ces données sont issues d’essais de phase III ayant porté sur un nouvel anticorps monoclonal (AcM) ciblant le récepteur de l’interleukine-5 (IL-5), de nouvelles analyses d’un anti-IL-5 déjà homologué destiné aux populations rebelles aux traitements et d’un essai pédiatrique sur le premier antiasthmatique biologique homologué, qui est dirigé contre l’immunoglobuline E (IgE). Tous ces agents ont été reliés à des baisses significatives de l’incidence des exacerbations par rapport au placebo. Des agents biologiques ciblant d’autres médiateurs et voies d’activation des éosinophiles devraient logiquement être mis au point, quoiqu’un essai de phase III terminé récemment et ayant porté sur un AcM opposé à l’interleukine 13 (IL-13) ait donné des résultats décevants.
Le phénotype éosinophilique, une forme grave d’asthme
L’essai IDEAL, qui a servi à recueillir des données sur l’utilisation des ressources, illustre bien les difficultés que pose l’asthme éosinophilique grave. Il ressort en effet de cet essai que l’incidence annuelle moyenne des exacerbations graves (3,2 vs 1,2) et la proportion de patients ayant dû être hospitalisés (23 % vs 9 %) étaient plus de deux fois plus élevées chez les 137 patients atteints d’asthme éosinophilique grave que chez les 533 patients aux prises avec un autre phénotype grave. Dans tous les cas, la maladie était jugée grave lorsqu’elle commandait l’utilisation de fortes doses de corticostéroïdes pour inhalation et d’un deuxième agent de fond ou d’une corticothérapie générale. « Certains patients atteints d’asthme éosinophilique n‘arrivent pas à maîtriser leur maladie au moyen des traitements standard. C’est ce qui explique qu’ils consomment une part disproportionnée des ressources de soins de santé », ont rapporté les auteurs de l’essai multicentrique IDEAL (MÜLLEROVÁ, H., et al. ERS 2016, résumé PA4217).
Données présentées dans le cadre du congrès de l’ERS
Si les agents biologiques suscitent autant d’intérêt, c’est parce que les traitements standard ne sont pas à la hauteur dans les cas d’asthme éosinophilique grave. Or deux essais de phase III menés avec le benralizumab, un AcM ciblant le récepteur de l’IL-5, ont fait l’objet d’exposés lors du congrès de l’ERS. Si cet agent est homologué, ce qui est à prévoir compte tenu des données collectées, il viendra s’ajouter au mépolizumab et au reslizumab, les deux inhibiteurs de l’IL-5 qui sont actuellement homologués, ainsi qu’à un troisième agent biologique, l’omalizumab, qui lui est dirigé contre les IgE. Pendant ces deux essais de phase III et de méthodologie comparable, les essais SIRROCO et CALIMA, des patients affligés d’un asthme grave non maîtrisé (au moins 2 exacerbations au cours de l’année précédente malgré une corticothérapie à fortes doses) ont été répartis aléatoirement de manière à recevoir du benralizumab à raison de 30 mg toutes les 4 ou 8 semaines ou un placebo. Quelque 1205 patients se sont prêtés au processus de répartition aléatoire au cours de l’essai SIROCCO (BLEECKER, E. J. et al. ERS 2016, résumé OA4832) et 1306, dans le cadre de l’essai CALIMA (FITZGERALD, J. M., et al. ERS 2016, résumé OA1969). Le paramètre d’évaluation principal était la réduction de l’incidence des exacerbations. Au terme de l’essai CALIMA, le benralizumab, un inhibiteur du récepteur de l’IL-5, a été associé à une réduction de 36 % de l’incidence des exacerbations comparativement au placebo lorsqu’il était administré toutes les 4 semaines (T4S) (p = 0,0018) et de 28 % lorsqu’il était administré toutes les 8 semaines (T8S) (p = 0,0188) (Fig. 1). Lors de l’essai SIROCCO, ces réductions relatives se sont chiffrées à 45 % (p < 0,0001) et à 51 % (p < 0,0001). Les résultats positifs obtenus pour plusieurs paramètres d’évaluation secondaires sont venus consolider ceux enregistrés pour le paramètre principal. Par exemple, dans les deux essais, le benralizumab a permis d’observer une amélioration significative de la fonction respiratoire objectivée par les mesures du VEMS. Quant à l’atténuation des symptômes, qui ont été évalués au moyen du questionnaire sur la maîtrise de l’asthme (Asthma Control Questionnaire [ACQ-6]), l’avantage du benralizumab sur le placebo a systématiquement été significatif chez les participants à l’essai CALIMA dont la concentration d’éosinophiles était élevée au moment de leur admission. Il en a été de même lors de l’essai SIROCCO, mais seulement chez les sujets que la répartition aléatoire avait affectés au schéma T4S. En revanche, selon les résultats enregistrés lors des deux essais au questionnaire sur la qualité de vie des asthmatiques (Asthma Quality of Life Questionnaire [AQLQ]), l’avantage du benralizumab sur le placebo n’a franchi le seuil de la signification statistique que chez les sujets ayant une concentration d’éosinophiles élevée et qui étaient traités T8S. Comme ce fut le cas dans le cadre d’essais antérieurs ayant porté sur des AcM ciblant l’IL-5, le benralizumab a été bien toléré au cours de ces deux essais. À preuve, l’incidence des effets indésirables graves s’est révélée plus faible dans les groupes traités par le benralizumab que chez les témoins. Aucune nouvelle donnée sur le mépolizumab n’a été présentée pendant le congrès de 2016 de l’ERS, mais des analyses réalisées a posteriori sur l’autre inhibiteur de l’IL-5 homologué, le reslizumab, et sur l’agent anti-IgE, l’omalizumab, ont quant à elles fait l’objet d’exposés. Les nouvelles données concernant le reslizumab ont été recueillies auprès de 306 participants aux essais de phase III qui satisfaisaient les critères définissant l’asthme réfractaire selon l’American Thoracic Society et l’ERS, soit une maladie caractérisée par des symptômes persistants malgré un traitement continu, ou quasi continu, à l’aide de corticostéroïdes pour voie orale (VIRCHOW, J. C., et al. ERS 2016, résumé OA1797). Selon le Dr J. Christian Virchow, Chef du Département de pneumologie de l’Université de Rostock, en Allemagne, la comparaison de la variation de l’incidence des exacerbations enregistrée au sein de cette population réfractaire avec celle objectivée chez l’ensemble des sujets a permis de constater que l’avantage du reslizumab sur le placebo était encore plus important (Fig. 2). À en juger par la variation du VEMS entre le début et la 52e semaine de traitement, par les résultats enregistrés au questionnaire sur la qualité de vie des asthmatiques (Asthma Quality of Life Questionnaire [AQLQ]) et par l’indice de symptomatologie (Asthma Symptom Utility Index [ASUI]), les améliorations obtenues avec le reslizumab au chapitre de la fonction respiratoire, de la qualité de vie et de la maîtrise des symptômes de l’asthme ont également été plus prononcées dans le sous-groupe de sujets réfractaires que dans l’ensemble de la population à l’étude, comparativement au placebo. L’omalizumab a été le premier agent biologique qui a été offert pour traiter l’asthme. Bien qu’il ne soit pas forcément réservé aux patients présentant le phénotype éosinophilique, il n’en demeure pas moins qu’il permet lui aussi d’abaisser les concentrations d’éosinophiles (WALFORD, H. H. et T. A. Doherty. J Asthma Allergy, vol. 7, 2014, p. 53-65). En outre, les nouvelles données présentées au congrès de l’ERS ont confirmé son efficacité chez les enfants(ABUSAMRA, R., et al. ERS 2016, résumé PA1238). Dans le cadre de cet essai effectué chez des patients âgés de 6 à 18 ans, le nombre moyen d’exacerbations pendant l’année de traitement s’est chiffré à 1,6 alors qu’il s’élevait à 6,7 durant l’année ayant précédé l’essai (p < 0,0001). De l’avis de la Dre Rania Abusamra, de l’Hôpital du King’s College, de Londres, au R.-U., et auteure principale de l’essai, le bilan d’innocuité favorable de l’omalizumab justifie la réalisation d’essais chez des patients encore plus jeunes aux prises avec une maladie rebelle au traitement. L’IL-13, qui est impliquée dans plusieurs processus pathogènes à l’origine de l’asthme, est certes une cible attrayante pour qui veut concevoir de nouveaux agents biologiques (CORREN, J. Curr Allergy Asthma Rep, vol. 13, 2013, p. 415-420). Or les résultats de deux essais de phase III ayant porté sur le lebrikizumab, un inhibiteur de cette interleukine, se sont révélés décevants selon les données présentées au congrès de l’ERS (HANANIA, N., et al. ERS 2016, résumé OA1975). En outre, selon l’auteur principal des essais LAVOLTA I et LAVOLTA II, le Dr Nicola A. Hanania, du Collège de médecine Baylor, de Houston, ces essais de phase III dont la méthodologie était pourtant identique, ont donné des résultats inconciliables. Au cours de l’essai LAVOLTA I, les deux doses de lebrikizumab utilisées (37,5 mg et 125 mg) ont permis de réduire significativement l’incidence des exacerbations comparativement au placebo chez les patients reconnus comme ayant des concentrations élevées de certains biomarqueurs, dont ceux présentant une concentration d’éosinophiles d’au moins 300 μg/L. Cela dit, seule la dose de 37,5 mg a permis d’obtenir un gain significatif chez les sujets chez lesquels ces concentrations étaient faibles. Quant à l’essai LAVOLTA II, aucune des deux doses ne s’est montrée efficace.
Conclusion
Les agents biologiques jouent un rôle déterminant dans le traitement des patients atteints d’asthme grave éosinophilique que les agents antiasthmatiques standard ne parviennent pas à maîtriser. Les données transmises lors du congrès de 2016 de l’ERS ont permis de mettre à jour les connaissances sur l’efficacité et le rôle de ces agents en pratique clinique.