Ophthalmologie
Congrès annuel 2018 de l’American Academy of Ophthalmology (AAO)
De nouveaux agents et associations prometteurs pour l’amélioration de la maîtrise du glaucome
Chicago – Selon une série d’études dont il a été question au congrès scientifique de l’American Academy of Ophthalmology (AAO) de cette année, de nouveaux agents thérapeutiques et associations de médicaments s’ajoutent aux options permettant d’améliorer la maîtrise du glaucome à angle ouvert. Le traitement pharmacologique constitue la première approche pour abaisser la pression intraoculaire (PIO) et prévenir l’incapacité fonctionnelle tout en retardant ou en évitant l’intervention chirurgicale, mais les limites des agents utilisés en monothérapie, comme les analogues des prostaglandines (APG), détournent l’attention vers les traitements d’association et stimulent l’intérêt pour de nouveaux agents. Ces deux stratégies de rechange gagnent du terrain et annoncent une évolution de la prise en charge courante.
Les études cliniques font ressortir la nécessité d’un traitement précoce et dynamique pour équilibrer la PIO
En raison du grand nombre de données probantes montrant que la maîtrise précoce de la PIO associée au glaucome à angle ouvert améliore l’issue pour le patient, des associations et de nouveaux agents aux modes d’action novateurs permettant d’abaisser rapidement la pression suscitent de plus en plus l’intérêt, comme en témoignent les échanges qui ont eu lieu à l’occasion du congrès annuel 2018 de l’AAO. Plusieurs études récentes semblent être sur la bonne voie. L’une d’elles, dont les résultats ont été présentés avant le congrès de l’AAO, mais qui faisait partie des nouvelles options dont il a été question, portait sur une association à doses fixes de brimonidine, un agoniste alpha-2 adrénergique, et de brinzolamide, un inhibiteur de l’enzyme anhydrase carbonique, qui a permis de diminuer de façon impressionnante la PIO lorsqu’elle était administrée avec un APG.
Au cours de cette étude visant à évaluer l’association de deux agents que prescrivent déjà séparément de nombreux ophtalmologistes au Canada et ailleurs dans le monde, 187 patients présentant un glaucome à angle ouvert associé à une PIO qu’un APG seul ne permettait pas de bien maîtriser ont été répartis aléatoirement pour recevoir une association à doses fixes de brinzolamide-brimonidine ou un excipient comme traitement d’appoint à un APG. Le paramètre d’évaluation principal était la variation de la PIO diurne.
Les résultats ont été impressionnants. À la fin de l’étude de 6 semaines, les baisses de la PIO par rapport au départ étaient plus de deux fois plus importantes que les diminutions obtenues avec une association de trois médicaments (-5,59 vs 2,15 mm Hg; p < 0,001), selon le Dr Fotis Topouzis, du département d’ophtalmologie de l’université Aristote de Thessalonique, en Grèce, et chercheur principal de l’étude (Fig. 1). Le Dr Topouzis, qui avait présenté les données de l’étude à l’assemblée de la European Society of Cataract and Refractive Surgeons (ESCRS) tout juste avant le congrès 2018 de l’AAO, estime que le profil d’innocuité favorable de l’association permet de dire qu’il s’agit d’une « option de traitement convenable » pour les patients dont la PIO ne peut être maîtrisée à l’aide d’une monothérapie.
Les patients affectés aléatoirement au groupe de traitement par l’association ont reçu des doses fixes de brinzolamide à 1 % et de brimonidine à 0,2 % deux fois par jour, en plus d’un APG une fois par jour. La répartition aléatoire dans les groupes de l’étude a été effectuée après une période de préparation et d’élimination de 28 jours, suivie d’une période de sélection de 3 à 8 jours. Au départ, la PIO diurne moyenne s’établissait à environ 23 mm Hg; les patients recevaient aussi un APG, soit le latanoprost (40 % des patients), le bimatoprost (34 %) ou le travoprost (26 %).
Selon les critères d’évaluation secondaires, l’association à doses fixes procure un bienfait tout aussi robuste que l’excipient seul lorsqu’elle est combinée à un APG (Fig. 2)). De tous les événements indésirables de nature oculaire, l’hyperémie était plus fréquente chez les patients recevant l’association (5,3 % vs 1,1 %). Une vision trouble a été l’événement indésirable le plus fréquent dans le groupe APG et excipient, mais le taux était comparable dans le groupe de patients recevant l’association (2,2 % vs 2,1 %). Le Dr Topouzis estime que dans l’ensemble, les événements indésirables survenus « concordent avec les profils d’innocuité connus de la brinzolamide, de la brimonidine et des APG ».
La PIO chez les patients présentant un glaucome à angle ouvert est généralement traitée selon une approche thérapeutique par étapes; on administre d’abord un APG, puis on passe à l’une des monothérapies possibles avant d’arriver à un traitement d’association, mais nombreux sont ceux qui croient qu’une approche plus dynamique s’impose. Les données probantes montrant que la diminution rapide de la PIO améliore les résultats remontent à plus d’une décennie. Au cours de l’étude phare Early Manifest Glaucoma Trial, par exemple, l’abaissement immédiat de la PIO au moyen d’une intervention chirurgicale ou d’une pharmacothérapie a réduit de manière significative la progression à six ans, quel que soit l’âge du patient, le degré de PIO ou l’acuité visuelle au départ (Heijl A, et al.; Arch Ophthalmol. 2002;120:1268-79).
De nouvelles options médicales pour la PIO à l’horizon
Plusieurs nouvelles options thérapeutiques ont récemment été homologuées par la Food and Drug Administration des États-Unis et pourraient bientôt être offertes au Canada. Citons notamment une solution ophtalmique de latanoprostène bunod à 0,024 %, un analogue de la prostaglandine F2α (PGF2α) donneur d’oxyde nitrique, et une solution ophtalmique de nétarsudil à 0,02 %, un inhibiteur de la rho-kinase. Tous deux sont des traitements administrés une fois par jour. À la réunion de l’AAO de cette année, le Dr Paul Harasymowycz, responsable de la section Glaucome à l’Université de Montréal et directeur médical des cliniques d’ophtalmologie Bellevue et de l’Institut du glaucome de Montréal, au Québec, a souligné que ces traitements, administrés seuls ou sous forme d’associations novatrices, sont prometteurs.
« Il pourrait arriver qu’on ajoute le nétarsudil au traitement d’un patient qui reçoit déjà un APG et une association à doses fixes », a souligné le Dr Harasymowycz. Il a expliqué que contrairement aux APG et aux agonistes alpha-2 adrénergiques, qui abaissent la PIO en favorisant l’élimination de l’humeur aqueuse par la voie uvéosclérale, ou à la brinzolamide, qui diminue la production d’humeur aqueuse, le nétarsudil réduit la PIO en stimulant l’élimination de l’humeur aqueuse par le trabéculum.
En raison du mode d’action unique du médicament, le Dr Harasymowycz a précisé qu’il fallait « s’attendre que les patients présentent une baisse de la PIO additionnelle, en plus de celle que permettent les autres collyres qu’ils utilisent ». Il a toutefois formulé une mise en garde quant aux taux élevés d’hyperémie conjonctivale observés avec le nétarsudil.
En se fondant sur des études qui indiquent que plus la PIO est basse, plus il est facile de prévenir la progression du glaucome, le Dr Harasymowycz a déclaré que même une modeste amélioration obtenue par l’ajout d’un médicament devrait être jugée utile lorsque de telles associations de médicaments sont bien tolérées.
À son avis, les réductions graduelles de la PIO obtenues grâce à des associations de médicaments sont encourageantes. Le Dr Harasymowycz a aussi souligné que plusieurs des associations étudiées dans le cadre d’essais cliniques s’avèrent efficaces pour réduire progressivement la PIO en ne provoquant que peu ou pas d’événements indésirables additionnels.
Conclusion
Compte tenu des données probantes indiquant qu’une maîtrise précoce et dynamique de la PIO chez les patients présentant un glaucome à angle ouvert mène à de meilleurs résultats, les études montrant un abaissement significatif de la pression grâce à l’association d’agents existants ou nouveaux permettent d’espérer une amélioration des résultats à long terme. Les associations à doses fixes sont particulièrement intéressantes à cet égard. En réduisant le nombre de collyres nécessaires pour arriver à maîtriser la PIO, cette approche pourrait contribuer à maintenir le fardeau thérapeutique assez faible pour favoriser l’adhésion au traitement. Avec une association qui accroît la probabilité de maîtrise de la PIO, une adhésion maximale est la clé universelle de l’obtention de bienfaits cliniques.