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Obésité

Obesity Week 2018

du 11 au 15 novembre 2018 / Nashville, Tennessee

Dans les cas d’obésité, les circuits cérébraux conditionnent les envies impérieuses de manger et les troubles alimentaires

Nashville – De nouvelles techniques ont révélé que les circuits cérébraux des patients en surpoids ou obèses ont une activité différente en situation d’envie impérieuse de manger, de dépendance alimentaire et de réaction de stress. Dans le cadre d’une prise en charge globale du poids, le ciblage des circuits cérébraux de la récompense pour atténuer la réaction d’appétence aiguë est une stratégie efficace.

Comprend des sections de questions-réponses avec le Dr David Macklin et le Dr Denis Richard

 

Les comportements alimentaires indésirables de certains patients en surpoids ou obèses peuvent être orchestrés par les circuits de la récompense (ou hédoniques) de l’encéphale, une voie neuronale à distinguer de celle de l’appétit et qui est impliquée dans d’autres conduites addictives. L’imagerie cérébrale et des dosages biochimiques ont fait ressortir un lien entre l’activation des voies hédoniques et les variations neuro-hormonales associées aux envies impérieuses.

 

Le recours à des stratégies pharmacologiques dans la prise en charge d’autres conduites addictives constitue une méthode unique aux impératifs que sont le surpoids et l’obésité. L’association médicamenteuse composée de bupropion, un antidépresseur atypique, et de naltrexone, un antagoniste des opiacés, peut favoriser une perte pondérable importante chez les patients qui l’utilisent en appoint à un régime alimentaire hypocalorique. Elle émousse notamment l’effet des circuits hédoniques responsables des envies impérieuses qui peuvent être comparées à une réaction d’appétence aiguë. Selon des travaux récents présentés lors de l’Obesity Week de cette année, l’association naltrexone-bupropion est assortie d’un tableau pharmacocinétique favorable chez les adolescents et ne provoque pas de variation inquiétante de la pression artérielle. En outre, elle a permis d’acquérir de nouvelles connaissances sur l’innocuité de ces agents pour les reins, ce qui permet une prescription mieux éclairée chez les patients obèses dont la fonction rénale est altérée.

 

L’importance de maîtriser l’appétence aiguë

 

Un examen systématique réalisé récemment et présenté lors de cette même conférence a révélé que les interventions immédiates et celles s’inscrivant dans la durée visant à maîtriser l’appétence ont des effets positifs dans la prise en charge du poids.

 

Les quatre études qui y ont été analysées ont permis de répondre par l’affirmative à la question suivante : « Les effets immédiats sur l’appétit ont-ils des effets positifs dans la prise en charge du poids? ». La Dre Thea Toft Hansen, du Département de la nutrition, de l’exercice et des sports, de l’Université de Copenhague, a précisé que ces études ont servi, à divers degrés, à évaluer la maîtrise de l’appétence aiguë en mesurant l’apport énergétique ou l’appétence subjective. Or elles ont toutes permis de constater que la maîtrise de l’appétence aiguë a des effets positifs majeurs. « Grâce à de nouvelles stratégies, nous pourrions être mieux outillés pour aider les patients à maîtriser leur poids afin de leur assurer une bonne santé et un plus grand bien-être tout au long de leur vie », a-t-elle ajouté.

 

« Grâce à de nouvelles stratégies, nous pourrions être mieux outillés pour aider lespatients à maîtriser leur poids afin de leur assurer une bonne santé et un plus grand bien-être tout au long de leur vie. »

 

 

Les β-endorphines peuvent exercer au sein de ce système hypothalamique une contre-réaction sur les neurones à pro-opiomélanocortine (POMC). La régulation négative de cette activité neuronale peut s’opposer à la fonction normale des neurones à POMC soit la suppression de l’appétit. « Le bupropion amplifie la cadence de tir des neurones à POMC in vitro tandis que la naltrexone inhibe la boucle de contre-réaction provoquée par les β-endorphines sur les neurones à POMC, ce qui coupe encore plus la faim », a rapporté le Dr Kelly (Figure 1). 

 

Le système hédonique mésolimbique est aussi impliqué dans l’obésité. Or, l’action combinée de la naltrexone et du bupropion sur ce système peut atténuer les envies impérieuses de nourriture. Le Dr Kelly a cité des travaux de recherche qui ont montré que la naltrexone et le bupropion ont permis de réduire la prise alimentaire après avoir été injectés ensemble dans l’ATV [aire tegmentale ventrale] du circuit mésolimbique de souris, une région associée à la régulation des voies hédoniques qui stimuleraient les envies impérieuses.

 

Les données pharmacocinétiques montrent que l’exposition des adolescents à l’association médicamenteuse se compare à celle des adultes

 

L’association naltrexone-bupropion est homologuée à l’échelle internationale aux fins de prise en charge chronique du poids lorsqu’elle est utilisée en appoint à un régime hypocalorique et à de l’exercice physique chez les adultes en surpoids ou obèses, qui sont également atteints d’au moins une maladie liée à leur poids. Les caractéristiques pharmacocinétiques d’une dose unique de l’association naltrexone-bupropion ont permis au Dr Kelly de constater que l’exposition à ce médicament est comparable, voire légèrement plus faible, chez les adolescents que chez les adultes.

 

La concentration maximale (Cmax) de naltrexone administrée à la dose de 16 mg à des adolescents s’élevait à 0,91 ng/mL (écart-type [é.-t.] : 0,254). Chez les adultes, elle se chiffrait à 1,47 ng/mL (é.-t. : 1,00), d’où un rapport adolescent:adulte de 0,62. Pour ce qui est de la fraction bupropion de l’association médicamenteuse, la Cmaxmesurée chez les adolescents ayant reçu une dose de 180 mg s’établissait à 123,41 ng/mL (é.-t. = 40,563), alors que chez les adultes, elle s’élevait à 156 ng/mL (é. t. : 49,00), soit un rapport adolescent:adulte de 0,79. En outre, des rapports semblables ont été obtenus pour les métabolites actifs des deux agents (Tableau 1). 

 

Les maladies cardiométaboliques concomitantes

 

Beaucoup de patients en surpoids ou obèses sont atteints de maladies cardiométaboliques concomitantes comme l’hypertension artérielle et le diabète de type 2. Une hausse légère de la pression artérielle a été observée au début de la phase de traitement par l’association naltrexone-bupropion chez les patients en surpoids ou obèses ayant participé aux essais cliniques déterminants, un effet qui a été imputé au bupropion. À la fin de l’étude, la pression artérielle des patients traités par cette association était toutefois revenue à la valeur enregistrée avant le début de l’étude ou à une valeur encore plus basse.

 

Après avoir analysé de nouveau les données groupées issues des essais cliniques déterminants menés sur l’association naltrexone-bupropion, des chercheurs ont pu décrypter davantage le lien entre la perte pondérale et la pression artérielle. Ils ont en effet constaté que même si cette association « a été reliée à de légères hausses de la pression artérielle moyenne comparativement à un placebo en regard d’une perte pondérale donnée, la relation directionnelle entre la perte de poids et la réduction de la pression artérielle est préservée et la pression artérielle est abaissée, en moyenne, sous la valeur enregistrée au début des traitements amaigrissants couronnés de succès », a déclaré la Dre Lisette Acevedo, Directrice du Service des sciences cliniques, chez Nalproprion Pharmaceuticals, de La Jolla, en Californie.

 

À un an, les pressions artérielles systolique et diastolique moyennes étaient plus basses qu’au début de l’étude chez les patients traités par l’association naltrexone-bupropion (53 %) qui avaient perdu au moins 5 % de leur poids.

 

Avec le temps, le diabète et l’hypertension artérielle peuvent entraîner une insuffisance rénale. Les données tirées d’études de phase I présentées lors de la conférence rendaient compte des résultats obtenus à la suite d’un traitement par l’association naltrexone-bupropion chez des patients atteints d’insuffisance rénale légère, modérée ou grave par rapport à ceux jouissant d’une fonction rénale normale.

 

Pour ce faire, la Dre Acevedo et ses collègues ont stratifié les participants en fonction de l’état de leur fonction rénale. Ils ont ensuite apparié ceux jouissant d’une fonction rénale normale avec ceux qui étaient atteints d’insuffisance rénale légère, modérée ou grave. Les patients affligés d’une insuffisance rénale chronique au stade ultime ont été écartés de l’analyse.

 

« L’insuffisance rénale n’a eu aucune incidence significative sur les paramètres pharmacocinétiques de la naltrexone, du bupropion et de l’hydroxybupropion. »

 

Les participants ont reçu une seule dose de l’association à libération prolongée composée de naltrexone à 32 mg et de bupropion à 360 mg. Les paramètres pharmacocinétiques ont été mesurés au moyen d’analyses de sang et d’urine. Ces analyses ont permis de surveiller les concentrations de bupropion, de naltrexone et des métabolites actifs de chacun de ces médicaments de la 1re journée de l’étude à la 168e heure suivant l’administration de cette dose.

 

« L’insuffisance rénale n’a eu aucune incidence significative sur les paramètres pharmacocinétiques de la naltrexone, du bupropion et de l’hydroxybupropion », a affirmé la Dre Acevedo. L’exposition totale à certains métabolites actifs a augmenté, mais la demi-vie sérique de deux métabolites seulement, soit le 6β-naltrexol et l’érythrohydrobupropion, a été plus élevée.

 

Les chercheurs ont toutefois effectué une analyse pondérée afin de tenir compte de l’activité pharmacologique et de la puissance relatives de chacune des molécules mères et de leurs métabolites respectifs.

 

« Comme ces métabolites actifs sont moins puissants que leur molécule mère (naltrexone ou bupropion), les hausses de leurs concentrations ont multiplié par moins de deux l’activité pharmacologique globale de l’association naltrexone-bupropion chez les participants aux prises avec une insuffisance rénale modérée ou grave et entraîné une augmentation encore plus faible chez les participants atteints d’une insuffisance rénale légère. » (Tableau 2). 

 

Les envies impérieuses et le lien entre l’encéphale et les intestins

 

En se penchant dernièrement sur les différences entre les circuits cérébraux des personnes selon que leur un indice de masse corporelle (IMC) est normal ou élevé, des chercheurs ont noté que les régions de l’encéphale responsables de la récompense et de la saillance (motivation) sont activées chez les personnes ayant un IMC élevé lorsqu’elles sont exposées à des métabolites liés au stress.

 

La Dre Arpana Gupta, Professeure adjointe au Centre de neurobiologie du stress et de la résilience, de la Division des maladies de l’appareil digestif, de l’Université de la Californie à Los Angeles, a invité la communauté scientifique à se pencher davantage sur « les signaux bidirectionnels qui voyagent entre l’encéphale et le microbiote intestinal…, et qui sont le fruit de mécanismes de signalisation neuronaux, métabolomiques, endocriniens et immunitaires ».

 

Pour étudier comment le fonctionnement de l’encéphale influence – et est influencé par – les conduites alimentaires addictives et autres facteurs neuro-comportementaux, la Dre Gupta et ses collaborateurs ont examiné 63 personnes saines, 32 d’entre elles ayant un IMC situé entre 18,50 et 25,99 kg/m2 et les 31 autres, un IMC de 25 kg/m2 ou plus. Le groupe formé de personnes ayant un IMC normal était composé de 20 femmes et de 12 hommes, tandis que le groupe de personnes ayant un IMC élevé comprenait 14 femmes et 17 hommes.

 

Les participants se sont prêtés à un examen de leur encéphale à l’état de repos par imagerie par résonance magnétique (IRMf) fonctionnelle. Divers circuits cérébraux, notamment les circuits responsables de la récompense, de la régulation des émotions et de la saillance, ainsi que le circuit somatosensoriel ont ainsi pu être examinés.

 

Ces circuits sont constitués de connexions neuronales reliant des régions de l’encéphale éloignées les unes des autres et qui sont activées en présence de divers états émotionnels et physiologiques. Par exemple, quand une personne est exposée à des images de nourriture provoquant chez elle une envie impérieuse, ces quatre circuits réagissent : ceux qui sont responsables de la récompense et de la saillance ainsi que les circuits somatosensoriels seront activés, tandis que le circuit chargé de la régulation des émotions connaîtra une régulation négative.

 

Des échantillons de selles ont aussi été recueillis et analysés à la recherche de métabolites fécaux. Lors de travaux antérieurs, la Dre Gupta et ses collègues avaient observé des différences à ce chapitre chez les personnes qui vivaient du stress ou qui présentaient un état pro-inflammatoire. Ils ont imaginé un axe de communication bidirectionnelle entre l’encéphale et le microbiote intestinal où interviennent des boucles de contre-réaction advenant qu’un stress important provoque un état cérébral faisant en sorte qu’il est plus difficile de passer outre aux envies impérieuses et que l’hyperphagie devient plus probable.

 

Par exemple, lorsqu’un stress ou de l’inflammation amplifient la dégradation du tryptophane, un acide aminé, dans la voie kynurénine, il y a production de « métabolites neuroréactifs » « qui, croit-on, seraient des modulateurs importants de la communication entre l’encéphale et les intestins », a déclaré la Dre Gupta.

 

De même, les circonstances de la vie peuvent « façonner l’encéphale et l’inciter ainsi à modifier… le microbiote intestinal et les conduites alimentaires », ont précisé les chercheurs.

 

En plus de se prêter à des examens par IRMf et à des analyses visant à déceler des métabolites dans leurs selles, les participants étaient tenus de remplir l’échelle de dépendance alimentaire de Yale (Yale Food Addiction Scale) afin d’évaluer leur vulnérabilité aux envies impérieuses et leur sensibilité au côté hédonique de la nourriture. Cette échelle les a amenés à réfléchir aux aliments qu’ils seraient enclins à consommer à l’excès, comme des aliments à forte teneur en sel, en matières grasses ou en sucre, des féculents et des aliments à grignoter. Les participants devaient ensuite répondre à des questions sur la fréquence de leurs conduites alimentaires addictives en souscrivant à des énoncés tels que « Je ne peux m’empêcher de manger certains aliments toute la journée » et « J’ai remarqué que quand je me prive complètement ou partiellement de certains aliments, j’en viens à avoir encore plus envie d’en manger ».

 

Comme certains des travaux de la Dre Gupta se concentrent sur les épreuves survenant tôt dans la vie, les chercheurs ont utilisé une échelle d’évaluation des expériences traumatisantes tôt dans la vie en plus du questionnaire sur la santé physique (Physical Health Questionnaire) pour étudier les symptômes somatiques.

 

« Il faudra acquérir une compréhension profonde des caractéristiques physiopathologiques de l’obésité humaine, fondée sur la biologie des systèmes. »

 

Pour analyser les données, les chercheurs ont appliqué une méthode analytique par graphiques qui leur a permis d’établir des liens entre les résultats des examens par IRMf, les métabolites fécaux et les réponses aux questionnaires. Cette technique reposant sur l’utilisation de mégadonnées permet aux analystes de déceler un grand nombre d’associations au sein d’un d’une multitude de variables et d’en mesurer l’intensité.

 

La Dre Gupta et son équipe ont ainsi découvert de nettes différences entre les participants ayant un IMC normal et ceux qui étaient en surpoids ou obèses. Ils ont établi de nombreux parallèles chez ces derniers entre l’obtention de scores élevés à l’échelle d’évaluation de la dépendance alimentaire et la connectivité des circuits cérébraux responsables de la régulation somatosensorielle, de la saillance et des émotions. Ils ont également relevé un lien très fort entre la kynurénine, un métabolite lié au stress, et la régulation émotionnelle, la saillance et la connectivité somatosensorielle. Or toutes ces associations étaient absentes chez les participants affichant un IMC normal.

 

Cette équipe de chercheurs a aussi noté des différences entre les hommes et les femmes ayant un IMC élevé, tous les métabolites intestinaux affichant des associations positives avec les grandes régions hédoniques de l’encéphale chez les femmes. Chez ces dernières, ils ont également fait de nombreux rapprochements entre l’obtention de scores élevés à l’échelle de dépendance alimentaire de Yale et tous les circuits cérébraux examinés par IRMf. Ce type d’associations était beaucoup moins abondant chez les hommes.

 

Selon la Dre Gupta, les renseignements tirés de ses observations peuvent aider les cliniciens à reconnaître les patients en surpoids ou obèses qui sont susceptibles de bénéficier le plus d’un traitement pharmacologique ciblant le circuit hédonique de l’encéphale.

 

La Dre Gupta et ses collègues continuent de démêler les nombreuses associations entre les circonstances de la vie personnelles, les perceptions à l’égard des aliments et les troubles des conduites alimentaires, et des facteurs neuro-hormonaux, notant au passage dans leurs écrits « qu’il faudra acquérir une compréhension profonde des caractéristiques physiopathologiques de l’obésité humaine, fondée sur la biologie des systèmes ».

 

Conclusion

 

Il est important de maîtriser l’appétence aiguë. Or le domaine en pleine évolution qu’est la biologie des systèmes nous a appris que les circuits hédoniques de l’encéphale sont activés différemment chez les patients obèses et chez ceux ayant des conduites alimentaires dysfonctionnelles ou addictives. Les recherches en cours visant à décrypter encore mieux la nature bidirectionnelle des connexions entre l’encéphale et les intestins pourront orienter les cliniciens vers une pharmacothérapie ciblée pour leurs patients en surpoids, obèses ou victimes d’envies impérieuses.

 

Angle d’approche des omnipraticiens

 

David A. Macklin, M.D., CCMF
Directeur, Programme de prise en charge pondérale de la clinique Medcan
Directeur, Clinique de prise en charge du poids de la Clinique IMC de l’Hôpital Mont Sinaï
Chargé d’enseignement, Faculté de médecine de l’Université de Toronto

 

Q. Comment soutenez-vous les patients qui s’efforcent d’atteindre le poids idéal pour eux?

 

R. Je suis médecin de famille. Je dirige depuis 2005 une clinique de prise en charge pondérale comportementale où nous accueillons de 400 à 500 nouveaux patients chaque année et où je reçois en consultation de 15 à 18 patients par jour. Notre méthode repose sur des interventions intensives axées sur le mode de vie. Elles visent à soutenir les patients qui tentent d’atteindre leur poids idéal et qui doivent pour ce faire surmonter de multiples facteurs génétiques vulnérants et résister aux signaux environnementaux qui assaillent les Canadiens de nos jours.

 

Il est impératif d’adopter une démarche globale fondée sur la neuroscience. Il y a 20 000 ans, la recherche effrénée pour trouver et consommer des aliments à haute teneur énergétique était tout à fait justifiée et avantageuse sur le plan de l’adaptation biologique. De nos jours, les aliments savoureux sont partout – ils sont bon marché, à portée de main et font l’objet d’un battage publicitaire incessant.

 

Un autre tournant dans la culture canadienne a fait en sorte que nous ne nous limitons plus à trois repas par jour. Les collations et le grignotage sont omniprésents. N’oublions pas non plus que les portions servies dans les établissements de restauration rapide et autres restaurants n’ont cessé de prendre du volume. Enfin, n’oublions pas les déclarations trompeuses des entreprises qui fabriquent et commercialisent des produits alimentaires en prétendant qu’ils sont bons pour la santé.Parlez-nous un peu plus des notions de neurobiologie entourant la consommation de nourriture, l’embonpoint et l’obésité.

 

Q. Parlez-nous un peu plus des notions de neurobiologie entourant la consommation de nourriture, l’embonpoint et l’obésité.

 

R. Premièrement, la régulation de l’appétit est vraiment le fait du mésencéphale. Nous entendons souvent les expressions « envies impérieuses », « besoin », « pulsions » et « incitation » qui pointent toutes vers l’idée que cette envie irrépressible de manger est de l’ordre du subconscient. Or cela crève les yeux pour quiconque passe en revue les données probantes publiées dans la littérature médicale.

 

Par exemple, les études reposant sur des techniques d’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle nous ont appris que certaines personnes sont particulièrement réceptives aux signaux envoyés par les images illustrant des aliments appétissants. Ils ressentent une plus forte pulsion motivationnelle envers la nourriture. Et tout cela relève du conditionnement à la récompense : un signal déclenche une envie impérieuse ou un désir fort, puis la personne reçoit une récompense, dans le cas qui nous occupe, des aliments savoureux. Le circuit hédonique est amplifié et un sillon profond y est imprimé. Nous assistons réellement ici à une réaction de Pavlov qui, en définitive, n’est pas de l’ordre de la conscience.

 

Il est essentiel de bien comprendre cela pour éliminer la stigmatisation liée à l’embonpoint et à l’obésité. Il s’agit de troubles chroniques complexes qui tirent leur origine de l’interaction de facteurs génétiques et de notre environnement moderne. Nous ne pouvons nous attendre à ce qu’une maladie chronique s’atténue ou guérisse sans traitement.

 

Q. Dans votre pratique, comment utilisez-vous les médicaments et les interventions comportementales pour traiter les envies impérieuses et le désir de nourriture?

 

R. Environ 50 % des patients de notre clinique prennent des médicaments pour maigrir. Nous disposons maintenant d’une nouvelle génération de médicaments non stimulants qui ciblent directement le circuit cérébral qui régit le système hédonique.

 

Pour certains patients, ces médicaments ont changé la donne. Grâce à leur action directe sur les régions de l’encéphale intervenant dans la régulation de l’appétit, de la récompense et du plaisir, ils parviennent à juguler les envies impérieuses et le besoin irrépressible de manger. Les patients disent éprouver un immense soulagement quand cela se produit; ils commencent à ressentir une certaine maîtrise et capacité d’agir.

 

Ces médicaments sont utilisés conjointement aux interventions comportementales dans le cadre d’une méthode descendante. En appliquant un modèle de thérapie cognitivo-comportementale, les membres de notre personnel aident les patients à restructurer leur mode de pensée relativement à leurs choix alimentaires. Les patients commencent à apprendre des techniques d’autoprivation alimentaire; ils sont ainsi mieux outillés advenant des situations similaires à celles qui les auraient auparavant amenés à céder aux envies impérieuses et à l’hyperphagie.

 

Nous ne sommes pas sans ressources quand vient le temps d’aider des patients en surpoids ou obèses. Lorsque les patients se sentent honteux ou découragés, je leur réponds que leur passé était regrettable, mais que leur maladie est bien réelle et qu’elle n’a jamais été traitée.

 

Angle d’approche des chercheurs

 

Denis Richard, Ph. D.
Directeur de la recherche
Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (IUCPQ)
Titulaire de la Chaire de recherche sur l’obésité de l’Université Laval

 

Q. Que savons-nous sur l’interaction entre les circuits cérébraux, les signaux hormonaux et l’environnement dans les cas d’obésité?

 

R. On peut voir l’obésité comme un déséquilibre entre l’apport énergétique (prise alimentaire) et les dépenses énergétiques (activité physique et thermogenèse). Notre environnement obésogène, où sont vendus des aliments agréables au goût et à haute teneur énergétique et qui pave la voie à un mode de vie sédentaire, y contribue fortement tout comme certains facteurs génétiques liés à des traits de personnalité.

 

Les variations des réserves de graisse sont ressenties par l’encéphale. La régulation de la prise alimentaire et des dépenses énergétiques s’ajuste alors de façon à les aplanir, tout comme lorsqu’une baisse des réserves de graisse provoque une réduction de la synthèse de leptine, une hormone sécrétée par les adipocytes. Résultat : la prise alimentaire est stimulée et la dépense énergétique, réduite afin de rétablir les réserves de graisse au niveau qu’elles avaient auparavant.

 

Les circuits cérébraux interviennent dans la régulation de l’énergie : l’activation du système de la mélanocortine, dont la principale composante est le récepteur de la mélanocortine 4 (MC4R), freine la prise alimentaire et stimule la dépense énergétique, ce qui s’accompagne d’effets cataboliques. Nous savons que la perte de fonction du récepteur MC4R est associée à une obésité grave chez les humains et chez les animaux de laboratoire.

 

Fait important, certains des circuits cérébraux chargés du bilan énergétique intègrent aussi les renseignements transmis par l’environnement, comme les signaux alimentaires. Ces signaux, qui sont souvent annonciateurs de plaisir dans un milieu obésogène, affaiblissent la régulation homéostatique de la prise alimentaire grâce à leur ascendant sur les circuits hédoniques.

 

Ce système essentiellement cognitif comprend un circuit de « désir » motivationnel, essentiellement composé des neurones dopaminergiques qui forment la voie mésolimbique cérébrale. Ce circuit cérébral relie l’aire tegmentale ventrale au noyau accumbens. Le système hédonique comporte aussi un circuit chargé du tropisme (ou plaisir associé à la récompense), formé notamment de neurones des systèmes opioïdes et endocannabinoïdes concentrés dans le noyau accumbens.

 

Le système hédonique est un élément très important du circuit appétitif, qui peut favoriser l’hyperphagie même quand la satiété est atteinte (p. ex., une personne mange du dessert après avoir ingéré un repas principal qui l’a pourtant rassasiée). Comme les circuits cérébraux homéostatiques et cognitifs (récompense et fonctions d’exécution) sont interconnectés, les circuits hédoniques et ceux chargés des fonctions d’exécution subissent l’influence des variations dans les réserves énergétiques. La perte de gras amplifie les effets gratifiants des signaux alimentaires et affaiblit la discipline personnelle, ce qui ajoute à la difficulté des personnes obèses à maintenir le poids perdu.

 

Q. Pouvez-vous nous parler de certaines des réalisations de votre groupe de recherche dans ce domaine?

 

R. Nous nous sommes surtout concentrés sur la maîtrise neuronale et hormonale de la prise alimentaire et de la dépense énergétique dans les cas d’obésité en adoptant une démarche intégrée. Nous avons récemment publié un article sur deux molécules de l’encéphale intervenant dans le bilan énergétique, notamment une protéine, DEPTOR, intervenant dans la régulation du bilan énergétique (CARON, A., et al., J Comp Neurol, 2015; CARON, A., Mol Metab, 2016). Nous avons également décrit le rôle anorexigène et thermogène de l’ACBD7 (Acyl-CoA binding domain containing 7) ainsi que du peptide qui en dérive et que nous avons appelé « nonadécaneuropeptide » (NDN), un acteur important dans la régulation du bilan énergétique (LANFRAY, D., et al. eLife, 2016; LANFRAY, D. et RICHARD, D., Front Neurosci, 2017).

 

Quant à la chirurgie bariatrique, nous sommes à étudier les effets de la dérivation biliopancréatique sur le microbiote intestinal pour démontrer l’effet frappant qu’elle a sur le microbiote en le faisant passer d’un milieu où domine des clostridies avant l’intervention à un milieu dominé par Bifidobacteriales après (rat placebo) (MUKORAKO, P., et al., Obesity Week, Nashville, novembre 2018).

 

Mes collègues et moi avons récemment entrepris un programme de recherche de grande envergure au cours duquel nous nous servirons de l’imagerie par résonnance magnétique pour étudier les variations neuroanatomiques et neurocomportementales survenant après une intervention bariatrique. Nos premiers résultats nous ont appris que le volume de substance blanche augmente considérablement 4 mois après une telle intervention (MICHAUD, A., et al., Obesity Week, Nashville, novembre 2018).

Déclaration

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