Rhumatologie
Réunion Convergence de l’American College of Rheumatology (ACR) de 2020
Maîtrise prolongée de la PR : un agent ciblé à prise orale se montre durablement plus avantageux qu’un agent biologique
Réunion en ligne – Les données complémentaires tirées du suivi du programme SELECT présentées lors de la réunion Convergence de 2020 de l’ACR confirment qu’un inhibiteur sélectif des JAK permet de maîtriser efficacement, sûrement et durablement la polyarthrite rhumatoïde (PR). L’essai SELECT-COMPARE, qui a servi à comparer directement un inhibiteur des JAK de nouvelle génération à un inhibiteur du TNF, a révélé la persistance des taux de réponse et de rémission plus élevés au bout de 72 semaines de suivi. Analysées a posteriori, les données collectées à la 84e semaine d’essais de phase III confirment que l’efficacité de l’inhibiteur des JAK est à peu près la même qu’il soit utilisé seul ou avec un antirhumatismal de fond de synthèse classique. En outre, les radiographies prises durant ces essais montrent que l’atteinte structurelle a été inhibée pendant 2 ans.
Selon les données complémentaires d’un essai sur l’upadacitinib, les nouveaux inhibiteurs sélectifs des JAK à prise orale sont sûrs, efficaces et plus pratiques que les agents biologiques pour maîtriser la PR durablement. Au Canada, l’upadacitinib et le baricitinib se sont ajoutés depuis peu au tofacitinib, un inhibiteur non sélectif des JAK, pour le traitement de la PR mal maîtrisée par le méthotrexate. Lors d’un essai de phase III, ces deux agents se sont montrés plus efficaces que l’adalimumab, un inhibiteur du TNF, ce qui n’a pas été le cas du tofacitinib. Le baricitinib y est parvenu à la dose de 4 mg, qui n’a finalement pas été homologuée au pays, tandis que l’upadacitinib s’est montré supérieur à la dose quotidienne homologuée.
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L’avantage dure jusqu’à 72 semaines
Ce qu’il faut retenir du suivi prolongé de l’essai SELECT-COMPARE, c’est que « le rapport entre les bienfaits exercés par l’upadacitinib et les risques qu’il comporte est plus favorable que celui de l’adalimumab sur 72 semaines », selon le Dr Roy M. Fleischmann, professeur clinicien de rhumatologie, à l’École de médecine de l’Université du Sud-Ouest du Texas, à Dallas, et chercheur principal de cet essai maintenant publié (Fleischmann, R. et al. Arthritis Rheumatol 2019;71:1788-1800), qui a présenté de nouvelles données faisant état d’une maîtrise soutenue de la PR, voire plus grande au fil du temps, avec l’upadacitinib par rapport à l’adalimumab.
« Une proportion beaucoup plus forte de patients traités par l’upadacitinib que de patients ayant reçu l’adalimumab affichait une réponse ACR20, ACR50 et ACR70 à tous les intervalles de mesure entre la 12e et la 72e semaine », a dit le Dr Fleischmann (Figure 1).
« Une proportion beaucoup plus forte de patients traités par l’upadacitinib que de patients ayant reçu l’adalimumab affichait une réponse ACR20, ACR50 et ACR70 à tous les intervalles de mesure entre la 12e et la 72e semaine. »
Plus le paramètre évalué était exigeant, plus l’écart entre les deux agents se creusait. À preuve, la proportion de sujets affichant une réponse ACR20 était de 20,8 % plus forte avec l’upadacitinib qu’avec l’adalimumab (64 % vs 53 %; p < 0,01) et cet écart grimpait à 34,2 % pour la réponse ACR50 (51 % vs 38 %; p < 0,001) et à 52,0 % pour la réponse ACR70 (38 % vs 25 %; p < 0,001). À la 72e semaine, 28 % des sujets du groupe upadacitinib contre 17 % (p < 0,001) de ceux du groupe adalimumab étaient en rémission celle-ci étant définie par un indice CDAI (Clinical Disease Activity Index) inférieur à 2,8.
Lors de l’essai SELECT-COMPARE, 1629 sujets atteints de PR ayant répondu de façon insuffisante au méthotrexate ont été répartis aléatoirement en 3 groupes de façon à recevoir 15 mg d’upadacitinib une fois par jour par voie orale, 40 mg d’adalimumab par injection une semaine sur deux ou un placebo, en plus de leur dose stable de méthotrexate.
Taux de rémission plus élevé avec l’upadacitinib
L’avantage croissant au fil du temps de l’upadacitinib sur l’adalimumab, notamment pour les mesures plus strictes d’une maîtrise de la PR, a été corroboré par une autre analyse a posteriori de la durabilité de la réponse obtenue avec ces deux agents. Elle a surtout porté sur les patients en rémission, soit ceux ayant obtenu un indice CDAI de 2,8 ou moins ou un score DAS(CRP) inférieur à 2,6, et sur ceux dont la PR était peu active, celle-ci se définissant par un indice CDAI de 10 ou moins ou par un score DAS(CRP) de 3,2 ou moins. Au fil de temps, l’upadacitinib faisait toujours preuve d’une plus grande efficacité pour garder la réponse des patients à ces niveaux.
D’après le Dr Peter Nash, directeur de l’Unité de recherche en rhumatologie de l’Université Griffith de Brisbane, en Australie : « Une bonne proportion de sujets des deux groupes a répondu durablement au traitement pendant les 72 semaines, mais elle était tout le temps plus élevée avec l’upadacitinib ».
« La proportion de patients répondant durablement à l’upadacitinib était toujours plus élevée [que celle des patients traités par l’adalimumab] pendant les 72 semaines. »
Non seulement les écarts enregistrés pour tous ces paramètres étaient-ils continuellement plus grands, mais ils se creusaient de plus en plus au fil du temps. Par exemple, pour l’indice CDAI de 10 ou moins, il se chiffrait à 25,7 % à 3 mois (55,7 % vs 44,3 %) et à 39,1 % à 12 mois (46,3 % vs 34,0 %) (Figure 2). Les chercheurs ont noté que l’avantage relatif de l’upadacitinib croissait graduellement pour d’autres mesures de la maîtrise de la PR, dont les deux signant une rémission : un indice CDAI de 2,8 ou moins et un score DAS(CRP) inférieur à 2,6.
Ces écarts étaient considérables. Au bout de 12 mois, « 35,4 % des patients traités par l’upadacitinib contre 22,9 % étaient en rémission, leur score DAS(CRP) étant inférieur à 2,6 », a rapporté le Dr Nash.
Similitude de l’efficacité de la monothérapie et de l’association médicamenteuse
Lors de l’essai SELECT-COMPARE, l’upadacitinib et l’adalimumab ont été employés avec du méthotrexate comme traitement de fond. Or les données collectées pendant la phase de prolongation de longue durée des essais SELECT-MONOTHERAPY et SELECT-NEXT ont révélé que l’upadacitinib est pour ainsi dire aussi efficace lorsqu’il est employé seul. Ces deux essais comptaient un groupe upadacitinib à 30 mg, mais cette analyse a posteriori portait surtout sur deux paramètres d’évaluation, soit la rémission ou la faiblesse de l’activité pathologique à 84 semaines chez les 217 sujets traités par l’upadacitinib à 15 mg seulement et chez les 221 patients ayant reçu en plus un antirhumatismal de fond de synthèse classique.
« Qu’ils aient pris un antirhumatismal de fond de synthèse classique ou non, plus de la moitié des patients qui affichaient d’emblée un indice CDAI signant une rémission ou une faible activité de leur maladie l’ont conservé jusqu’à la dernière visite de suivi », a rapporté le Dr Arthur Kavanagh, professeur de médecine à l’Université de Californie à San Diego.
« Qu’ils aient pris un antirhumatismal de fond de synthèse classique ou non, plus de la moitié des patients qui affichaient d’emblée un indice CDAI signant une rémission ou une faible activité de leur maladie l’ont conservé jusqu’à la dernière visite de suivi ».
Les sujets ont eu des résultats similaires à tous les intervalles de mesure qu’ils aient été traités par de l’upadacitinib seulement ou avec un antirhumatismal de fond de synthèse classique. La proportion de ceux obtenant un indice CDAI de 10 ou moins, une mesure rendant compte d’une faible activité pathologique, était représentative (Figure 3). L’avantage de l’association formée avec un antirhumatismal de ce type n’était pas constant ni significatif pour ce paramètre, pas plus que pour l’autre mesure d’une faible activité pathologique [score DAS28(CRP) ≤ 3,2] ou pour les deux mesures d’une rémission [indice CDAI ≤ 2,8 ou score DAS(CRP) < 2,6].
Après analyse des données collectées jusqu’à la 84e semaine, « la durabilité de la réponse a semblé comparable que les patients aient pris ou non un antirhumatismal de fond de synthèse classique en plus de l’upadacitinib », a conclu le Dr Kavanagh.
Les patients confirment les résultats cliniques
Les avantages persistants de l’upadacitinib sur un inhibiteur du TNF mis au jour par les mesures de l’activité pathologique ont eu des échos dans le vécu des patients. Selon le Dr Fleischmann, les scores attribués à la douleur par les sujets de l’essai SELECT-COMPARE ont baissé peu à peu jusqu’à la 26e semaine tant dans le groupe upadacitinib que dans le groupe adalimumab. Alors que cette baisse s’est arrêtée là dans le groupe adalimumab, elle s’est poursuivie dans le groupe upadacitinib, lentement certes, mais assez pour que la réduction notée à la 72e semaine soit soutenue, uniforme et significative par rapport à l’adalimumab (‑37,5 vs -31,6; p < 0,01).
De plus, l’amélioration moyenne relative de l’indice HAQ-DI (Health Assessment Questionnaire Disability Index) observée au fil du temps était constamment à l’avantage de l’upadacitinib, l’écart étant toujours significatif à la 72e semaine (p < 0,01), a-t-il ajouté.
Un risque faible à long terme
Le suivi de 72 semaines n’a pas mis au jour de nouveaux problèmes d’innocuité. « Les effets indésirables ayant motivé l’abandon du traitement et les effets indésirables graves étaient plus nombreux dans le groupe adalimumab que dans ceux ayant reçu du méthotrexate », a signalé le Dr Fleischmann. Le calcul de l’incidence des effets indésirables pour 100 années-patients a montré que les cas de zona étaient plus fréquents dans le groupe upadacitinib (3,1 vs 1,2), mais que les thromboembolies veineuses (0,3 vs 1,0) et les incidents cardiovasculaires majeurs l’étaient moins (0,4 vs 0,6).
Une analyse plus approfondie des données d’innocuité collectées chez plus de 4000 participants à cinq essais de phase III SELECT a corroboré la tolérabilité et l’innocuité à long terme de l’inhibiteur sélectif des JAK. On y apprend que le risque d’effets indésirables était plus élevé chez ceux traités par l’upadacitinib à 30 mg que chez ceux ayant reçu la dose de 15 mg dose, mais « les taux ajustés en fonction de l’exposition calculés pour les effets indésirables graves et ceux ayant motivé l’abandon du traitement chez les patients traités par l’upadacitinib à 15 mg étaient comparables à ceux calculés chez les patients ayant reçu du méthotrexate seulement, ou avec de l’adalimumab », a affirmé le Dr Stanley B. Cohen, professeur clinicien de rhumatologie, au Centre médical de l’Université du Sud-Ouest du Texas, à Dallas.
L’exception qui tranchait le plus a été le zona qui était plus fréquent dans les groupes upadacitinib à 15 et à 30 mg par rapport aux agents actifs de comparaison. Dans le groupe à 15 mg, 95 % de ces infections n’ont pas été jugées graves. Les infections étaient plus répandues chez les sujets asiatiques et chez ceux de 50 ans et plus, mais l’utilisation de stéroïdes n’a pas été reliée à une hausse du risque.
De l’avis du Dr Cohen, en général, aucun nouveau problème ne s’est dégagé du bilan d’innocuité dressé pendant cette analyse actualisée chez les patients exposés à l’upadacitinib pendant longtemps, certains étant traités par cet agent depuis trois ans.
Inhibition de l’évolution visible à la radiographie
Si l’on se fie aux données radiographiques, il serait bon de recourir rapidement à l’upadacitinib chez les patients dont la PR est mal maîtrisée par les antirhumatismaux de fond de synthèse classiques. Lors de l’essai SELECT-COMPARE, la comparaison des patients recevant de l’adalimumab en continu et de ceux prenant 15 mg d’upadacitinib en continu a révélé que la PR avait moins progressé à 6 mois, à 1 an et à 2 ans chez ces derniers (Figure 4). Une protection similaire a été observée pendant l’essai SELECT-EARLY où l’upadacitinib utilisé seul a été comparé au méthotrexate chez des sujets n’ayant jamais pris ce dernier, mais qui risquaient fort de voir leur atteinte articulaire évoluer.
« À 2 ans, 88,7 % des sujets affectés aléatoirement à l’upadacitinib à 15 mg contre 76,3 % de ceux affectés au méthotrexate ne montraient aucun signe d’évolution à la radiographie », a dit le Dr Charles G. Peterfy, radiodiagnosticien affilié à Spire Sciences de Boca Raton, en Floride. La comparaison des résultats obtenus pour certains paramètres d’évaluation, comme le pincement de l’interligne articulaire et le score d’érosion, a révélé qu’il n’y avait pour ainsi dire aucune variation moyenne entre la première et la deuxième année dans le groupe upadacitinib, alors que les lésions s’étaient aggravées de près de 50 % dans le groupe méthotrexate.
« À 2 ans, 88,7 % des sujets affectés aléatoirement à l’upadacitinib à 15 mg contre 76,3 % de ceux affectés au méthotrexate ne montraient aucun signe d’évolution à la radiographie. »
Nouvelles données de l’essai SELECT-CHOICE
Lors de l’essai SELECT-CHOICE publié quelques semaines avant la réunion Convergence de 2020 de l’ACR (Rubbert-Roth, A. et al. N Engl J Med 2020;383:1511-1521), l’upadacitinib à prise orale s’est montré supérieur à l’abatacept chez des patients atteints de PR réfractaire aux antirhumatismaux de fond biologiques. Or ces nouvelles données confirment que cette supériorité pour les mesures cliniques de la maîtrise de la PR s’est traduite par de plus grandes améliorations à 12 semaines aux dires des patients.
Ces améliorations étaient « particulièrement marquées pour les domaines clés que sont le fonctionnement physique, la douleur et l’état de santé général », a affirmé le Dr Martin Bergman, de la Division de rhumatologie, du Collège de médecine de l’Université Drexel, à Philadelphie. Il a ajouté que l’amélioration de l’indice HAQ-DI s’est manifestée plus tôt chez les patients affectés à l’upadacitinib qu’à l’abatacept.
L’efficacité de l’upadacitinib dans les cas de PR réfractaire aux antirhumatismaux de fond biologiques laisse entrevoir un rôle croissant pour cet agent à prise orale au sein d’une population difficile à traiter. Selon le Dr Bergman, un suivi de plus longue durée s’impose pour établir encore plus solidement son rôle chez les patients qui répondent peu aux agents biologiques.
Conclusion
Les inhibiteurs sélectifs des JAK apparaissent de plus en plus comme une solution de rechange aux inhibiteurs de TNF pour le traitement des formes modérées ou graves de PR. Les données sur l’upadacitinib recueillies sur de longues périodes confirment que cet agent est plus avantageux — et de façon durable — que l’adalimumab pour les paramètres d’évaluation clinique principaux tels que la maîtrise de la PR et la protection contre l’aggravation des lésions visibles à la radiographie. En outre, aucun problème d’innocuité jusqu’alors inconnu ne s’est manifesté. Compte tenu des données probantes selon lesquelles l’upadacitinib est pratiquement aussi efficace qu’il soit employé seul ou avec des antirhumatismaux de fond de synthèse classique, force est de constater que cet agent à prise orale offre une option de traitement simple et bien tolérée pour les cas de PR difficiles à traiter.