Cardiologie
Réunion annuelle de l’European Heart Rhythm Association (EHRA) de 2021
Registre ETNA-AF : tous les patients atteints de FA, même les patients âgés fragiles, bénéficient des effets positifs des NACO
Conférence en ligne – Les données à 2 ans du registre mondial ETNA-AF confirment le rapport remarquablement favorable et uniforme entre les bienfaits d’un anticoagulant à prise orale qui n’est pas un antagoniste de la vitamine K (NACO) et les risques qu’il comporte dans tous les groupes de patients atteints de fibrillation auriculaire (FA). Dans le volet européen de ce registre, qui compte à lui seul plus de 13 000 patients, le faible taux d’AVC était assorti d’un taux faible de saignement majeur, même chez les patients âgés fragiles. Tout comme ceux de l’essai ENGAGE AF-TIMI 48 qui a porté sur ce NACO, ces résultats ne surprennent pas, mais ils légitiment l’actualisation récente des lignes directrices canadiennes qui préconisent désormais de prescrire des NACO à la plupart des patients âgés fragiles atteints de FA.
Selon le Dr Joris R. de Groot, Chef du Service d’électrophysiologie clinique du Centre médical d’Amsterdam, aux Pays-Bas, ces données à 2 ans corroborent les taux d’AVC et de saignement majeur uniformément bas obtenus avec l’édoxaban, un NACO, et étayent celles recueillies à 1 an dans un important registre de pratique clinique portant sur cet agent. Tirés du registre européen comptant 13 417 patients et de l’ensemble des 27 617 patients du programme mondial ETNA-AF, ces taux se font l’écho du rapport favorable constaté lors de l’essai phare ENGAGE AF-TIMI 48 entre les bienfaits de l’édoxaban et les risques qu’il comporte (Tableau 1).
Les effets positifs des NACO varient d’un essai à l’autre
L’essai ENGAGE AF-TIMI 48 est l’un des 4 essais de non-infériorité qui aient opposé un NACO à la warfarine et grâce auxquels les NACO sont devenus la méthode de prévention des AVC à privilégier dans la plupart des cas de FA selon les lignes directrices d’importance, y compris celles récemment actualisées de la Société canadienne de cardiologie et de la Société canadienne de rythmologie (SCC/CHRS) (Andrade, J.G. et al. Can J Cardiol 2020;36:1847-1948). Si on considère les essais individuellement, les NACO n’ont pas tous eu un avantage significatif sur la warfarine en matière d’innocuité, notamment chez les personnes âgées (Figure 1), mais une tendance généralement favorable se dessinait du côté du rapport entre les bienfaits et les risques de ces agents. Autre avantage : ils sont administrés sans surveillance thérapeutique.
Le paramètre d’évaluation principal composé de l’AVC et de l’embolie générale utilisé pendant de l’essai ENGAGE AF‑TIMI 48 a permis de constater que l’édoxaban n’était pas inférieur à la warfarine (RRI : 0,79; p < 0,001 pour la non-infériorité) à ce chapitre. Cet agent a en outre abaissé de 13 % le risque (RRI : 0,87; p = 0,005) enregistré pour le paramètre d’évaluation composé de l’AVC, de l’embolie générale et du décès d’origine cardiovasculaire. Fait tout aussi important, l’édoxaban a été relié à un risque 20 % plus faible (RRI : 0,80; p < 0,001) de saignement majeur, le principal paramètre d’évaluation de l’innocuité.
Les données tirées du registre mondial ETNA-AF, une volumineuse base de données issues de la pratique clinique, sont venues corroborer que cette efficacité et cette innocuité se maintiennent pendant 2 ans.
Doses recommandées versus doses déconseillées
Le respect de ce traitement simple parce qu’uniquotidien expliquerait en partie ces résultats. En effet, à 2 ans, 83 % des patients prenaient la dose recommandée, soit 30 mg pour les patients dont la fonction rénale est affaiblie (< 50 mL/min) ou affichant un faible poids corporel (£ 60 kg) et 60 mg pour tous les autres. Selon l’analyse détaillée présentée par le Dr de Groot, le risque d’AVC ou de saignement était à peine plus élevé chez les patients prenant la dose de 60 mg, alors qu’ils auraient dû prendre celle de 30 mg et vice versa, mais cette adhésion soutenue de plus de 80 % n’est probablement pas étrangère aux taux annualisés d’AVC et de saignement majeur respectivement inférieurs à 1,2 % et à 2,0 %, peu importe la dose administrée à 2 ans.
Le rapport favorable entre les bienfaits de l’édoxaban et les risques qu’il comporte était constant d’une population stratifiée en fonction d’une région à l’autre ou de l’âge. Le registre mondial ETNA-AF comptait 11 330 Japonais et 2870 Coréens ou Taïwanais en plus des patients européens. Évaluée d’après le taux annualisé d’AVC ischémique, l’efficacité de l’édoxaban chez les patients du registre européen ETNA-AF s’est révélée similaire, voire supérieure numériquement parlant, à celle observée chez ceux du registre mondial ETNA‑AF (0,51 % vs 0,74 %). C’était aussi vrai pour les saignements majeurs (0,97 % vs 1,02 %) et les hémorragies cérébrales (0,2 % vs 0,29 %), même si les taux de ces manifestations défavorables calculés pour toutes les cohortes étaient d’une faiblesse saisissante.
« Le rapport favorable entre les bienfaits de l’édoxaban et les risques qu’il comporte était constant d’une population stratifiée en fonction d’une région à l’autre ou de l’âge. »
La comparaison des résultats obtenus chez les patients du registre mondial ETNA-AF âgés de moins de 65 ans, de 65 à moins de 75 ans, de 75 à moins de 85 ans et de 85 ans et plus a fait ressortir des taux annualisés plus élevés de saignement et d’AVC à un âge plus avancé, ce qui était à prévoir compte tenu de la hausse graduelle du score CHA2DS2-VASc à chaque groupe d’âge, passant de 1,1 chez les patients de moins de 65 ans à 4,4 chez ceux âgés de 85 ans ou plus, d’après la Dre Doralisa Morrone, chercheuse-experte de l’Université de Pise en Italie.
Le registre mondial ETNA-AF ne compte aucun témoin. Toutefois, il est ressorti de l’essai ENGAGE AF-TIMI 48 que l’édoxaban avait affaibli la croissance des taux d’AVC et de saignement majeur observée avec le vieillissement par rapport à la warfarine. Résultat : l’édoxaban a marqué un avantage absolu encore plus prononcé chez les patients âgés que chez les plus jeunes comparativement à la warfarine.
Les patients âgés fragiles pourraient être ceux qui en bénéficient le plus
« Dans une analyse prévue au protocole de l’essai ENGAGE AF-TIMI 48, nous avons été en mesure de démontrer les patients âgés fragiles avaient bénéficié d’une réduction plus importante des taux de saignement et de décès toutes causes confondues que ceux qui l’étaient pas », a rapporté le Dr Jan Steffel, de la Division des services d’électrophysiologie et de cardiologie, du Centre universitaire de cardiologie de Zurich, en Suisse. S’appuyant sur une sous-étude de l’essai ENGAGE AF-TIMI 48 au cours de laquelle le risque de chute a servi de paramètre de substitution à la fragilité (Steffel, J. et al. J Am Coll Cardiol. 2016;68:1169-1178), le Dr Steffel a souligné que ni l’âge ni la fragilité ne devrait justifier que l’on renonce au traitement par un NACO.
Une idée préconçue veut que les AVC soient causés par la maladie sous-jacente et les saignements, par le traitement. Or c’est non seulement faux, c’est insignifiant, selon le Dr Leon Dinshaw, du Départment de cardiologie de l’Université de Hambourg, en Allemagne. Il a ajouté : « Le registre mondial ETNA-AF montre bien que l’édoxaban est à la fois sûr et efficace pour prévenir les AVC chez les patients atteints de FA. ».
Conclusion
Les données à 2 ans obtenues en pratique clinique chez plus de 27 000 patients et consignées dans le registre mondial ETNA-AF ont mis au jour les mêmes taux d’AVC et de saignement obstinément bas que ceux qui avaient été rapportés à 1 an. Dans le registre européen ETNA-AF, 83 % des 13 417 patients prenaient la dose recommandée. Cela dit, l’efficacité et l’innocuité du médicament sont restées relativement intouchées parmi ceux qui prenaient une dose plus élevée ou plus faible que celles qui sont préconisées. Même si les participants âgés à l’essai ENGAGE AF-TIMI 48 étaient plus exposés aux incidents, ceux qui ont été traités par l’édoxaban ont été ceux qui ont bénéficié de la plus forte réduction du risque relatif par rapport à ceux ayant reçu de la warfarine.