oncologie
Réunion annuelle de l'American Society of Clinical Oncology (ASCO) de 2011
Des essais cliniques de Phase III redéfinissent le traitement optimal des cancers du tube digestif
Chicago – Plusieurs études d’envergure, y compris celles ayant fait l’objet de présentations de dernière heure lors de la réunion annuelle de 2011 de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO), ont permis de peaufiner les traitements standard actuellement opposés aux cancers du tube digestif. Notons que plusieurs agents ont refait surface au sein de schémas thérapeutiques agissant efficacement dans diverses parties du tube digestif. Les nouvelles données révèlent que les agents ciblés, tels que les anticorps monoclonaux (AcM) et les inhibiteurs de la tyrosine kinase, peuvent effectivement avoir un rôle à jouer dans certaines populations, mais, fait encore plus remarquable, elles confirment l’utilité des agents cytotoxiques. Dans l’ensemble, les innovations apportées semblent davantage tabler sur les atouts des schémas thérapeutiques standard actuels, tels que le protocole FOLFOX (leucovorine, 5-fluorouracile et oxaliplatine) dans le cancer du côlon, que sur le remplacement de ces stratégies. Deux des études les plus importantes concernant la direction prise à l’heure actuelle par les traitements de pointe ont été menées sur fond de traitement adjuvant contre le cancer du côlon, mais de nouvelles données d’un grand intérêt ont aussi été recueillies pour ce qui est du traitement préopératoire du cancer du rectum.
Les présentations de dernière heure à la réunion de l’ASCO sont chargées de promesses
L’étude de Phase III CLASSIC, qui a fait l’objet d’une présentation de dernière heure lors de la réunion annuelle de 2011 de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO), était au nombre d’une série d’études susceptibles d’entraîner des modifications aux normes thérapeutiques. Elle avait pour objectif de prolonger la survie des patients atteints d’un cancer de l’estomac opérable au moyen d’un traitement adjuvant. Pour l’heure, les taux de récidive oscillent entre 40 et 80 % après curage de type D2, même lorsque les berges chirurgicales sont suffisantes. Lors de cette étude multinationale, 1035 patients ont été répartis au hasard de façon à ne recevoir aucun traitement adjuvant ou 8 cycles du protocole XELOX (capécitabine à 1000 mg/m2 2 f.p.j. du jour 1 au jour 14 toutes les 3 semaines et de l’oxaliplatine à 130 mg/m2 le jour 1 toutes les 3 semaines) après un curage de type D2. Les résultats préliminaires ont incité le comité chargé des données et du contrôle de l’innocuité à recommander la publication d’un premier rapport.
Pour l’heure, les taux de récidive oscillent entre 40 et 80 % après curage de type D2, même lorsque les berges chirurgicales sont suffisantes.
« L’étude CLASSIC montre qu’à la suite d’un curage de type D2, le protocole XELOX employé comme traitement adjuvant est plus efficace que la surveillance utilisée seule », a affirmé le Dr Yung-Jue Bang, du Collège de médecine de l’Université nationale de Séoul, en Corée. Les sujets ne sont pas suivis depuis assez longtemps pour qu’un effet positif ait été démontré du côté de la survie globale (SG). Il n’en demeure pas moins qu’un bienfait significatif est effectivement ressorti en faveur du protocole XELOX comme traitement adjuvant pour ce qui est de la survie sans récidive de la maladie (SSRM), le paramètre d’évaluation principal, et « ce bienfait a été observé indépendamment du stade du cancer. » Lors de cette étude, la maladie d’environ la moitié des patients en était au stade II, celle d’un peu plus du tiers des sujets avait atteint le stade IIIA, tandis qu’elle avait évolué jusqu’au stade IIIB chez presque tous les autres. L’atteinte ganglionnaire était de classe N1-2 chez environ 90 % des patients et N0 chez les autres. Près de la moitié des curages ont été effectués dans l’antre pylorique, les autres ayant été majoritairement réalisés dans l’estomac lui-même. Les patients, qui étaient admissibles s’ils ne présentaient aucune tumeur macroscopique ou microscopique consécutivement à l’opération chirurgicale, devaient avoir un indice de Karnofsky d’au moins 70 % et se prêter au processus de répartition aléatoire dans les six semaines suivant l’intervention. L’écart entre les taux de récidive était important : 30,1 % dans le groupe sous surveillance et 18,1 % dans celui ayant suivi le protocole XELOX. Cela s’est traduit par une SSRM de 74 % pour le protocole XELOX comparativement à 60 % pour la surveillance, d’où une réduction du risque relatif de 44 % (RRI : 0,56; IC à 95 % : de 0,44 à 0,72; p < 0,0001) (Fig. 1). Les réductions relatives des taux de récidive étaient très semblables et significatives sur le plan statistique pour tous les stades de la maladie et après stratification des patients en fonction de l’âge (65 ans et plus ou plus jeune). Les sous-groupes n’ont pas tous profité d’un bienfait significatif sur le plan statistique, mais ils ont tous montré des tendances dans la bonne direction.
Le protocole XELOX a été assez bien toléré, puisqu’il n’a provoqué aucun effet indésirable inattendu. Le nombre médian de cycles administrés a correspondu au nombre de cycles prévus.
Le protocole XELOX a été assez bien toléré, puisqu’il n’a provoqué aucun effet indésirable inattendu. Le nombre médian de cycles administrés a correspondu au nombre de cycles prévus. Seulement 8,9 % des cycles comprenant de la capécitabine et aucun de ceux renfermant de l’oxaliplatine ont dû être interrompus. L’intensité de la dose médiane, soit la proportion de médicament reçu par rapport à la proportion prévue, s’élevait à 85 % pour la capécitabine et à 98 % pour l’oxaliplatine (Tableau 1). Si les effets toxiques de grades 3 ou 4 ont été plus fréquents avec le protocole XELOX que dans les groupes sous surveillance (54 % vs 6 %), il convient de préciser qu’un pourcentage appréciable de ces effets était imputable à une neutropénie ou à une thrombocytopénie (30 % vs 0 %). Tous les autres effets toxiques de grade 3 ou plus, tels que les nausées (8 %) et la diarrhée (2 %), sont survenus chez moins de 10 % des sujets traités à l’aide du protocole XELOX. Fait remarquable, après calcul des totaux numériques, la protection contre les récidives était constante pour tous les sièges tumoraux, qu’ils aient été locorégionaux (23 vs 44), péritonéaux (48 vs 58) ou à distance (44 vs 78). Le suivi des patients se poursuivra aux fins d’évaluation des bienfaits pour la survie. Jusqu’à maintenant, le protocole XELOX a été relié à une réduction de 26 % des décès, mais il s’agit d’une tendance non significative (RRI : 0,74; IC à 95 % : de 0,53 à 1,03; p = 0,0775). Bien que des bienfaits pour la survie s’imposent généralement pour qu’un nouveau traitement devienne la norme en oncologie, le Dr Bang a tenu à préciser que ces données, qui « confirment l’utilité du protocole XELOX comme traitement adjuvant du cancer de l’estomac » ont déjà entraîné des modifications dans les façons de faire de l’établissement où il pratique. La constance des bienfaits observés à tous les stades de la maladie lors de l’étude CLASSIC est rassurante. En effet, une certaine controverse entourait la possibilité que les bienfaits exercés par l’oxaliplatine en traitement adjuvant ne se voient à peu de choses près que chez les patients très exposés. Durant la réunion de l’ASCO, une présentation sur les données recueillies pendant quatre études du projet intitulé National Surgical Adjuvant Breast and Bowel Project (NSABP), auxquelles ont participé plus de 8500 patients atteints d’un cancer du côlon, nous a appris que l’ajout d’oxaliplatine à une association formée de 5-fluorouracile et de leucovorine a semblé exercer un bienfait légèrement moins prononcé dans les cas de cancer au stade II qu’au stade III. Cela dit, tant l’investigateur principal de cette étude, le Dr Greg Yothers, du Département de biostatistique de l’Université de Pittsburgh, en Pennsylvanie, que le Dr Howard S. Hochster, Directeur du Centre de traitement des cancers du tube digestif, de l’Université Yale, à New Haven, au Connecticut, qui avait été invité par l’ASCO à discuter de cette présentation et de plusieurs autres, ont affirmé qu’un éventuel lien entre l’oxaliplatine et le stade de la maladie était improbable et que rien ne le confirmait. Ils soupçonnent plutôt que les bienfaits moins prononcés observés dans les cas de cancer de stade II s’expliqueraient autrement, notamment par une puissance statistique insuffisante et une forte mortalité ayant d’autres causes que le cancer. Reconnaissant que les grands intervalles de confiance ont empêché de franchir le seuil de la signification statistique, le Dr Hochster a effectivement souligné qu’à la lumière des améliorations médianes enregistrées au chapitre des rapports des risques instantanés « l’oxaliplatine a eu, dans l’ensemble, un effet important dans les cas de cancer de stades II et III pour ce qui est de la SG, de la SSRM et du délai écoulé avant la récidive ». Laissant entendre que les effets toxiques des schémas chimiothérapiques musclés ne se justifient peut-être pas chez les patients atteints d’un cancer de stade II peu exposés, il a tout de même ajouté qu’un faisceau important d’arguments, y compris les données issues des études du NSABP, porte à croire que les cliniciens devraient « envisager d’avoir recours au protocole FOLFOX chez les patients atteints de cancer du côlon de stade II particulièrement vulnérables après en avoir discuté [avec eux] ».
L’étude AVANT : des données décevantes
Dans les cas de cancer du côlon, la chimiothérapie adjuvante consécutive au curage est la norme depuis longtemps. À preuve, les nombreuses études prévues ou en cours qui tablent sur les schémas thérapeutiques établis. L’essai le plus récent, un autre essai multinational de Phase III intitulé AVANT, a servi à vérifier la capacité du bevacizumab, un AcM, de prolonger la SSRM obtenue avec les protocoles FOLFOX 4 et XELOX. Or, les résultats ont été décevants. En effet, les résultats de la deuxième analyse, qui ont été présentés lors de la réunion annuelle de l’ASCO de 2011, ne sont pas plus prometteurs que ceux qui avaient été exposés dans le cadre du symposium sur les cancers gastro-intestinaux organisé en janvier dernier par cette même association. Du point de vue statistique, il n’y a eu aucune différence entre les volets de l’étude, quoique les sujets traités avec le bevacizumab ont eu tendance à moins bien s’en tirer. « Même les analyses des sous-groupes ne nous ont pas laissés entrevoir un avantage quelconque pour le bevacizumab, mais il se peut que les études sur les biomarqueurs effectuées à partir des tissus prélevés nous en apprennent plus », a affirmé le Dr Thierry André, de l’Hôpital Pitié-Salpêtrière de Paris, en France. Compte tenu de l’hypothèse de départ, selon laquelle le bevacizumab aurait entraîné une prolongation de la SSRM, le Dr André a qualifié cette étude de « négative ». Lors de l’étude AVANT, 3541 patients atteints d’un cancer du côlon de stade II ou III très exposés ont été répartis au hasard de manière à suivre pendant six mois, soit le protocole FOLFOX 4 (85 mg/m2 d’oxaliplatine le jour 1 avec en concomitance 200 mg/m2/jour de leucovorine, suivi d’un bolus de 400 mg/m2 de 5-fluorouracile, puis de 600 mg/m2 de 5-fluorouracile administré en 22 heures par perfusion pendant deux journées consécutives, les cycles se répétant toutes les 2 semaines), soit le protocole FOLFOX 4 allié au bevacizumab administré une fois par semaine, soit le protocole XELOX associé au bevacizumab administré une fois par semaine aussi. En plus du paramètre d’évaluation principal, cette étude comportait des analyses secondaires sur la SG et l’innocuité des traitements. Au terme d’un suivi médian de 48 mois, c’est le protocole FOLFOX 4 utilisé seul qui s’est traduit par la meilleure SSRM. Par comparaison, le protocole FOLFOX 4 allié au bevacizumab a produit une réduction de 17 % de la SSRM, la différence n’étant pas significative sur le plan statistique (RRI : 1,17; IC à 95 % : de 0,98 à 1,39), tandis que le protocole XELOX associé au bevacizumab a entraîné une diminution de 7 % de ce paramètre, la différence étant encore une fois non significative sur le plan statistique (RRI : 1,07; IC à 95 % : de 0,90 à 1,28). Lorsqu’ils ont été évalués en fonction du délai écoulé avant la récidive, l’avantage du protocole FOLFOX 4 numériquement parlant s’est maintenu tout au long de l’étude. Les chercheurs n’ont noté aucune différence de la SSRM selon les stades de la maladie. Envisagées dans l’optique du délai écoulé avant la récidive ou de l’apparition d’une nouvelle tumeur suivie du décès, les mêmes tendances se sont dessinées. Qui plus est, l’analyse provisoire de la SG a fait ressortir un léger avantage statistique pour le protocole FOLFOX 4 par rapport au même protocole allié au bevacizumab (RRI : 1,31; IC à 95 % : de 1,03 à 1,67; p < 0,05) (Fig. 2). « Pourquoi le bevacizumab s’est-il montré inefficace? », a demandé le Dr Hochster. Il a émis l’hypothèse que les caractéristiques qui font qu’un traitement adjuvant est efficace sont probablement différentes de celles d’un agent qui s’est révélé utile contre les formes métastatiques de la maladie et contre lesquelles le bevacizumab s’est justement montré actif. Le Dr Hochster a précisé que cette étude jette les bases d’une nouvelle réflexion sur le rôle des AcM dans les différents stades du cancer du côlon.
L’étude PRIME : des données prometteuses
Cependant, ces données ne viennent pas amoindrir l’intérêt possible des AcM dans le traitement du cancer colorectal (CCR) métastatique. Lors d’une autre étude multicentrique de Phase III intitulée PRIME, l’ajout de panitumumab, un AcM, au protocole FOLFOX 4 a effectivement permis d’obtenir des améliorations significatives de la survie sans progression de la maladie (SSPM) et de constater une tendance positive au chapitre de la SG chez les patients porteurs du gène KRAS de type sauvage. Cela dit, chez les patients porteurs du gène KRAS mutant, le protocole FOLFOX 4 s’est révélé plus efficace s’il était utilisé seul que s’il était allié au panitumumab.
« Selon les résultats de l’analyse finale de l’étude PRIME, le panitumumab allié au protocole FOLFOX 4, comparativement à ce dernier utilisé seul, a produit une amélioration de la SSPM significative sur le plan statistique, une tendance vers la prolongation de la SG et une hausse statistiquement significative du taux de réponse chez les porteurs du gène KRAS de type sauvage. »
« Selon les résultats de l’analyse finale de l’étude PRIME, le panitumumab allié au protocole FOLFOX 4, comparativement à ce dernier utilisé seul, a produit une amélioration de la SSPM significative sur le plan statistique, une tendance vers la prolongation de la SG et une hausse statistiquement significative du taux de réponse chez les porteurs du gène KRAS de type sauvage », a déclaré le Dr Jean-Yves Douillard, Chef du Département d’oncologie médicale, au Centre René Gauducheau, à Saint-Herblain, en France. Dans le cadre de cette étude, 1183 patients atteints d’un CCR métastatique non traité auparavant et ayant un indice fonctionnel ECOG de 2 ou moins ont été répartis au hasard en deux groupes : protocole FOLFOX 4 ou protocole FOLFOX 4 et panitumumab. Contrairement au bevacizumab, qui se lie au facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (VEGF), le panitumumab cible les récepteurs du facteur de croissance épidermique (EGFr). Il était prévu de stratifier les patients en fonction du portage du gène KRAS de type sauvage ou muté aux fins d’analyse de l’efficacité. Pour ce qui est des porteurs du gène KRAS de type sauvage, la SSPM s’est améliorée de 20 % chez les patients du groupe panitumumab et protocole FOLFOX 4 comparativement aux sujets du groupe protocole FOLFOX 4 seulement (RRI : 0,80; IC à 95 % : de 0,67 à 0,95; p = 0,01) au terme d’une période de suivi ayant pu durer jusqu’à 44 mois. En ce qui concerne les porteurs du gène KRAS muté, les chercheurs ont constaté une diminution de 27 % de la SSPM dans le groupe panitumumab et protocole FOLFOX 4 par rapport au groupe protocole FOLFOX 4 seulement (RRI : 1,27; IC à 95 % : de 1,04 à 1,55; p = 0,02). En restreignant l’analyse à la période de traitement, on constate que ces écarts sont légèrement plus prononcés. Des tendances similaires se sont dessinées pour la SG, mais ni l’amélioration relative de 12 % (RRI : 0,88; IC à 95 % : de 0,73 à 1,06; p = 0,17) ni l’aggravation de 17 % (RRI : 1,17; IC à 95 % : de 0,95 à 1,45; p = 0,15) observées avec l’AcM associé à la chimiothérapie versus la chimiothérapie employée seule chez les porteurs du gène KRAS de type sauvage ou muté respectivement, n’était significative sur le plan statistique. (Tableau 2) Les nouvelles études de Phase III sur le traitement des cas avancés de cancer du rectum localisé font beaucoup appel aux agents qui se sont révélés efficaces contre le cancer du côlon. Au cours de l’étude multicentrique allemande CAO/ARO/AIO-04, 637 patients atteints d’un cancer du rectum de stade II ou III situé à moins de 12 cm de la marge de l’anus ont été répartis au hasard en deux groupes de traitement. Dans le 1er groupe, les patients subissaient des traitements de chimio-irradiation préopératoires, une intervention chirurgicale, puis un traitement adjuvant reposant sur l’administration de 5-fluorouracile (250 mg/m2 des jours 1 à 14, puis des jours 22 à 35). Dans le 2e groupe, les patients recevaient des traitements de chimio-irradiation ainsi que du 5-fluorouracile et de l’oxaliplatine (50 mg/m2, les jours 1, 8, 22 et 29) avant d’être opérés, puis se prêtaient à 8 cycles de chimiothérapie adjuvante fondée sur le protocole FOLFOX 6 modifié (perfusion de 100 mg/m2 d’oxaliplatine et de 400 mg/m2 de leucovorine en 2 heures le jour 1, puis administration d’un bolus de 400 mg/m2 le jour 1, suivie d’une perfusion de 2,4 g/m2 sur 46 heures). La période de suivi ne dure pas depuis assez longtemps pour permettre l’étude du paramètre d’évaluation principal, soit la SSRM, mais les taux de réponse complète sur le plan pathologique se sont révélés significativement supérieurs dans le groupe de sujets traités par l’oxaliplatine (17,6 % vs 13,1 %; p = 0,033). Partant de la présomption que ce schéma permet effectivement d’obtenir de meilleurs résultats, il est important de souligner que l’ajout de l’oxaliplatine ne s’est pas traduit par une multiplication des effets indésirables. Selon le Dr Claus Rödel, du Département de radiothérapie de l’Université d’Erlangen, en Allemagne, des effets toxiques de grades 3 ou 4 préopératoires sont survenus chez 21,6 % des sujets du 1er groupe et chez 22,9 % de ceux du 2e groupe. Dans l’ensemble, la fréquence des complications postopératoires était pratiquement identique dans les deux groupes (21,0 % et 21,9 %). Le Dr Rödel a affirmé que l’ajout de l’oxaliplatine a été bien toléré, mais a admis qu’il faudra attendre que le suivi ait duré plus longtemps pour compléter les analyses. Cela dit, d’après le Dr Robert Glynne-Jones, du Centre d’oncologie Mount Vernon, de Northwood, au R.-U., qui avait été invité par l’ASCO à participer à la discussion, ce protocole suscite énormément d’enthousiasme et d’optimisme parce qu’il permettra peut-être de réaliser des progrès considérables dans la maîtrise de la maladie. Qualifiant cette étude d’absolument fantastique, le Dr Glynne-Jones s’est dit impressionné par l’assurance de la qualité ayant présidé à l’exérèse totale du mésorectum et qui s’est traduite par l’obtention de bons résultats opératoires chez près de 75 % des patients, par l’évaluation pathologique « éblouissante » d’un nombre médian de 15 ganglions lymphatiques dans chaque groupe et enfin, par le taux de 60 % de traitements préopératoires menés à terme au moyen de doses complètes de radiation, de l’oxaliplatine et du 5-fluorouracile. Le seul problème si, comme prévu, nous obtenons un effet positif sur la SSRM pourrait être de « savoir lequel des agents entre l’oxaliplatine et le 5-fluorouracile administré comme adjuvant ou avant l’opération, a eu la plus forte influence. Il faudra donc tout adopter en bloc », a affirmé le Dr Glynne-Jones. D’autres nouvelles données non pas des moins importantes pour le tube digestif ont été présentées lors de la réunion de l’ASCO de 2011. Elles proviennent d’une étude de Phase III qui a permis de mettre au jour une différence entre deux schémas chimiothérapiques palliatifs utilisés chez les patients atteints d’un cancer métastatique inopérable des voies biliaires. Pour cette étude, 268 patients ont été répartis au hasard de manière à suivre le protocole GEMOX seulement (1000 mg/m2 de gemcitabine et 100 mg/m2 d’oxaliplatine par jour pendant 2 semaines) ou avec 100 mg d’erlotinib, un inhibiteur de la tyrosine kinase. Les patients étaient admissibles s’ils étaient atteints d’un adénocarcinome métastatique, inopérable et confirmé par histopathologie des voies biliaires (AVB), de l’ampoule de Vater ou de la vésicule biliaire, et s’ils avaient un indice fonctionnel ECOG de 2 ou moins. Le principal paramètre d’évaluation était la SSPM.
Avec le protocole GEMOX, « la SSPM médiane se chiffrait à 5,8 mois dans le groupe ayant reçu de l’erlotinib et à 4,2 mois dans celui qui n’en avait pas reçu, soit une différence frôlant le seuil de la signification statistique [p = 0,080]. »
« Après un suivi médian de 13,9 mois, la SSPM médiane se chiffrait à 5,8 mois dans le groupe ayant reçu de l’erlotinib et à 4,2 mois dans celui qui n’en avait pas reçu, soit une différence frôlant le seuil de la signification statistique sans toutefois le franchir [p = 0,080] », a rapporté le Dr Ho Yeong Lim, de la Division d’hémato-oncologie, du Centre médical Samsung, de Séoul, en Corée du Sud. Cela dit, l’analyse des sous-groupes a révélé que « la SSPM médiane était significativement plus longue chez les patients aux prises avec un AVB qui avaient été traités avec de l’erlotinib que chez ceux qui ne l’avaient pas été (5,9 vs 3,0 mois; p = 0,049) ». Il a ajouté que le taux de réponse objective était plus élevé chez les sujets traités par l’erlotinib. Dans l’ensemble, les données issues de ces études de Phase III donnent à penser que les agents cytotoxiques restent les pièces maîtresses du traitement d’un large éventail de cancer du tube digestif, qu’ils soient utilisés en première intention, comme adjuvant ou comme traitement palliatif dans les cas de maladie avancée. Les agents ciblés peuvent faire grimper les taux de réponse, mais ne le font pas toujours, ce qui porte à croire que leur champ d’utilité est plus restreint et en lien plus étroit avec le stade du cancer.
Conclusion
Les essais de Phase III présentés lors de la réunion annuelle de l’ASCO de 2011 ont été une mine de renseignements sur la pratique clinique de pointe dans le domaine de l’oncologie gastro-intestinale en confirmant certaines hypothèses ou en les réfutant. Les agents ciblés ne se sont pas montrés efficaces jusqu’à maintenant contre les premiers stades de la maladie. En revanche, bon nombre des traitements d’usage courant, tels que les différentes déclinaisons du protocole FOLFOX, restent la norme aussi bien pour les premiers stades de la maladie que pour les plus avancés et demeurent le point de départ des nouvelles stratégies.