Gastroentérologie
Réunion scientifique annuelle de l’ACG et cours de formation supérieure de 2011
La prévention des rechutes dans les cas de maladies intestinales inflammatoires : souvent une question de commodité
Washington, D.C. – Le manque de fidélité au traitement est étonnamment élevé chez les patients qui prennent des médicaments par voie orale pour traiter leur maladie intestinale inflammatoire (MII), si l’on considère les risques importants que comportent les poussées évolutives. Le clinicien qui tente de protéger ses patients contre les complications des MII a donc absolument besoin de stratégies visant à maximiser leur fidélité au traitement. Ironiquement, la fidélité au traitement n’est pas un problème aussi criant chez les patients qui reçoivent des perfusions périodiques d’agents biologiques parce qu’ils se sont montrés incapables de respecter leur traitement par voie orale et que leur maladie s’en est trouvée aggravée. Les chercheurs qui se sont penchés sur diverses stratégies destinées à favoriser la fidélité au traitement ont surtout utilisé la mésalamine, le médicament prescrit en première intention dans les cas de MII et celui qui offre le meilleur équilibre entre les bienfaits et les risques. Les préparations à base de mésalamine à administration monoquotidienne les plus puissantes se montrent efficaces chez un pourcentage élevé de patients qui les reçoivent pour le traitement de leurs phases aiguës et comme traitement d’entretien. Cela dit, la réussite du traitement passe obligatoirement par une bonne connaissance des facteurs qui font obstacle à la fidélité des patients envers leur traitement.
L’absence de fidélité au traitement d’entretien
Le pourcentage exceptionnellement élevé de patients atteints de maladie intestinale inflammatoire (MII) qui ne respectent pas le traitement qui leur a été prescrit s’explique par la convergence de divers facteurs. Les périodes de quiescence intermittentes comptent probablement parmi les facteurs plus importants. Lorsqu’il est asymptomatique, le patient peut en venir à croire que son traitement n’est plus aussi pressant; il peut même douter en avoir encore besoin. Pourtant, une fois que la phase aiguë est passée, le traitement d’entretien est essentiel pour prévenir les nouvelles poussées évolutives, tant chez les patients atteints de la maladie de Crohn que chez ceux aux prises avec une colite ulcéreuse. Or l’administration monoquotidienne d’une préparation de mésalamine à libération retardée permet à un pourcentage de patients pouvant aller jusqu’à 90 % de rester en rémission pendant de longues périodes.
L’excellente maîtrise des symptômes crée un étrange paradoxe : elle engendre un faux sentiment de sécurité qui incite les patients à croire que leur traitement est devenu inutile.
« Beaucoup de patients atteints d’une MII ne respectent par le traitement d’entretien qui leur est prescrit. Les raisons expliquant ce problème, qui ont été déduites surtout des profils démographiques et d’autres sources indirectes, ne sont pas encore clairement cernées, mais une chose est sûre : l’amélioration de la fidélité au traitement doit être une priorité pour tous les cliniciens », a déclaré le Dr Alan C. Moss, du Centre des maladies intestinales inflammatoires, du Centre médical Beth Israel Deaconess, de Boston. Le Dr Moss a formulé cette remarque durant la réunion de 2011 de l’ACG alors qu’il présentait les données d’une étude destinée à mieux isoler les facteurs qui favorisent l’absence de fidélité au traitement. Au terme de 27 entrevues d’une heure réalisées auprès de patients atteints d’une MII, le Dr Moss a recensé cinq grands facteurs dans les 255 codes-réponses détaillés ainsi colligés. Le Dr Moss se dit convaincu qu’ils constituent autant d’avenues à explorer pour améliorer la fidélité au traitement de ces patients. Parmi ces cinq facteurs, l’un des plus troublants est certes le doute entourant le bien-fondé de la médication. Les quatre autres sont la gêne sociale associée à la prise de médicaments, le coût et les désagréments générés par le renouvellement des ordonnances, les oublis par distraction et les changements dans la routine quotidienne qui nuisent aux efforts des patients pour prendre leur médicament à l’heure dite. Il est vrai que ces obstacles sont pour ainsi dire généralisés, peu importe le médicament prescrit. Notons cependant que les essais cliniques réalisés avec la mésalamine ont révélé qu’une fois que la phase aiguë de la maladie est passée, les rechutes ne se font pas attendre chez les patients qui ne bénéficient pas de doses appropriées de préparations à longue durée d’action. Les données présentées par le Dr Moss font ressortir un étrange paradoxe : plus les patients jouissent d’une maîtrise forte et prolongée de leurs symptômes, plus ils risquent d’éprouver un faux sentiment de sécurité les amenant à croire que leur traitement est désormais inutile (Tableau 1). « Il faut que les patients comprennent qu’ils doivent absolument respecter leur traitement s’ils veulent éviter une nouvelle poussée évolutive de leur maladie qui les obligera à prendre des médicaments, mais pas seulement pour ça, pour leur bien-être et pour prévenir les complications aussi », a affirmé le Dr Moss.
La colite ulcéreuse – essai de Phase III
Si la mésalamine a déjà été vue comme relativement peu efficace, des essais multinationaux de grande envergure sont venus démontrer que la majorité des patients atteints de colite ulcéreuse aux prises avec une poussée évolutive d’intensité modérée ou élevée de cette maladie peuvent espérer en guérir et rester en rémission durant longtemps. Les résultats d’une des études les plus rigoureuses jamais réalisées ont été publiés il y a quatre ans (KAMM, M. A., et al. Gastroenterology, vol. 132, 2007, p. 66-75). Au cours de cet essai phare de Phase III, 221 patients atteints d’une forme aiguë de colite ulcéreuse ont entrepris un traitement par la mésalamine présentée sous une forme galénique multimatricielle (MMX; Mezavant®). Les chercheurs ont constaté que la muqueuse de 35 % des sujets était guérie à la 8e semaine, ce pourcentage ayant grimpé à 60,9 % à la 16e semaine. Parmi ces patients, 90 % sont restés en rémission pendant 12 mois, mais 56,6 % de l’ensemble des sujets recrutés y sont aussi parvenus (Fig. 1).
La notion voulant que la guérison de la muqueuse soit un facteur de prédiction d’une rémission prolongée est de plus en plus reconnue.
Soulignons que ces résultats ont été obtenus au moyen de doses de 2,4 ou de 4,8 mg administrées une fois par jour et que ces deux doses ont été bien tolérées. Or la littérature regorge de données probantes étayant l’hypothèse selon laquelle la fidélité au traitement est bien meilleure quand les comprimés ne sont administrés qu’une fois par jour au lieu de deux fois par jour ou même plus. Cela dit, le système de libération utilisé pour la mésalamine n’est pas étranger à l’efficacité de ce médicament, loin de là. Comme les bienfaits anti-inflammatoires de ce médicament proviennent surtout de l’effet topique qu’il exerce sur la muqueuse au fur et à mesure qu’il descend dans la partie basse du tractus gastro-intestinal, il serait logique que la forme galénique ait un rôle crucial à jouer. L’utilisation du système de libération multimatriciel pour la mésalamine n’est qu’une des stratégies visant à augmenter la quantité de médicament parvenant au côlon. Il existe en effet d’autres systèmes de libération retardée tels que l’enrobage d’éthylcellulose (Pentasa®) et les granulés présentés en sachets (Salofalk®), qui ne sont probablement pas interchangeables toutefois. En effet, les chercheurs de l’essai de Phase III ont noté que, contrairement aux sujets ayant reçu la mésalamine MMX, la proportion de sujets du groupe Asacol®, dont la muqueuse était guérie après 8 semaines de traitement n’était pas significativement plus élevée que celle observée dans le groupe placebo (Fig. 2). Par le passé, les chercheurs des essais cliniques ont utilisé différentes définitions pour décrire une « réponse complète ». Ils jugeaient notamment qu’une légère friabilité de la muqueuse était tolérable dans la mesure où il s’agissait du seul signe observé sur fond de maîtrise des symptômes. Cela dit, la notion voulant que la guérison de la muqueuse soit un facteur de prédiction d’une rémission prolongée est de plus en plus reconnue. Lors de la réunion de 2011 de l’ACG, la Food and Drug Administration des États-Unis a parrainé un atelier visant à déterminer si ce paramètre d’évaluation pouvait servir à définir l’efficacité d’un traitement. Or les discussions, auxquelles ont participé le Dr Brian Feagan, de l’Université Western Ontario, de London, et Jean-Frédéric Colombel, de l’École de médecine Mount Sinai, à New York (et co-auteur de l’essai de Phase III sur la mésalamine MMX), n’ont laissé planer aucun doute sur l’opinion de ces experts : la guérison de la muqueuse est effectivement un facteur de prédiction de la rémission et un objectif valable à atteindre.
Conclusion
Le manque de fidélité des patients atteints de MII à l’égard de leur traitement est un problème complexe qui peut s’expliquer, du moins en partie, par les périodes de quiescence de la maladie au cours desquelles les patients oublient de prendre leur médication ou décident qu’elle est devenue inutile. La mésalamine est efficace pour guérir la muqueuse, mais aussi comme traitement d’entretien, deux caractéristiques susceptibles de favoriser la fidélité au traitement. En outre, elle est généralement mieux tolérée que les autres agents et les préparations les plus efficaces à l’heure actuelle peuvent être administrées une fois par jour seulement. Tout indique de plus en plus que l’obtention d’une rémission prolongée passe obligatoirement par la guérison de la muqueuse au terme du traitement des phases aiguës de la maladie. Il n’en reste pas moins que la sensibilisation des patients à propos de l’importance du traitement chronique demeure incontournable.