Gastroentérologie
Réunion scientifique annuelle de l’American College of Gastroenterology (ACG) et cours de formation supérieure de 2011
Amélioration des traitements au moyen d’IPP : obstacles et avenues actuels
Washington, D.C. – Dans les cas de reflux gastro-œsophagien (RGO), la maîtrise de l’acidité gastriqueest le seul paramètre valable pour définir l’efficacité relative des traitements. Cette notion a perdu de sa netteté au fil des essais où les chercheurs ne faisaient aucune distinction entre les diverses sources de symptômes touchant les voies digestives hautes. Même s’il est vrai qu’une douleur ou des malaises évoquant le RGO puissent être causés par d’autres troubles, tels qu’une dysmotilité, une hypersensibilité ou des maladies fonctionnelles résultant de l’émission de signaux anormaux par les neurotransmetteurs, les symptômes provoqués par le reflux du contenu de l’estomac dans la partie basse de l’œsophage sont le plus souvent liés à la production d’acide gastrique. De nouvelles études portant sur des stratégies axées sur la prolongation de la maîtrise de l’acidité gastriquedurant les intervalles posologiques de 24 heures sont venues marteler le message véhiculé par les chercheurs chaque fois qu’ils sont parvenus à améliorer encore un peu plus la maîtrise de la production d’acide gastriqueau cours des dernières décennies.
Traitement visant à prolonger la maîtrise de l’acidité
Les nouvelles données présentées dans le cadre de la réunion de 2011 de l’ACG sont venues appuyer un vieux message : chaque fois que les chercheurs ont réussi à amplifier et à prolonger la maîtrise de la production d’acide gastrique au cours d’un même intervalle posologique, le soulagement des symptômes de reflux gastro-œsophagien s’en est trouvé amélioré. Ce constat s’est probablement imposé pour la première fois après que les inhibiteurs des récepteurs H2 eurent permis d’obtenir une maîtrise plus prononcée et plus soutenue de l’acidité gastrique que les antiacides. Ce scénario s’est répété à l’arrivée des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) qui se sont révélés supérieurs aux antagonistes des récepteurs H2, puis avec les IPP de deuxième génération qui à leur tour ont offert une suppression de l’acidité gastrique plus durable que celle produite par les IPP de première génération et encore tout dernièrement, grâce à un IPP à libération retardée qui a permis d’éliminer l’acidité gastrique de façon plus soutenue que le plus actif des agents de deuxième génération. On le voit : le dénominateur commun, c’est la maîtrise de l’acide gastrique.
Étant donné l’importance de la maîtrise de la production d’acide gastrique, « les patients atteints de RGO se voient souvent prescrire un IPP à administration biquotidienne lorsqu’un traitement monoquotidien ne parvient pas à les soulager suffisamment », a expliqué le Dr Ronnie Fass, du Centre des sciences de la santé de l’Université de l’Arizona, à Tucson. Le Dr Fass, qui a dirigé une étude sur le tout dernier IPP à libération retardée conçu pour améliorer la suppression d’acide gastrique au moyen d’une seule dose par jour, a précisé que « le problème avec les IPP administrés deux fois par jour, c’est qu’ils sont chers et que la plupart des patients préfèrent ne pas prendre des doses fractionnées ».
La modification de la forme galénique d’un IPP pour en prolonger la durée d’action est donc un progrès important.
Il est difficile d’améliorer le mode d’action des IPP, c’est-à-dire l’inhibition de la voie commune finale de la production d’acide gastrique dans les cellules pariétales. Les IPP se lient de façon irréversible aux pompes à protons, mais leur demi-vie est courte, d’où l’absence d’inhibition des pompes à protons néoformées. Pour les chercheurs, la poursuite d’une maîtrise encore plus grande de l’acidité gastrique passait donc obligatoirement par la création de meilleurs systèmes de libération de ces médicaments. La modification de la forme galénique d’un IPP pour en prolonger la durée d’action est donc un progrès important.
Maintien d’un soulagement durable des symptômes
Au nombre des études réalisées sur le dexlansoprazole, le premier IPP homologué doté d’un système à libération retardée destiné à en prolonger l’action, une étude comparative directe a permis de confirmer que le dexlansoprazole supprimait mieux la production d’acide gastrique que l’esoméprazole, ce dernier s’étant lui-même montré supérieur aux IPP plus anciens (KUKULKA, M., et al. Clin Exp Gastroenterol, vol. 4, 2011, p. 213-220). Le Dr Fass a présenté devant l’ACG les données probantes recueillies lors d’une nouvelle étude ayant démontré l’intérêt de la supériorité du dexlansoprazole sur l’esoméprazole sur le plan clinique.
Au cours de cette étude, 178 patients traités à l’aide d’IPP à administration biquotidienne aux fins de soulagement des leurs symptômes de RGO ont été suivis pendant une période de six semaines durant lesquelles ils étaient tenus de consigner leurs symptômes sur une feuille de route. À la fin des six semaines, ils ont remplacé leur dose d’IPP du matin par 30 mg of dexlansoprazole et celle du soir, par un placebo apparié. Pendant les six semaines suivantes, ils ont continué de noter leurs symptômes sur leur feuille de route.
Si l’on se fie aux données consignées par les patients, 88 %% d’entre eux ont gardé la maîtrise de leurs symptômes après avoir remplacé leur IPP à administration biquotidienne par le dexlansoprazole à administration monoquotidienne. Après stratification des sujets en fonction de l’IPP qu’ils prenaient au départ, le taux de maintien de la maîtrise des symptômes avec le traitement monoquotidien allait de 84 %% chez les sujets traités par l’esoméprazole à 100 %% chez ceux antérieurement traités par le pantoprazole (Fig. 1). Les évaluations normalisées de la qualité de vie effectuées au début et à la fin de l’étude sont venues soutenir l’intérêt clinique que présente la maîtrise relative ainsi obtenue.
À la lumière de ces résultats, le Dr Fass a conclu : « La majorité des sujets atteints de RGO qui avaient besoin de l’administration biquotidienne d’un IPP pour soulager complètement leurs brûlures d’estomac ont pu passer à une administration monoquotidienne sans pour autant perdre la maîtrise de leurs symptômes. L’intensité des symptômes causés par le RGO et la qualité de vie liée à la santé notées au début de l’étude ne semblent pas avoir changé chez les participants qui ont documenté un soulagement constant de leurs symptômes sur leur feuille de route. »
Comme c’est le cas avec les IPP en général, les effets indésirables d’importance ont été rares et peu d’entre eux ont effectivement été jugés reliés au médicament. Considérant le coût des médicaments, le Dr Fass estime que les économies réalisées en passant d’un IPP à administration biquotidienne au dexlansoprazole à administration monoquotidienne, même au cours de ces six semaines, totaliseraient des dizaines de milliers de dollars américains.
Répercussions du nombre moyen de comprimés consommés chaque jour
Une analyse distincte des réclamations médicales de 185 506 patients atteints de RGO enregistrées dans une base de données a servi à faire ressortir les différences relatives entre les divers IPP au chapitre de leur efficacité pour maîtriser la production d’acide gastrique en fonction de la consommation quotidienne de comprimés. Or 33,3 %% de ces patients prenaient de l’oméprazole, 30,2 %% du pantoprazole, 19,6 %% du rabéprazole, 9,6 %% de l’esoméprazole et le reste, du lansoprazole ou du dexlansoprazole. La plupart des patients traités par l’oméprazole prenaient une préparation générique; dans l’ensemble, 56,5 %% des patients utilisaient un IPP d’origine.
Après comparaison de leur consommation quotidienne moyenne, les chercheurs ont constaté que le dexlansoprazole était celui qui exigeait la plus faible consommation de comprimés (1,04 comprimé/jour), suivi de l’esoméprazole (1,15 comprimé/jour). C’est chez les utilisateurs de l’oméprazole que la consommation quotidienne moyenne était la plus élevée (1,32 comprimé/jour) (Fig. 2). Ces chiffres cadrent tout à fait avec l’activité antiacide de ces agents documentée dans plusieurs essais comparatifs. Selon l’auteur principal de cette étude, le Dr Onur Baser, de l’Université du Michigan, à Ann Arbor, ces chiffres pourraient peser lourd dans les décisions cliniques visant à améliorer la maîtrise des symptômes à meilleur coût.
Toujours selon le Dr Baser, il faudra évaluer les répercussions que pourrait avoir une réduction de la consommation quotidienne moyenne de comprimés sur la fidélité au traitement, la durée de celui-ci, ainsi que sur l’utilisation des services de santé motivée par le RGO ou non, et sur les coûts que cette utilisation génère.
Conclusion
Chez les patients atteints de RGO, c’est le traitement qui permet le mieux de supprimer la production d’acide gastrique d’un intervalle posologique à l’autre qui soulage le plus les symptômes. Ce message a été martelé chaque fois que les progrès pharmacologiques réalisés au cours des dernières décennies ont permis d’améliorer encore un peu plus la maîtrise de l‘acidité gastrique. La création d’un IPP à libération soutenue est venue encore une fois le confirmer. Il convient de noter que de nouvelles données portent à croire que l’administration monoquotidienne d’une préparation de dexlansoprazole à libération prolongée permet d’obtenir un soulagement des symptômes comparable à celui observé avec les autres IPP administrés deux fois par jour.