Pneumologie
Conférence internationale de l’American Thoracic Society (ATS) de 2016
Les données de l’étude phare FLAME justifient une refonte des recommandations des lignes directrices
San Francisco – Selon un essai comparatif multinational de 52 semaines terminé récemment chez des patients atteints d’une maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC), deux bronchodilatateurs à longue durée d’action (BALA-AMLA) permettent de réduire l’incidence des exacerbations plus efficacement qu’un seul bronchodilatateur à longue durée d’action (BALA) allié à un corticostéroïde pour inhalation (CSI). Plusieurs experts ont qualifié ces données de virage pour la pratique.
Résultats de l’étude FLAME
Lors de cette étude, au cours de laquelle 3362 patients ont été répartis au hasard, une association formée d’un b2-agoniste à longue durée d’action(BALA) et d’un antagoniste muscarinique à longue durée d’action (AMLA) administrés en une seule dose s’est révélée plus efficace qu’une association composée d’un BALA et d’un corticostéroïde pour inhalation (CSI) administrés en une seule dose, soit l’association recommandée dans les lignes directrices. Cette étude portait principalement sur les exacerbations, mais aussi sur une longue liste de paramètres d’évaluation secondaires. Selon la chercheuse principale de cette étude, la Dre Jadwiga A. Wedzicha, du National Heart and Lung Institute, de l’Imperial College, de Londres, au R.-U., la communauté médicale dispose maintenant des données probantes qui lui permettront de changer les algorithmes de traitement.
« La communauté médicale dispose maintenant des données probantes qui lui permettront de changer les algorithmes detraitement. »
Les données issues de cette étude ont été présentées lors d’une courte allocution prononcée dans le cadre de la Conférence internationale de l’American Thoracic Society (ATS) de 2016 et publiées simultanément dans le New England Journal of Medicine (WEDZICHA, J. A., et al., diffusé en ligne le 15 mai avant l’impression). Des patients atteints de MPOC et ayant des antécédents d’exacerbations ont été répartis au hasard de façon à recevoir une fois par jour une association à doses fixes d’indacatérol, un BALA, et de glycopyrronium, un AMLA (IND-GLY) ou une association à doses fixes de salmétérol, un BALA, et de fluticasone, un CSI (S-FC) deux fois par jour. Or, à la 52e semaine, l’association IND-GLY avait produit une réduction relative de 11 % du paramètre d’évaluation principal qu’étaient les exacerbations (p = 0,003) (Fig. 1). L’association IND-GLY l’a également emporté sur l’association S-FC pour les paramètres d’évaluation secondaires tels que le taux d’exacerbations modérées ou graves (17 %), le temps écoulé avant la première exacerbation et le temps écoulé avant la première exacerbation grave. En outre, elle a été reliée à une incidence de pneumonie significativement plus faible (3,2 % vs 4,8 %; p = 0,017), à une amélioration plus marquée de la fonction respiratoire à la fin des 52 semaines et à un gain systématiquement plus important que celui observé avec l’association S-FC une fois que l’effectif de l’étude a été stratifié selon un taux de polynucléaires éosinophiles de plus ou de moins de 2 %.
« Cette étude nous ramène au cœur du traitement de la MPOC en mettant l’accent sur la bronchodilatation. »
« Cette étude nous ramène au cœur du traitement de la MPOC en mettant l’accent sur la bronchodilatation », a déclaré le Dr Kenneth R. Chapman, Directeur du Centre de l’asthme et des voies respiratoires, Réseau universitaire de santé de Toronto. Coauteur de l’étude FLAME, le Dr Chapman a noté que bien que le CSI soit une composante essentielle des traitements d’association destinés à maîtriser l’asthme, l’activité anti-inflammatoire de ce type d’agents dans les cas de MPOC n’a jamais été nettement établie indépendamment de la bronchodilatation. L’étude comparative directe FLAME est venue confirmer que « les patients qui sont fréquemment victimes d’exacerbations obtiennent de meilleurs résultats avec une association BALA-AMLA qu’avec une association S-FC. » Au cours de l’étude FLAME, les critères d’admissibilité principaux étaient les suivants : au moins une exacerbation de la MPOC ayant exigé une antibiothérapie, une corticothérapie générale ou l’hospitalisation dans les 12 mois précédents. Les patients devaient être âgés de 40 ans au moins et être atteints d’une MPOC de grade 2 ou supérieur sur l’échelle du Medical Research Council. Les autres critères, tels qu’un VEMS correspondant à au moins 25 %, mais à moins de 60 % de la valeur théorique, étaient en phase avec ceux des autres études portant sur la MPOC. Les patients de 356 centres de recherche situés dans 43 pays, dont le Canada, ont été répartis au hasard de façon à prendre une fois par jour 110 µg d’IND et 50 µg de GLY réunis dans un même inhalateur (groupe expérimental) ou 50 µg de salmétérol et 500 µg de fluticasone au moyen d’un seul inhalateur (groupe témoin) deux fois par jour. D’abord conçue comme une étude de non-infériorité, l’étude FLAME a permis l’évaluation de la supériorité du traitement expérimental en regard de certains critères prédéfinis. Au terme des 52 semaines, c’est l’avantage manifesté par l’association IND-GLY sur l’association S-FC qui a incité les chercheurs à vérifier sa supériorité. Or les analyses de la population en intention de traiter modifiée et celles menées conformément au protocole ont fait ressortir l’avantage significatif et comparable de l’association IND-GLY par rapport à l’association S-FC pour ce qui était du paramètre d’évaluation principal (Fig. 2).
Analyses de sous-groupes
L’analyse des sous-groupes formés en fonction de l’âge, de l’usage du tabac, de la gravité de l’obstruction des voies respiratoires, de la gravité de la MPOC, de l’exposition antérieure aux CSI ou à d’autres traitements dirigés contre la MPOC et la survenue de 1 versus 2 exacerbations ou plus avant le recrutement à l’étude, la réduction de l’incidence des exacerbations observée avec l’association IND‑GLY est restée supérieure numériquement parlant à celle obtenue avec l’association S-FC (Fig. 3). À l’époque où l’étude FLAME a été conçue, il y a 5 ans, l’éosinophilie n’était pas encore considérée comme une variable potentiellement importante en matière de pronostic ou de réponse au traitement de la MPOC. Cela dit, à la lumière des études publiées récemment et qui donnent à penser que les inhalateurs renfermant une association BALA-CSI sont plus efficaces chez les patients présentant un taux de polynucléaires éosinophiles élevé, habituellement défini comme une concentration de 2 % au moins dans le sang, les auteurs de l’étude FLAME ont stratifié les patients en fonction de ce paramètre avant de lever l’insu. Résultat : selon la Dre Wedzicha, l’étude FLAME a été la première à comparer prospectivement des traitements opposés à la MPOC en fonction de cette variable. Encore là, l’avantage relatif observé avec l’association IND-GLY a été comparable, que le taux de polynucléaires éosinophiles ait été faible ou élevé, constat qui a servi de fondement pour conclure que la population de patients atteints de MPOC caractérisée par un certain sous-type inflammatoire qui réagirait mieux aux traitements, y compris ceux comprenant un CSI, n’existe pas. L’avantage de l’association IND-GLY sur l’association S-FC qui a été observé pour chacun des paramètres évalués et au terme de la série d’analyses de sous-groupes a incité la Dre Wedzicha à conclure que l’étude FLAME a généré « certaines des données les plus solides que j’ai jamais vues au cours d’un essai sur la MPOC ».
Incidence des effets indésirables
Les deux traitements ont été tout aussi bien tolérés. Hormis celle enregistrée pour la pneumonie, l’incidence des effets indésirables calculée dans les deux groupes de sujets n’était pas significativement différente. L’incidence de candidose buccale était plus faible dans le groupe traité par l’association IND-GLY (1,2 % vs 4,8 %), mais la différence n’a pas franchi le seuil de la signification statistique. La proportion de patients ayant mis un terme à leur traitement pour cause d’effet indésirable dans le groupe traité par l’association IND-GLY et dans celui ayant reçu l’association S-FC était comparable, tant pour les effets indésirables (7,5 % et 8,5 %) que pour les effets indésirables graves (5,1 % et 5,2 %). En plus de la réduction relative de l’incidence des exacerbations, l’association IND-GLY a été reliée à une amélioration de la fonction respiratoire entre le début et la 52e semaine de l’étude comme en ont témoigné les mesures du VEMS, ce qui n’a pas été le cas de l’association S-FC (Fig. 4). Cet effet positif et les autres bienfaits observés pendant l’étude FLAME pourraient expliquer l’amélioration des scores obtenus au questionnaire St. George’s Respiratory Questionnaire for COPD (SGRQ-C), un outil servant à évaluer la qualité de vie. L’avantage statistiquement significatif constaté avec l’association IND-GLY était généralisé et ce, à chaque mesure prise entre la 12e et la 52e semaine (Fig. 5). « Un schéma thérapeutique exempt de corticostéroïdes pour inhalation serait probablement mieux accepté des patients, a affirmé le Dr Chapman. Beaucoup de patients préfèrent éviter ces médicaments en raison de leurs effets indésirables. » Il a qualifié l’utilisation des CSI dans les schémas thérapeutiques de « motif caché d’infidélité au traitement ».
Quelles sont les prochaines étapes?
Plusieurs des lignes directrices actuelles, notamment celles fournies par la Global Initiative for COPD (GOLD), recommandent soit l’utilisation d’un AMLA en monothérapie, soit celle d’une association BALA-CSI comme traitement d’entretien de première intention chez les patients exposés aux exacerbations à répétition. Bien que l’étude FLAME ait fourni des données probantes de niveau 1 selon lesquelles une association BALA-AMLA est plus efficace qu’une autre renfermant un CSI pour prévenir les exacerbations, plusieurs experts s’entendent pour dire qu’il faudra recueillir plus de données pour déterminer à quel moment il convient de passer d’un bronchodilatateur en monothérapie à une association de bronchodilatateurs et définir les mesures raisonnables à prendre chez les patients qui n’obtiennent pas une maîtrise suffisante de leur maladie à l’aide d’un schéma thérapeutique reposant sur deux bronchodilatateurs.
Conclusion
« Y aurait-il un avantage à allier des stéroïdes à deux bronchodilatateurs? Nous n’avons aucune étude pour répondre à cette question »
« Y aurait-il un avantage à allier des stéroïdes à deux bronchodilatateurs? Nous n’avons aucune étude pour répondre à cette question », a déclaré le Dr Chapman. S’il admet que certains praticiens pourraient ajouter un CSI à deux bronchodilatateurs et opposer ainsi une trithérapie à la maladie chez les patients faisant des exacerbations à répétition, il a tenu à réaffirmer que l’étude FLAME porte à croire qu’il faudra réaliser d’autres études pour réévaluer l’apport des traitements dirigés contre l’inflammation provoquée par la MPOC. Il a laissé entendre que les résultats de l’étude FLAME soulèvent la question à savoir si les CSI constituent la meilleure stratégie pour maîtriser cette composante pathologique de la MPOC. La Dre Wedzicha a renchéri en soulignant que les patients ont « grand besoin » de nouvelles stratégies pour traiter l’inflammation liée à la MPOC, appelant ainsi à étudier de nouvelles cibles au sein de la voie inflammatoire.