VIH
21e conférence internationale sur le sida (SIDA 2016)
Taux élevé de fidélité au traitement : de nouvelles occasions pour maîtriser le sida pour un temps indéfini
Durban – De tous les progrès cliniques présentés à la conférence internationale sur le sida de 2016, le traitement anti-VIH simplifié reposant sur des inhibiteurs de l’intégrase a nettement dominé. Deux séries de données se sont en effet démarquées. La première, issue d’un essai de phase III, a révélé qu’une dose uniquotidienne de 1200 mg de raltégravir permet d’obtenir la même suppression virale à la 48e semaine qu’une dose biquotidienne de 400 mg. La seconde, tirée d’un essai de phase IIb, est venue étayer pour la première fois l’efficacité soutenue d’un schéma thérapeutique administré par injection allié à un inhibiteur de l’intégrase expérimental.
L’essai de phase III, intitulé ONCEMRK, met de l’avant une nouvelle préparation de raltégravir, point d’ancrage des trithérapies depuis toujours. Lors de cet essai multinational mené avec répartition aléatoire, la dose uniquotidienne de 1200 mg et la dose biquotidienne de 400 mg ont été administrées avec des INTI, soit le ténofovir et l’emtricitabine (TDF/FTC).
Dose uniquotidienne et dose biquotidienne : même résultat
« L’essai ONCEMRK était un essai comparatif direct de non-infériorité », a expliqué le chercheur principal, le Dr Pedro Cahn, Chef de l’Unité des maladies infectieuses, de l’hôpital Juan A. Fernandez, à Buenos Aires, en Argentine, et ancien président de la Société internationale sur le sida. « La dose uniquotidienne de 1200 mg a fait preuve d’une efficacité marquée, non inférieure à celle de la dose biquotidienne », a-t-il ajouté. Il a également précisé n’avoir constaté aucune différence majeure au chapitre de l’innocuité.
« La dose uniquotidienne de 1200 mg [de raltégravir] a fait preuve d’une efficacité élevée, non inférieure à celle de la dose biquotidienne. »
Au cours de cet essai mené à double insu, 797 patients porteurs du VIH jamais traités auparavant et âgés de 35 ans en moyenne ont été répartis aléatoirement de façon à recevoir, en plus de l’association TDF/FTC, la préparation de raltégravir administrée une fois par jour ou celle administrée deux fois par jour. Leur concentration moyenne de CD4 au moment de leur recrutement se chiffrait à 415 cellules/mm3 et leur charge virale moyenne en ARN du VIH, à 4,6 log10 copies. Les patients qui, en plus, étaient infectés par le virus de l’hépatite B ou de l’hépatite C y étaient admissibles. Le paramètre d’évaluation principal était l’obtention d’une charge virale inférieure à 40 copies/mL à la 48e semaine.
La charge virale a chuté rapidement dans les deux groupes, plus de 50 % des patients ayant obtenu une suppression virale totale, fixée à moins de 40 copies/mL de l’ARN du VIH, à la 4e semaine. À la 48e semaine, 88,9 % des sujets traités avec la dose uniquotidienne de 1200 mg de raltégravir et 88,3 % de ceux ayant reçu la dose biquotidienne de 400 mg y étaient parvenus.
Suppression virale uniforme dans les divers sous-groupes
« Lors d’une analyse visant à comparer l’efficacité relative des deux schémas posologiques en fonction de la charge virale préthérapeutique, la présence d’une infection concomitante par un virus de l’hépatite ou d’autres caractéristiques prédéfinies, nous avons constaté que les taux de suppression virale demeuraient comparables », a déclaré le Dr Cahn (Fig. 1). Il a ajouté que le taux de rétablissement immunitaire et l’ampleur de ce dernier, mesuré d’après les concentrations de CD4, étaient similaires dans les deux groupes.
Les deux doses de raltégravir ont été bien tolérées, aucune différence significative n’ayant été observée pour ce qui est de la nature et de l’incidence des effets indésirables tout au long de l’essai. Des effets indésirables graves, tous types confondus, ont été observés chez 5,8 % et 9,4 % des sujets affectés à la dose uniquotidienne et à la dose biquotidienne; ceux d’origine médicamenteuse, comme les réactions allergiques, ont été moins nombreux dans le premier que dans le deuxième groupe. Qui plus est, moins de sujets ont abandonné leur traitement (0,8 % versus 2,3 %) en raison d’un effet indésirable (Fig. 2).
On ne compte plus les publications où les schémas posologiques uniquotidiens opposés au VIH sont associés à une meilleure fidélité au traitement. C’est notamment le cas d’une méta-analyse réalisée à partir des données de 19 études (Nachega, J. B., et al. Clin Infect Dis, vol. 58, 2014, p. 1297-1307). L’homologation par les instances réglementaires du raltégravir administré à raison de 1200 mg une fois par jour est donc considérée comme imminente compte tenu des données probantes recueillies dans le cadre de cet essai de phase III, qui montrent que l’efficacité et l’innocuité de la dose uniquotidienne de ce médicament sont à tout le moins comparables à celles de la dose biquotidienne dont l’utilisation est largement éprouvée et répandue.
Poursuite des travaux sur un inhibiteur d’intégrase injectable
Il est encore trop tôt pour spéculer sur le rôle clinique possible d’un inhibiteur d’intégrase injectable même si les résultats des 48 premières semaines d’un essai de phase IIb sur le cabotégravir, un agent expérimental appartenant à cette classe de médicaments, sont prometteurs. Au cours de cet essai multicentrique mené en mode ouvert, intitulé LATTE-2, 286 patients jamais traités auparavant ont été répartis aléatoirement selon un rapport de 2:2:1 dans l’un des trois groupes de traitement suivants : préparation de cabotégravir injectée par voie intramusculaire (i.m.) toutes les 4 semaines (T4) + une préparation à longue durée d’action de rilpivirine, un INTI (CAB/RIL); injection de CAB/RIL toutes les 8 semaines (T8); préparation à prise orale de CAB + abacavir et lamivudine (ABC/3TC).
« L’injection mensuelle [du cabotégravir par voie intramusculaire] s’est traduite par un taux d’échec du traitement ou d’absence de réponse virologique légèrement plus faible. »
Au bout de 48 semaines, le paramètre d’évaluation principal de l’essai, soit l’obtention d’une charge virale inférieure à 50 copies de l’ARN du VIH, s’était concrétisé chez 91 % des sujets du groupe CAB/RIL T4, 92 % de ceux du groupe CAB/RIL T8 et 89 % de ceux du groupe CAB/ABC/3TC. Une douleur de grade 1 ou 2 au point d’injection a été rapportée par presque tous les patients des deux groupes recevant des injections i.m., mais il s’agissait essentiellement d’une douleur légère qui avait disparu en une semaine. Aucun effet indésirable grave d’origine médicamenteuse n’a été signalé. Soulignons que les patients traités par injection se sont montrés plus satisfaits de leur traitement que ceux qui prenaient leurs médicaments par voie orale.
« L’injection mensuelle du traitement s’est traduite par un taux d’échec du traitement ou d’absence de réponse virologique légèrement plus faible, » a affirmé le chercheur principal, le Dr David Margolis, Directeur des programmes cliniques chez ViiV Healthcare, de Durham, en Caroline du Nord. Il se chiffrait en effet à moins de 1 % dans le groupe CAB/RIL T4, alors qu’il s’élevait à 7 % dans le groupe CAB/RIL T8. Le Dr Margolis a déclaré que les travaux sur l’association injectable CAB/RIL se poursuivraient et se concentreraient sur la préparation administrée toutes les 4 semaines.
Conclusion
Les inhibiteurs de l’intégrase sont largement privilégiés au détriment des inhibiteurs de protéases (IP) et des INNTI comme agents servant de point d’ancrage des trithérapies opposées au VIH en raison de leur efficacité, de leur faible taux de résistance et de leur tolérabilité. De nouvelles données sur le raltégravir administré une fois par jour et un agent expérimental injectable témoignent des efforts déployés pour simplifier les schémas thérapeutiques afin d’obtenir une maîtrise du VIH pour un temps indéfini, voire à vie.