Cardiologie
66e séance scientifique annuelle et exposition de l’ACC - 2017
Une baisse des décès toutes causes confondues porte à croire que le traitement type du DM2 pourrait comprendre des iSGLT2
Washington, D.C. – Une grande étude où ont été comparés des antidiabétiques selon qu’ils étaient alliés ou non à un agent de la classe des inhibiteurs du SGLT2 a révélé que ces derniers permettent de prévenir l’insuffisance cardiaque et de réduire la mortalité toutes causes confondues contrairement aux autres agents opposés au diabète de type 2. Ce constat pourrait bien transformer la pratique actuelle, puisque le principal objectif à long terme du traitement du diabète de type 2 est la prévention des maladies cardiovasculaires évolutives. La baisse relative des décès toutes causes confondues observée chez des patients traités par des inhibiteurs du SGLT2 s’élevait à 51 % (p < 0,001) comparativement aux autres agents antidiabétiques. C’est la deuxième grande étude à faire la preuve d’un tel gain, mais la première à confirmer qu’il s’agit réellement d’un effet de classe.
Les inhibiteurs du SGLT2 et l’amélioration de l’issue du traitement sur le plan cardiovasculaire
Les inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose de type 2 (SGLT2), une protéine jouant un rôle crucial dans la réabsorption du glucose par les reins, ont rapidement trouvé leur place dans le traitement du diabète de type 2 depuis 2013. Ces agents pour voie orale sont extrêmement efficaces lorsqu’ils sont employés seuls ou en association avec d’autres antidiabétiques et sont exceptionnellement bien tolérés. Au terme de l’étude EMPA‑REG OUTCOME, un inhibiteur du SGLT2 s’est révélé le seul antidiabétique qui ait jamais été relié à une amélioration de l’issue du traitement sur le plan cardiovasculaire dans le cadre d’un essai multicentrique mené avec répartition aléatoire des sujets. Or l’étude CVD-REAL a récemment permis de démontrer que tous les inhibiteurs du SGLT2 offerts sur le marché ont cette propriété en commun.
« Les inhibiteurs du SGLT2 ont permis de prévenir les hospitalisations motivées par une insuffisance cardiaque et le décès toutes causes confondues au sein d’une vaste population de patients atteints de diabète de type 2 traité en pratique générale. »
« L’étude CVD-REAL a établi que comparativement à d’autres agents hypoglycémiants, les inhibiteurs du SGLT2 ont permis de prévenir les hospitalisations motivées par une insuffisance cardiaque et le décès toutes causes confondues au sein d’une vaste population de patients atteints de diabète de type 2 traité en pratique générale », a déclaré le Dr Mikhail Kosiborod, Professeur de cardiologie, à l’École de médecine de l’Université du Missouri, à Kansas City. « Seule une minorité de patients étaient atteints d’une maladie cardiovasculaire avérée, ce qui porte à croire que leurs bienfaits s’étendent à ceux dont le risque est relativement faible au départ. »
L’étude CVD-REAL
L’étude CVD-REAL a été réalisée à partir des données colligées chez de vrais patients et qui ont été tirées de registres tenus dans six pays (É.-U., R.-U., Allemagne, Norvège, Suède et Danemark). Les nouveaux utilisateurs d’agents hypoglycémiants ont été comparés par appariement des coefficients de propension, une méthode validée au moyen de plusieurs analyses de sensibilité. Les chercheurs disposaient des données collectées chez 154 523 patients ayant entrepris un traitement par des inhibiteurs du SGLT2, appariées à celles d’un nombre égal de patients ayant amorcé leur traitement avec un autre agent antidiabétique. La plupart d’entre eux suivaient déjà un traitement de fond reposant notamment sur de la metformine. Cette étude visait surtout à comparer l’effet de ces traitements sur le risque d’hospitalisation pour cause d’insuffisance cardiaque. Leur effet relatif sur les décès toutes causes confondues tenait lieu de paramètre d’évaluation secondaire. Les gains enregistrés avec les inhibiteurs du SGLT2 étaient importants et constants. Le rapport des risques instantanés (RRI) calculé pour les hospitalisations motivées par une insuffisance cardiaque se chiffrait à 0,61 (p < 0,001), soit une baisse de 39 % (p < 0,001) du risque relatif pendant les 175 000 années-personnes de suivi. Les intervalles de confiance étaient étroits (IC à 95 % : de 0,51 à 0,73). Les résultats d’une analyse des données de chaque pays étaient tout à fait cohérents et statistiquement significatifs, ou presque, d’un registre à l’autre (Fig. 1). Le RRI calculé pour les décès toutes causes confondues donnant l’avantage aux inhibiteurs du SGLT2 était encore plus remarquable (RRI : 0,49; p < 0,001) et l’intervalle de confiance, encore plus étroit (IC à 95 % : de 0,41 à 0,57). Les analyses menées pour chacun des pays ont elles aussi fait ressortir des intervalles de confiance étroits, systématiques et significatifs sur le plan statistique, sauf au Royaume-Uni, le petit nombre de décès (80 vs 250 ou plus dans chacun des autres pays) les ayant élargis (Fig. 2). Aucune donnée n’était consignée dans le registre allemand relativement à la mortalité. C’est pourquoi cette population a été écartée de cette analyse. L’analyse des données en fonction d’un paramètre d’évaluation combinant l’hospitalisation pour cause d’insuffisance cardiaque et les décès toutes causes confondues, qui était prévue dès le départ, a produit des résultats cadrant avec ceux obtenus avec chacun de ces deux éléments pris séparément, d’où un RRI de 0,54 (p < 0,001) donnant l’avantage aux inhibiteurs du SGLT2. Les trois analyses de sensibilité prévues ont donné des résultats extrêmement uniformes. Il s’agissait d’une analyse des données collectées pendant le traitement, d’une analyse en intention de traiter et d’une analyse comparative des données collectées pendant le traitement excluant graduellement l’insuline, les sulfonylurées et les thiazolidinediones (TZD). En ce qui concerne le paramètre d’évaluation principal, soit l’insuffisance cardiaque par exemple, les RRI donnant l’avantage aux inhibiteurs du SGLT2 au terme de ces analyses se chiffraient à 0,61, à 0,67 et à 0,57 (p < 0,001 pour tous), respectivement (Fig. 3). Compte tenu de l’appariement des coefficients de propension de cet énorme effectif de patients, les caractéristiques de départ des sujets ayant entrepris un traitement par des inhibiteurs du SGLT2 étaient identiques ou presque à celles des sujets ayant amorcé leur traitement par d’autres hypoglycémiants. Les sujets des deux groupes étaient âgés de 57 ans en moyenne, 40 % d’entre eux étaient des femmes et 13 % étaient atteints d’une maladie cardiovasculaire établie. Seulement 3,1 % de ces derniers présentaient une insuffisance cardiaque. Des antécédents d’infarctus du myocarde (3,1 %) et d’AVC (4,1 %), ainsi qu’une artériopathie périphérique (3,4 %) comptent parmi les autres maladies cardiovasculaires recensées au départ.
Généralisation des résultats de l’étude EMPA-REG OUTCOME
Ces données viennent étoffer et généraliser considérablement les résultats de l’étude multicentrique EMPA‑REG OUTCOME, qui a fait ressortir les effets cardioprotecteurs de l’empagliflozine, un inhibiteur du SGLT2 (Zinman, B. et al. N Engl J Med,vol. 373, 2015, p. 2117-2128). Les chercheurs de cette étude à laquelle ont participé 7020 patients traités pendant 3,1 ans (médiane) ont établi un parallèle entre cet inhibiteur du SGLT2 et une réduction de 14 % (RRI : 0,86; p = 0,04) du paramètre d’évaluation principal composé du décès d’origine cardiovasculaire, de l’infarctus du myocarde (IM) et de l’AVC non mortel comparativement au placebo. Mentionnons toutefois que les sujets devaient être atteints d’une maladie cardiovasculaire pour y être admis. « Contrairement à ceux de l’étude EMPA-REG OUTCOME, les sujets de l’étude CVD-REAL étaient en grande majorité (87 %) indemnes d’une maladie cardiovasculaire au moment de leur recrutement, ce qui évoque un effet protecteur plutôt qu’un effet thérapeutique », a souligné le Dr Kosiborod. L’étude CVD-REAL n’a pas comporté d’analyse d’innocuité, mais les études de phase III ont confirmé que le bilan d’innocuité de ces agents est comparable à celui d’un placebo, à une différence près : une fréquence plus élevée d’infections des voies génitales. Ces dernières, dont le risque peut être atténué grâce à des mesures d’hygiène plus rigoureuses, sont imputables à une excrétion plus marquée du glucose dans les urines. Comme ce fut le cas pendant les autres études menées sur des inhibiteurs du SGLT2, le risque d’infection des voies génitales pendant l’étude EMPA-REG OUTCOME était plus élevé chez les femmes (Fig. 4).
Comparaison des résultats des études EMPA-REG OUTCOME et CVD-REAL
Même si la situation des populations recrutées dans les études EMPA-REG OUTCOME et CVD-REAL en regard du risque de maladies cardiovasculaires était différente, les résultats obtenus pendant ces études présentent certaines similitudes. En effet, les réductions obtenues avec l’empagliflozine y étaient fortement significatives comparativement à celles enregistrées avec le traitement type pour ce qui est des hospitalisations motivées par une insuffisance cardiaque (RRI : 0,65; p = 0,002) et les décès toutes causes confondues (RRI : 0,68; p < 0,001). De plus, les chercheurs ont établi un parallèle entre l’empagliflozine et une protection significative contre le décès d’origine cardiovasculaire (RRI : 0,62; p < 0,001), mais pas contre les autres incidents cardiovasculaires.
Implications cliniques de l’étude CVD-REAL
Dans une analyse des implications cliniques des résultats de l’étude CVD-REAL, le Dr Kosiborod a souligné trois points à propos des inhibiteurs du SGLT2 : 1) l’effet cardioprotecteur observé est apparemment un effet de classe; 2) le plus grand avantage des inhibiteurs du SGLT2 pourrait bien être leur effet protecteur contre l’insuffisance cardiaque plutôt que la régression de la maladie existante; et 3) la cardioprotection est d’autant plus marquée que le traitement est entrepris tôt.
« Le faible pourcentage de patients atteints d’une maladie cardiovasculaire au moment de leur recrutement à l’étude CVD-REAL porte à croire que les avantages observés pourraient s’étendre aux patients qui y sont les moins exposés. »
« Le faible pourcentage de patients atteints d’une maladie cardiovasculaire au moment de leur recrutement à l’étude CVD-REAL porte à croire que les avantages observés pourraient s’étendre aux patients qui y sont les moins exposés », a affirmé le Dr Kosiborod. Il a laissé entendre que ces données, comme celles recueillies lors de l’étude EMPA-REG OUTCOME, appuient fortement l’utilisation des inhibiteurs du SGLT2 dans la prise en charge normalisée du diabète de type 2. La FDA exigeant des données sur l’innocuité des antidiabétiques sur le plan cardiovasculaire, des études semblables à l’étude EMPA-REG OUTCOME sont actuellement menées sur chacun des inhibiteurs du SGLT2 offerts sur le marché. Par exemple, les résultats de l’étude DECLARE-TIMI58, une étude sur la dapagliflozine réalisée avec répartition aléatoire de plus de 17 000 sujets atteints de diabète de type 2 et entreprise en 2013, sont attendus en 2019. L’étude CANVAS qui porte sur la canagliflozine et au cours de laquelle 4500 patients atteints de diabète de type 2 ont été répartis aléatoirement devrait se terminer bientôt; ses résultats devraient être connus cette année. Dans le cadre de l’étude CVD-REAL, la durée proportionnelle de l’exposition aux inhibiteurs du SGLT2 s’élevait à 11 % environ dans le cas de l’empagliflozine et à 45 % approximativement dans le cas des deux autres produits. Cela dit, avec un pourcentage de 91,9 %, la dapagliflozine était de loin l’inhibiteur du SGLT2 le plus utilisé dans les cinq pays européens, tandis que la canagliflozine, forte de ses 75,9 %, était le produit dominant aux États-Unis (Fig. 5). Ce sont ces grands écarts dans la durée d’exposition aux inhibiteurs du SGLT2 au vu de la protection très uniforme obtenue contre les hospitalisations motivées par une insuffisance cardiaque et les décès toutes causes confondues qui servent de fondement pour déclarer qu’il s’agit d’un effet de classe. Selon le Dr Kosiborod, en plus des analyses de sensibilité prévues, plusieurs stratégies ont été appliquées a posteriori pour mettre rigoureusement à l’épreuve les résultats obtenus, y compris une technique reposant sur l’utilisation de témoins négatifs afin d’écarter toutes les données inattendues et aberrantes susceptibles de laisser soupçonner un déséquilibre dans les données. Il a affirmé que ces analyses, dont il sera fait mention dans la publication finale, n’ont fait ressortir aucune anomalie.
« Nous avons besoin de plus d’études pour faire passer le message parce que cette classe de médicaments a réellement ce qu’il faut pour transformer l’issue du traitement pour les patients. »
Le groupe d’experts appelés à donner son avis sur ces résultats dans le cadre de la réunion de l’ACC a bien accueilli ces constatations. S’exprimant sous toute réserve, le Dr Adrian F. Hernandez, Professeur de cardiologie, à l’Institut de recherche clinique Duke, de Durham, en Caroline du Nord, a déclaré : « À la lumière de ces résultats et sachant que plusieurs autres études portant sur les inhibiteurs du SGLT2 et le risque cardiovasculaire sont actuellement en cours, devrions-nous juste dire aux gens de ne pas y participer? ». Même s’il s’agissait d’une boutade, le Dr Kosiborod y a répondu avec sérieux : « Nous avons besoin de plus d’études pour faire passer le message parce que cette classe de médicaments a réellement ce qu’il faut pour transformer l’issue du traitement pour les patients ». Si, au cours de l’étude CVD-REAL, l’accent a été mis sur l’insuffisance cardiaque plutôt que sur d’autres incidents cardiovasculaires tels que l’IM ou l’AVC, c’était intentionnel. Le Dr Kosiborod a fait remarquer que bon nombre des effets positifs des inhibiteurs du SGLT2 hormis la maîtrise de la glycémie, tels que la perte de poids, la baisse de la pression artérielle, ainsi que la réduction de la rigidité des artères et de la résistance vasculaire, ont un rapport avec la protection contre l’insuffisance cardiaque, alors que cette dernière « est sans doute la complication cardiovasculaire la plus répandue et la pire du diabète de type 2 ». Il est à prévoir que la protection contre l’insuffisance cardiaque aura pour effet ultime de protéger les patients contre les complications en aval comme les arythmies.
« Je suis d’accord pour dire que nous devons aller de l’avant afin de découvrir comment ces médicaments font pour améliorer les résultats obtenus. »
« Nous disposons déjà de quelques données qui nous montrent qu’il est possible que les patients diabétiques qui deviennent des insuffisants cardiaques soient différents des insuffisants cardiaques qui deviennent diabétiques », a affirmé la Dre Mariell Jessup, Professeure de médecine cardiovasculaire à l’Université de Pennsylvanie, à Philadelphie et membre du groupe d’experts appelé à donner son avis sur les résultats de l’étude CVD-REAL. Elle a ajouté : « Je suis d’accord pour dire que nous devons aller de l’avant afin de découvrir comment ces médicaments font pour améliorer les résultats obtenus ».
Utilisation des inhibiteurs du SGLT2 dès le début de la maladie
Nous disposons aujourd’hui d’un large éventail d’agents pour maîtriser la glycémie dans les cas de diabète de type 2. La ventilation des divers agents de référence effectuée au cours de l’étude CVD-REAL le montre bien (Fig. 6). Même si pratiquement tous les patients du groupe traité par un inhibiteur du SGLT2 et ceux de la cohorte appariée recevaient une association d’agents hypoglycémiants, dont la metformine dans 80 % des cas, il n’en demeure pas moins que les agents de référence utilisés appartenaient à six classes d’agents antidiabétiques. En recréant les bienfaits observés pendant l’étude EMPA-REG OUTCOME, l’étude CVD‑REAL corrobore la thèse selon laquelle il faudra envisager d’avoir recours aux inhibiteurs du SGLT2 tôt au cours des traitements d’association visant l’équilibre glycémique.
Conclusion
L’étude EMPA-REG OUTCOME est la première étude comparative menée avec répartition aléatoire des sujets qui ait permis d’établir un parallèle entre un agent hypoglycémiant et une raréfaction des incidents cardiovasculaires. Or l’étude CVD-REAL donne à penser qu’il s’agit là d’un effet de classe. L’ensemble de ces résultats aura des répercussions majeures sur le choix d’un traitement dès le début de la prise en charge du diabète de type 2, son objectif à long terme le plus important étant la cardioprotection.