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Revue d’experts

Maîtrise de la douleur causée par l’arthrose du genou : les infiltrations d’acide hyaluronique

L'arthrose du genou 2014

Chapitre 1 : L’arthrose du genou : une épidémie qui prend de l’ampleur

Dr Pankaj Dhawan, FRCSC
Physiatrie et réadaptation, Vancouver, Colombie-Britannique

La gonarthrose (ou arthrose du genou) est un problème orthopédique fréquent. À preuve, un adulte canadien sur six environ en est affligé1. Cette maladie inflammatoire chronique et évolutive provoque de la douleur, restreint les activités et nuit à la qualité de vie. Comme il s’agit d’une maladie chronique, il faut absolument tenir compte de l’innocuité et de la tolérabilité à long terme des options thérapeutiques envisagées pour maîtriser durablement ses symptômes. Pendant que les chercheurs s’efforcent de trouver des moyens de ralentir la détérioration articulaire, les cliniciens s’emploient essentiellement à maîtriser les symptômes. L’usage veut que les analgésiques simples, tels que l’acétaminophène et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), soient privilégiés en première intention, mais leur efficacité a ses limites et leur utilisation au long cours soulève certaines inquiétudes. Quant aux infiltrations intra-articulaires, l’acide hyaluronique, qui est naturellement produit par les articulations saines, se révèle plus sûr que les corticostéroïdes, surtout dans les cas où des traitements itératifs sont à prévoir. La durabilité de son effet donne également à l’acide hyaluronique un avantage supplémentaire sur les autres options. Peu importe le traitement privilégié, les chances de réussite seront d’autant plus grandes qu’il sera appuyé par des méthodes d’appoint non pharmacologiques, notamment des exercices visant à renforcer les articulations.

Contexte

L’arthrose provoque la détérioration du cartilage et des tissus articulaires interdépendants, dont le tissu osseux2. Mise sur le compte de sollicitations mécaniques répétées, l’arthrose peut frapper toutes les articulations, mais elle semble avoir une prédilection pour les articulations des membres, telles que le genou, la hanche et les mains (Fig. 1)3. Les facteurs de risque de gonarthrose, qui viennent confirmer le rôle de ces sollicitations, comprennent les mouvements de flexion particuliers exigés par la pratique de certains métiers, l’obésité et les interventions chirurgicales ou autres traumatismes au genou4. La prévalence de l’arthrose augmente avec l’âge, mais cette affection ne se borne pas aux personnes âgées. Selon des données étatsuniennes, la prévalence globale de l’arthrose chez les adultes s’élève à 13,9 %, mais grimpe à 33,6 % chez les personnes de 65 ans et plus5. Le risque à vie de souffrir d’arthrose, une des causes principales d’invalidité6, est de 44,7 %; il atteint 56,8 % chez les personnes ayant déjà subi une blessure au genou7.

Au Canada, l’arthrite (tous types confondus) se situe au troisième rang des maladies chroniques les plus répandues dont la prévalence culmine à la fin de la cinquantaine (Fig. 2A) et (Fig. 2B)8. Or la gonarthrose ressort particulièrement du lot. Elle constitue effectivement un problème sans cesse croissant de santé publique en raison du vieillissement de la population et de l’augmentation de la prévalence de l’obésité9. La gonarthrose générerait des coûts substantiels, non seulement au chapitre des soins de santé qu’elle commande – après tout, elle est la principale motivation menant à l’arthroplastie du genou10 – mais aussi en raison des restrictions qu’elle impose aux patients, y compris dans leurs activités professionnelles11,12. Tout indique que la prévalence de la gonarthrose symptomatique augmente à un rythme que la hausse de la prévalence de l’obésité ne peut expliquer à elle seule, d’où la nécessité de mieux structurer l’application des stratégies de prise en charge raisonnées13.

Comportement pathogénique et risque d’évolution de la gonarthrose

La détérioration structurale de l’articulation est le dénominateur commun qui ressort du large éventail de tableaux cliniques et des manifestations visibles de la gonarthrose sur les clichés radiographiques. Hormis le cartilage hyalin, d’autres tissus de l’articulation peuvent être touchés, tels que le tissu ligamentaire et le tissu osseux14. Lorsque l’érosion cartilagineuse a atteint une certaine ampleur, un remodelage osseux peut entrer en jeu et provoquer un défaut d’alignement15. Ce dernier peut à son tour aggraver la perte de cartilage et la détérioration de cette structure, aggravation qui sous-tend l’évolution de la maladie (Fig. 3). Le risque d’évolution et la vitesse à laquelle elle se produit varient d’un patient à l’autre. Chez certains, les symptômes restent relativement stables pendant longtemps, tandis que chez d’autres, la synovite et les autres formes d’inflammation exacerbent la détérioration de leurs articulations au point de les rendre invalides. L’arthroplastie sera alors le meilleur moyen de pallier cette invalidité16.

Les manifestations visibles à la radiographie varient considérablement et ne sont pas toujours en corrélation avec les symptômes17. Plusieurs échelles d’évaluation de la gravité de la gonarthrose ont été proposées, mais la classification de Kellgren et de Lawrence, qui a été élaborée il y a plus de 40 ans18, reste encore aujourd’hui très populaire. Selon ce système, les quatre stades suivant le stade 0 (rien à signaler) vont de légères formations ostéophyliques (stade 1) à la déformation du contour osseux (stade 4) (Tableau 1).

Les lignes directrices de l’American College of Radiology (ACR), entre autres, précisent que les signes cardinaux de la gonarthrose sont la douleur, une raideur matinale passagère et des crépitations pendant les mouvements19. Évidemment, la présence d’autres manifestations classiques de la gonarthrose, telles que les douleurs aux os et les défauts d’alignement20, favorise la justesse du diagnostic posé au moyen d’un examen physique.

Cela dit, les techniques d’imagerie se révéleront utiles pour l’importante minorité de patients dont le tableau clinique est atypique21. Notons qu’il est possible que les clichés radiographiques pris au début de la maladie ne montrent rien d’anormal22. En pareils cas, les autres techniques d’imagerie (par ex., l’IRM et l’échographie) peuvent fournir un complément d’information, qu’elles soient utilisées seules ou conjointement23. En revanche, les épreuves de laboratoires sont inutiles pour poser un diagnostic d’arthrose, mais elles peuvent présenter un certain intérêt pour écarter d’autres affections possibles comme la goutte ou une infection.

La prise en charge de l’arthrose : les objectifs du traitement

La prise en charge de l’arthrose a pour objectif de soulager les symptômes et de prévenir l’évolution de la maladie, et repose habituellement sur des traitements pharmacologiques et non pharmacologiques. La gonarthrose est incurable, mais les traitements visant à améliorer la qualité de vie et à ralentir, voire à freiner, l’érosion des articulations donnent de bons résultats dans l’immédiat et à distance.

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) comptent parmi les agents administrés par voie orale pour lutter contre les symptômes. Un peu plus efficaces que l’acétaminophène24, les AINS, dont font partie les inhibiteurs sélectifs de la cyclo-oxygénase-2 (COX-2), ont toutefois des effets toxiques cumulatifs25,26. Si les tentatives visant à atténuer les effets digestifs des AINS non sélectifs à l’aide d’agents inhibant la production d’acide gastrique ont été couronnées de succès27, l’emploi prolongé des inhibiteurs de la COX-2 et des AINS comporte tout de même des risques, notamment de nature néphrotoxique28,29. Quoique plus sûres, la glucosamine et la chondroïtine semblent toutefois encore moins efficaces que les analgésiques simples. Plusieurs études réalisées chez de petits effectifs de sujets ont permis d’établir un parallèle entre l’utilisation de ces agents et certains bienfaits30,31. Une étude multicentrique ayant porté sur quatre groupes de sujets n’a pourtant mis au jour aucune différence statistiquement significative entre les groupes traités par la glucosamine ou la chondroïtine et le groupe placebo après 24 semaines de traitement32.

Des données probantes confirment les bienfaits des infiltrations intra-articulaires de corticostéroïdes et d’acide hyaluronique. Le soulagement de la douleur obtenu avec les corticostéroïdes est relativement rapide et attribué à leur effet anti-inflammatoire, mais il s’estompe avec le temps, semble-t-il33. Une méta-analyse a démontré que les corticostéroïdes sont dotés d’une innocuité à long terme acceptable34, mais l’utilisation prolongée de ces agents pourrait théoriquement devenir préoccupante en raison de problèmes touchant, entre autres, la fonction immunitaire35. Comme celles de plusieurs autres organismes, les lignes directrices de l’American Academy of Orthopedic Surgeons (AAOS) ne recommandent pas le recours systématique aux infiltrations intra-articulaires de corticostéroïdes dans les cas de gonarthrose36.

Les infiltrations intra-articulaires d’acide hyaluronique, un glycosaminoglycane endogène présent dans plusieurs tissus de l’organisme, ont été homologuées pour le traitement de la gonarthrose il y a près de 20 ans. Leur utilisation est très répandue, leurs avantages l’emportant sur les risques qu’elles comportent. L’acide hyaluronique produit naturellement dans le genou donne sa viscoélasticité à la synovie, d’où une meilleure répartition des sollicitations mécaniques37. Les résultats d’études expérimentales portent à croire que l’acide hyaluronique interviendrait activement dans la réparation chondrocytaire et la stabilité du genou38. Des études cliniques sont venues confirmer que ses bienfaits sont plus durables que ceux des infiltrations intra-articulaires de corticostéroïdes et qu’il offre un soulagement de la douleur semblable à celui obtenu avec les AINS39. Si on exclut la douleur ressentie par certains patients durant l’injection, le bilan d’innocuité de l’acide hyaluronique se compare à celui d’un placebo40.

Il se peut que les préparations d’acide hyaluronique ne soient pas interchangeables. Les premières préparations commercialisées sur le marché ont été suivies d’autres produits plus sûrs ou plus efficaces ou les deux à la fois. Par exemple, les premières préparations étaient toutes fabriquées à partir de crêtes de coq, ce qui a donné lieu à des mises en garde destinées aux patients allergiques aux volailles ou aux produits avicoles. Or beaucoup des préparations plus récentes offrent deux avantages : elles ne sont pas d’origine aviaire et elles agissent plus longtemps. Les plus récentes, comme Monovisc et Durolane, seraient efficaces pendant un laps de temps pouvant aller jusqu’à six mois. Cette caractéristique est certes un atout pour les patients qui supportent mal les injections, mais les intervalles posologiques plus longs laissent aussi entrevoir une plus grande activité et, partant, un délai d’action plus court. Comparativement aux premières préparations d’acide hyaluronique, les plus récentes ont une masse moléculaire élevée, indice probable d’une plus grande activité réparatrice à l’intérieur des tissus41. Enfin, notons que la teneur en acide hyaluronique varie d’une préparation à l’autre (Tableau 2).

La plupart des autres options pharmacologiques opposées à la gonarthrose, notamment les opiacés, sont utilisées pour maîtriser les symptômes pendant peu de temps. Si théoriquement parlant, l’intérêt que présente l’acide hyaluronique pour rétablir un état physiologique normal en vue de freiner l’évolution de la gonarthrose peut piquer la curiosité, rien n’indique encore qu’un médicament, quel qu’il soit permette de la renverser.

Chez les patients affligés d’arthrose symptomatique, le traitement est avant tout pharmacologique, mais les mesures non pharmacologiques peuvent aussi jouer un rôle prépondérant dans le ralentissement ou la prévention de l’évolution de la maladie. Par exemple, les lignes directrices de l’AAOS recommandent fortement la perte de poids chez les patients obèses atteints de gonarthrose36. L’effet mécanique de la surcharge pondérale n’est pas le seul risque associé à une masse adipeuse excessive; il faut aussi compter avec la régulation positive de facteurs pro-inflammatoires susceptibles d’aggraver l’arthropathie42. Des chercheurs ont également fait le rapprochement entre l’obésité et une douleur perçue comme plus intense, sans égard au poids supporté par les articulations43. Chez les personnes obèses atteintes de gonarthrose, la perte pondérale a été reliée au soulagement des symptômes et à une évolution moins rapide de la maladie44.

Le renforcement de la musculature, notamment celui des quadriceps, est également un moyen non pharmacologique d’améliorer la fonction articulaire45. Des exercices d’aérobie et des exercices contre résistance, de même qu’un entraînement en force musculaire se sont montrés efficaces au cours d’essais cliniques pour réduire les symptômes de l’arthrose et possiblement pour ralentir l’évolution de la maladie46,47. Le défaut d’alignement étant vu comme un facteur prévisionnel lourd de sens, les attelles, les orthèses et les jambières de contention peuvent toutes être utiles chez certains patients. Lors d’une étude réalisée chez des patients ayant les jambes arquées, la gonalgie des sujets ayant porté des jambières en néoprène a diminué comparativement à celle des témoins, ceux-ci n’ayant reçu aucun traitement48. Dans le cadre d’une autre étude menée chez le même type de patients, il a été possible de soulager la douleur avec des orthèses plantaires49.

Même si elle peut être utile dans certaines indications bien précises, la chirurgie s’est révélée très décevante dans les cas de gonarthrose. En effet, des chercheurs n’ont pu établir de lien entre le lavage articulaire et une amélioration de la fonction de l’articulation ou une atténuation de la douleur au terme de leur métaanalyse50. De plus, les responsables d’une autre méta-analyse, qui se sont cette fois-ci penchés sur le débridement articulaire par arthroscopie, en sont arrivés à une conclusion similaire51. Après examen des autres méthodes chirurgicales utilisées dans les cas de gonarthrose, telles que l’ostéotomie ou l’arthrodèse, les auteurs des lignes directrices consensuelles européennes ont conclu que le recours systématique à ces interventions est injustifié52. Les opérations chirurgicales réalisées à des fins précises, comme le retrait par arthroscopie de microparticules intraarticulaires, peuvent convenir à certains patients, mais l’intérêt de ces interventions, exception faite de l’arthroplastie totale du genou, n’est pas bien documenté.

L’amélioration des options thérapeutiques opposées à la gonarthrose passe obligatoirement par une meilleure compréhension des mécanismes physiopathologiques de cette affection. Si bon nombre des causes de cette maladie dégénérative sont bien connues, notamment les sollicitations mécaniques et la prédisposition génétique53, les processus moléculaires impliqués dans la détérioration de l’articulation restent à élucider. Comme c’est le cas pour d’autres maladies, les traitements ciblés opposés à l’arthrose pourraient offrir les meilleures perspectives en matière de réparation ou de régénération des tissus. Du côté de la réparation durable du cartilage, la greffe de chondrocytes autologue est l’une des techniques porteuses d’avenir54. L’amplification de l’activité biologique de l’acide hyaluronique exogène, qui a fait ses preuves dans la régulation du comportement chondrocytaire lors d’études expérimentales55, en est une autre. De tels traitements pourraient être appelés à jouer un rôle déterminant dans l’allègement du fardeau croissant que constitue la gonarthrose.

Conclusion

S’il est vrai que la prévalence de la gonarthrose  augmente avec l’âge, il n’en demeure pas moins que cette maladie est souvent à l’origine de troubles fonctionnels et d’une altération de la qualité de vie chez des personnes relativement jeunes et autrement en santé. Or il est possible d’en ralentir l’évolution en amorçant le traitement très tôt en jumelant des traitements pharmacologiques à d’autres, non pharmacologiques, pour maîtriser les symptômes et corriger les facteurs de risque susceptibles d’exacerber la détérioration articulaire. Compte tenu de la chronicité de la gonarthrose, les options pharmacologiques les plus intéressantes sont celles qui comportent le moins de risque de toxicité cumulative. Les AINS et l’acide hyaluronique se sont montrés efficaces dans le traitement de la gonarthrose, mais leur bilan d’effets indésirables est différent. La théorie veut que l’aptitude de l’acide hyaluronique pour améliorer la fonction articulaire au fil du temps justifie que l’on envisage d’avoir recours à des préparations à longue durée d’action renfermant de fortes teneurs des agents de cette classe thérapeutique. La recherche se penche actuellement sur d’autres agents qui permettraient d’affaiblir le processus pathologique.

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Déclaration

L'information et les opinions formulées aux présentes sont celles des participants et ne reflètent pas forcément celles de Xfacto Communications Inc. ou du commanditaire. La diffusion de ce rapport de conférence a été rendue possible grâce au soutien de l'industrie en vertu d'une convention écrite garantissant l'indépendance rédactionnelle. Ce document a été créé à des fins didactiques et son contenu ne doit pas ètre vu comme faisant la promotion de quelque produit, mode d'utilisation ou schéma posologique que ce soit. Avant de prescrire un médicament, les médecins sont tenus de consulter la monographie du produit en question. Toute distribution, reproduction ou modification de ce programme est strictement interdite sans la permission écrite de Xfacto communications Inc. © 2024. Tous droits réservés. The Medical XchangeMC

Chapitre 1 : L’arthrose du genou : une épidémie qui prend de l’ampleur

La gonarthrose (ou arthrose du genou) est un problème orthopédique fréquent. À preuve, un adulte canadien sur six environ en est affligé1. Cette maladie inflammatoire chronique et évolutive provoque de la douleur, restreint les activités et nuit à la qualité de vie. Comme il s’agit d’une maladie chronique, il faut absolument tenir compte de l’innocuité et de la tolérabilité à long terme des options thérapeutiques envisagées pour maîtriser durablement ses symptômes. Pendant que les chercheurs s’efforcent de trouver des moyens de ralentir la détérioration articulaire, les cliniciens s’emploient essentiellement à maîtriser les symptômes. L’usage veut que les analgésiques simples, tels que l’acétaminophène et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), soient privilégiés en première intention, mais leur efficacité a ses limites et leur utilisation au long cours soulève certaines inquiétudes. Quant aux infiltrations intra-articulaires, l’acide hyaluronique, qui est naturellement produit par les articulations saines, se révèle plus sûr que les corticostéroïdes, surtout dans les cas où des traitements itératifs sont à prévoir. La durabilité de son effet donne également à l’acide hyaluronique un avantage supplémentaire sur les autres options. Peu importe le traitement privilégié, les chances de réussite seront d’autant plus grandes qu’il sera appuyé par des méthodes d’appoint non pharmacologiques, notamment des exercices visant à renforcer les articulations.

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